M. Louis Souvet attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la nécessité de mettre en pratique les dispositions de l'article L.1611-1 du code général collectivités territoriales, « Aucune dépense à la charge de l'État … ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi », vis-à-vis des transmissions par les communes des demandes de passeport (article 7 du décret du 26 janvier 2001) et de cartes d'identité (article 4 du décret du 25 novembre 1999). Un mécanisme général tout autant qu'équitable d'indemnisation basé sur les ratios d'utilisation des agents publics territoriaux éviterait des recours administratifs en cascade. La loi doit prendre le relais de la jurisprudence. Il lui demande si les pouvoirs publics entendent tirer toutes les conséquences de cet état de fait et mettre en place le mécanisme péréquateur ad hoc.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 123, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil d'État a vocation, de par ses arrêts, à faire respecter la loi par la puissance publique, grâce à une jurisprudence adéquate.
C'est le cas pour les communes qui, ayant été sollicitées par l'État, sur la base de textes réglementaires, pour transmettre les dossiers de passeports et de cartes d'identité, demandent, via la justice administrative, la mise en oeuvre de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel « aucune dépense à la charge de l'État ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi ».
Tant les cours administratives d'appel que le Conseil d'État prononcent régulièrement des condamnations à l'encontre de l'État, via la recevabilité des demandes en dédommagement. Des communes vont donc être indemnisées à ce titre, après une procédure devant les cours et tribunaux administratifs tels que ceux de Versailles, Villeurbanne, Besançon ou Audincourt. Je ne les citerai pas tous, tant les recours vont se multiplier si cette situation perdure.
Les communes doivent établir la réalité de leur préjudice en lien direct de causalité, selon le principe général régissant ce type de contentieux. Cela ne pose pas de problème, mais engendre naturellement des disparités quant aux montants des indemnisations. Je souhaite donc savoir si les collectivités seront traitées sur un pied d'égalité en percevant une indemnisation ad hoc ou si tous les exécutifs communaux devront ester en justice.
Il convient, en effet, de souligner que, contrairement à la loi, la jurisprudence, qu'elle soit civile ou administrative, autorise les fluctuations financières sur le montant des indemnisations, selon que tel ou tel paramètre est retenu ou non par le juge, par exemple le temps moyen de traitement d'un dossier ou la prise en compte d'une période de prescription.
Selon moi, toutes les collectivités doivent être traitées sur un pied d'égalité, ce qui serait possible si un barème de remboursement ainsi que les modalités dudit remboursement étaient mis en place par l'État. Cette voie, madame le ministre, va-t-elle être suivie par les pouvoirs publics ?
Un tel dispositif, voire une spécialisation totale de certains membres du Conseil d'État dans un contentieux qui connaîtra une croissance exponentielle, éviterait également l'engorgement prévisible des tribunaux administratifs.
Mon propos vise tout autant à assurer une égalité de traitement qu'à éviter l'apparition d'une cascade contentieuse liée à cette indemnisation ad hoc, cascade qui ne serait, bien sûr, profitable à personne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, il est vrai que seule la loi peut confier aux maires la mission de recueillir et de délivrer les demandes de titres d'identité.
Le problème qui est aujourd'hui posé est de forme. En effet, les décrets de 1999 et 2001, qui attribuaient cette mission aux maires, n'étaient pas un support juridique adapté. Les contentieux engagés par certaines communes ne sont donc fondés que sur ce vice de forme.
Sur le fond, la loi ne prévoit pas l'obligation d'indemniser les communes pour les missions confiées aux maires dans le cadre de leurs responsabilités d'agents de l'État. Ce n'est donc pas parce que nous leur avions demandé d'effectuer ce travail que des contentieux ont surgi, c'est parce que cette mission n'avait pas été prévue par la loi.
Néanmoins, ces contentieux existent et représentent, potentiellement, un coût très important pour le budget de l'État. Je souhaite donc apporter rapidement une réponse juridique et concertée face à ce risque. Dans cet objectif, j'ai engagé une concertation avec l'Association des maires de France, afin de trouver une solution satisfaisante pour tous.
À l'issue de cette concertation, qui se déroule actuellement, je proposerai une disposition adaptée, dans le cadre du projet de loi sur la protection de l'identité qui sera prochainement déposé au Parlement. Les titres biométriques, qui seront l'un des points essentiels de ce texte, permettront d'apporter davantage de sécurité aux Français.
En tout état de cause, j'ai demandé, dans le cadre de cette concertation, qu'une indemnisation financière soit prévue pour les communes responsables de la délivrance de ces nouveaux titres sécurisés. Même si ce n'est pas une obligation, comme je l'ai dit tout à l'heure, puisque cette charge entre dans le cadre des missions que les maires accomplissent au titre de leurs responsabilités d'agents de l'État, il me paraît normal de prévoir une telle indemnisation. Elle mettra fin à ces contentieux, qui, je le répète, portaient surtout sur la forme, mais pouvaient entraîner des inconvénients graves. Cette solution satisfera les communes et nos concitoyens, puisqu'il s'agit de mettre à leur disposition un service public qui soit le plus proche de chez eux.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Je souhaite simplement vous remercier, madame la ministre, de votre réponse. J'apprécie que vous vous soyez déplacée en personne pour me répondre.
Mon intention n'est pas d'engager un contentieux, mais de faire en sorte que tout le monde soit traité de la même manière ! Si n'étaient remboursés que ceux qui décident d'ester en justice, ce serait un peu décourageant !
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.