M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur la nécessité de prendre des mesures urgentes pour développer les entreprises adaptées dans le cadre des missions définies par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, sauvegarder les 20 000 emplois de salariés handicapés et faire de l'entreprise adaptée une entreprise ordinaire entre l'entreprise classique et la structure médico-sociale, au service de l'insertion professionnelle et sociale des personnes handicapées.
En effet, le risque est grand de voir disparaître la notion même d'entreprise adaptée en l'absence d'une réflexion approfondie pour permettre plus de souplesse dans le dispositif de l'aide au poste, pour déterminer les conditions de revalorisation de la subvention spécifique destinée à compenser les surcoûts, pour aider les entreprises à se positionner sur les marchés publics.
Une étude comparative menée par l'Union nationale des entreprises adaptées démontre le bien fondé de l'investissement de la collectivité en faveur de l'emploi des personnes handicapées et cet organisme représentatif du secteur a élaboré des propositions, preuve qu'elle ne se situe pas dans une logique de guichet distributeur de fonds publics.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 132, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Comme chacun le sait, les entreprises adaptées contribuent à l'accès à l'emploi des personnes handicapées. Il est donc aujourd'hui de première urgence de veiller à développer ces entreprises dans le cadre des missions définies par la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, afin de sauvegarder les 20 000 emplois de salariés handicapés, et pérenniser leur place originale entre l'entreprise classique et la structure médico-sociale au service de l'insertion professionnelle et sociale des personnes handicapées.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, m'a tout récemment fait savoir que les décisions qui ont été adoptées, pour le secteur, dans la loi de finances pour 2008 - suppression de 387 postes aidés par rapport à 2007, montant pour la subvention spécifique qui n'a pas évolué depuis 2002, effectif de référence inférieur au nombre de postes aidés -, étaient fondées sur un constat de sous-consommation des crédits votés pour 2007.
D'ailleurs, comme il me le confirmait, « une réflexion s'est engagée en 2007 associant les organismes gestionnaires des entreprises adaptées sur les éventuelles évolutions de critères d'attribution de la subvention spécifique, ce qui devrait permettre à terme une gestion optimale des crédits qui sont alloués en vue d'accompagner au mieux ces entreprises dans leur développement ». Il ajoutait alors : « Vous pouvez donc compter sur la détermination du Gouvernement pour poursuivre la mise en oeuvre du plan de soutien et de modernisation aux entreprises adaptées lancé en 2006. »
C'est mon cas et je salue les efforts du Gouvernement et sa détermination. Néanmoins, madame la ministre, permettez-moi de souligner qu'une logique purement comptable ne correspond pas forcément aux réalités de l'entreprise adaptée : cet arrêt brutal de l'effort budgétaire en faveur de ces structures les fragilise et met en péril l'un des outils de première importance de l'insertion des personnes handicapées.
Le développement des entreprises adaptées est entravé par un système pervers, lié au contingentement des aides au poste ; ce n'est pas la première fois que l'on insiste sur cet aspect. En effet, ce dispositif manque de souplesse et contraint les entreprises à lier leur activité au niveau de l'aide accordée, ce qui limite leur développement et leur recrutement. Force est de constater que la consommation des aides au poste ne peut être atteinte, notamment à cause de la non-prise en compte du salarié malade, de la lenteur des procédures administratives, de l'impossibilité de modulation du contingentement, de préconisations supplémentaires des services déconcentrés dans tel ou tel département...
Tous ces freins représentent un risque économique pour le développement des entreprises adaptées qui sont attachées, en leur qualité d'entreprises à part entière reconnues par la loi, aux missions que leur a confiées le législateur pour favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées et apporter une valeur sociale ajoutée.
De surcroît, une étude comparative menée par l'Union nationale des entreprises adaptées, destinée à mesurer le rapport entre l'effort budgétaire de la collectivité nationale au profit d'un demandeur d'emploi handicapé et celui qui est consenti pour un salarié handicapé en entreprise adaptée, démontre sans ambiguïté que l'effort budgétaire public en direction de l'entreprise adaptée est nettement moins important : de 8 100 euros à plus de 11 000 euros par an pour le demandeur d'emploi contre 3 700 euros versés pour un salarié en entreprise adaptée !
Cette comparaison, purement financière, ne doit cependant pas occulter les valeurs portées par le secteur de l'entreprise adaptée, qui privilégient l'intégration et l'épanouissement des salariés handicapés. Bien au contraire !
L'État a tout à gagner en accompagnant le développement des entreprises adaptées, qui sont prêtes à relever le défi de la lutte contre le chômage des personnes handicapées en créant des emplois économiquement viables et socialement rentables, pourvu qu'elles disposent d'un cadre réglementaire et des moyens adaptés à leurs missions. C'est en ce sens que leur association représentative a élaboré une série de propositions relatives, notamment, à une évolution du dispositif de l'aide au poste et à une modernisation du mécanisme de la subvention spécifique.
Je suis certain que ces propositions ont été communiquées au Gouvernement ; elles ne s'inscrivent pas dans une logique de financement en libre service, mais mettent l'accent sur la nécessité d'intégrer les exigences de l'entreprise adaptée dont le recrutement est lié, comme pour toute autre entreprise, à ses performances, à son activité et à sa capacité de conquérir de nouveaux marchés, ce qui, convenons-en, n'est pas facile.
J'aimerais donc savoir, madame la ministre, dans quelle mesure cette intéressante contribution de l'Union nationale peut être intégrée aux réflexions engagées par le Gouvernement avec les responsables de ce secteur.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attaché à l'existence des entreprises adaptées, qui permettent de donner un véritable emploi rémunéré, dans des conditions de droit commun, à des personnes handicapées dont l'efficience réduite ne permettrait pas le recrutement par une entreprise ordinaire.
La loi du 11 février 2005 avait d'ailleurs pour objet de conforter leurs missions - vous l'avez souligné - et de rendre plus prévisibles leurs ressources, en fixant, dans un avenant annuel à leur convention d'agrément, le nombre d'aides au poste dont elles sont susceptibles de bénéficier pour l'emploi de leurs salariés handicapés.
Pour l'année 2008, l'engagement de l'État vis-à-vis de ces entreprises demeure fort. L'enveloppe de crédits a été maintenue au même niveau qu'en 2007 et permettra de financer 19 625 aides au poste. Ce nombre est supérieur à celui des aides au poste qui ont été réellement consommées en 2007.
Ces marges de manoeuvre vont pouvoir être mieux utilisées car le CNASEA, qui gère le versement de ces aides, a désormais mis en place un suivi mensuel de leur consommation. Les redéploiements nécessaires pourront donc être opérés au cours de l'année 2008, s'il s'avère que des départements ou des régions ne consomment pas la totalité de leurs crédits.
Ce faisant, nous pourrons financer les projets de création et de développement des entreprises adaptées.
Comme vous, le Gouvernement partage le souhait des associations gestionnaires de réfléchir à l'assouplissement des contraintes liées au contingentement, afin de ne pas freiner le développement économique des entreprises adaptées. À ce titre, une plus grande souplesse de leurs modalités de recrutement peut être envisagée ; en lien avec les entreprises adaptées elles-mêmes, la notion d'efficience réduite, qui préside à leurs règles de recrutement, pourra être clarifiée, comme le suggère d'ailleurs l'excellent rapport du délégué interministériel aux personnes handicapées.
Par ailleurs, le Gouvernement est très attaché à la subvention spécifique, car elle est le signe sensible de son engagement au côté des entreprises adaptées, dans le cadre du plan de soutien et de modernisation de ce secteur lancé depuis 2006.
Pour l'année 2008, l'enveloppe a été fixée à 42 millions d'euros. Ces crédits doivent être affectés de la façon la plus utile possible afin d'accompagner au mieux les entreprises adaptées dans leur développement, ou dans leur redressement pour celles qui connaissent des difficultés. Pour y parvenir, une réflexion sur les critères d'attribution de cette subvention va donc être engagée.
Le Gouvernement n'oublie pas non plus qu'il a sa part de responsabilité dans le développement de l'activité des entreprises adaptées, à travers la commande publique qui peut leur être adressée. Ainsi, certains marchés ou certains lots d'un marché peuvent désormais être réservés à ces entreprises ou à des établissements et services d'aide par le travail.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le soutien du Gouvernement aux entreprises adaptées reste fort et attentif.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Madame la ministre, je vous remercie de la réponse que vous venez de m'apporter, au nom du Gouvernement. Depuis le vote de la loi de 2005, je n'ai jamais douté de la volonté de ce dernier d'agir en faveur des personnes handicapées, quel que soit le domaine dans lequel il intervient ; dans le secteur du travail, je pense aux ESSAD ou encore aux entreprises adaptées.
Mais, à l'heure actuelle, ces entreprises connaissent les problèmes que je me suis permis de dénoncer. Cela étant, je sais que je ne suis pas le seul à m'intéresser à cette question, que je m'efforcerai de suivre à l'avenir, comme je l'ai fait jusqu'à maintenant.
J'ai bien noté les quelques pistes de réflexion que vous avez avancées. Vous avez évoqué le suivi mensuel de la consommation des crédits affectés aux aides au poste, ainsi que d'éventuels redéploiements, si nécessaire. Vous avez également envisagé un certain assouplissement et vous jugez utile de préciser concrètement la notion d'efficience réduite, ce qui n'est pas facile. Vous avez également mentionné la commande publique. Tous ces éléments peuvent aider les entreprises adaptées.
Je ne manquerai pas de suivre l'évolution du dossier et je ne doute pas que la volonté du Gouvernement lui permette d'aller dans le bon sens.
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