Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur l'importante régression des droits des femmes en Afghanistan, alors même que les Afghanes pourraient être les meilleures garantes du processus en cours de démocratisation et de reconstruction du pays, en opposition aux violences, à la drogue et à la corruption.
Alors que l'influence internationale avait permis après le départ des talibans la rédaction d'une Constitution moderne qui garantissait un certain nombre de droits aux femmes afghanes, de nouvelles dispositions législatives, votées par les deux chambres du Parlement et signées par le Président de la République, vont à l'encontre de l'esprit même de cette Constitution, avec comme conséquence, si elles sont appliquées, une détérioration dramatique de la situation des femmes dans ce pays, non seulement au sein de la minorité shiite pour laquelle ces nouvelles dispositions ont été édictées, mais aussi pour l'ensemble des Afghanes. Elle lui rappelle que parmi ces dispositions figurent l'interdiction faite à une femme de refuser les avances sexuelles de son mari, la nécessité de son autorisation expresse pour pouvoir étudier ou exercer un travail à l'extérieur du foyer, et même l'interdiction de sortir de chez elle sans raison « légitime » ! Elle rappelle en outre que l'Afghanistan est aujourd'hui, d'après nombre d'organisations internationales, le pays où le taux de violence envers les femmes et les petites filles est le plus élevé au monde, alors même que l'on estime que la très grande majorité de ces violences sont passées sous silence, par peur de représailles dans un pays où la justice n'est encore qu'embryonnaire, voire quasi-inexistante dans les zones rurales.
Elle souhaiterait donc savoir s'il ne conviendrait pas, compte tenu de l'aide importante apportée par l‘Union européenne, et par la France en particulier, à l'Afghanistan pour sa reconstruction, de subordonner tout ou partie de cette aide à une meilleure défense des droits des femmes sur le territoire de ce pays. Elle lui demande s'il ne pourrait pas en particulier intervenir avec force auprès du Président pour que non seulement ces lois aussi iniques que barbares soient immédiatement annulées, mais qu'il soit mis en place au plus vite une stratégie de développement fondée sur le soutien aux femmes afghanes, avec par exemple une attribution de véritable moyens au ministère des femmes et aux organismes travaillant pour leur éducation et leur protection.
La question du respect des droits des femmes afghanes et de l'amélioration de leur condition a toujours été au coeur de l'action de la France en Afghanistan et, de manière générale, un déterminant essentiel de son engagement en faveur de la stabilisation et du développement de ce pays. Grâce à l'action menée par la France, ses alliés et les autorités afghanes depuis 2001, des progrès significatifs ont été, ainsi que l'honorable parlementaire le souligne à juste titre, enregistrés en ce domaine depuis lors. Toutefois, dans une société encore très conservatrice et profondément marquée par plusieurs décennies de conflit, ces progrès peuvent souvent paraître comme trop lents à intervenir, et de manière plus inquiétante, les avancées qu'ils ont permises, pour être réelles, restent extrêmement fragiles. Les autorités françaises maintiennent sur ce sujet une vigilance constante. C'est ainsi qu'elles ont été parmi les toutes premières, début avril 2009, à dénoncer et condamner les dispositions contenues dans le texte de loi régissant les rapports familiaux au sein de la minorité chiite, adopté par le Parlement afghan, en mars 2009, qui sont contraires au texte de la Constitution afghane de 2004, qui garantit formellement l'égalité entre hommes et femmes, ainsi qu'à l'ensemble des conventions internationales en matière de respect des droits de l'Homme auxquelles est partie l'Afghanistan. La forte pression internationale a conduit les autorités afghanes à renoncer à promulguer ce texte en l'état, le Président Karzaï demandant au ministre de la justice d'en conduire le réexamen complet, afin de l'expurger des dispositions nuisant au respect des droits des femmes. Un nouveau texte de loi doit encore être approuvé par le Parlement afghan. Le ministre des affaires étrangères et européennes est attaché, du fait aussi de son engagement ancien et personnel en faveur du peuple afghan, à ce qu'à l'issue de ce processus de réexamen, un texte véritablement protecteur des droits des femmes puisse être adopté par le Parlement afghan. Il a insisté sur ce point lors de son entretien avec le Président Karzaï, en mai 2009. Le ministre avait d'ailleurs souhaité que la question des droits des femmes soit une priorité de ce voyage. Il a d'ailleurs rencontré de nombreuses femmes afghanes, responsables politiques ou associatives engagées en faveur de la promotion de la condition féminine, et, plus généralement, en faveur du respect des droits de l'Homme. Il leur a réitéré le soutien sans faille de la France à leur action difficile mais essentielle pour l'avenir de l'Afghanistan. La France restera également très vigilante sur l'impérative préservation des acquis en matière de droits des femmes, notamment leurs droits civiques, à l'éducation et à la santé, dans le cadre du processus de réintégration et la réconciliation nationale pour lequel un effort nouveau a été lancé à la Conférence de Londres du 28 janvier 2010. La France a ainsi été attentive à la prise en compte de cette question lors de la Conférence de Kaboul du 20 juillet dernier. Le communiqué final réaffirme les conditions, établies par les autorités afghanes elles-mêmes, qui devront s'imposer aux rebelles ralliés : renoncement préalable à la violence, rupture des liens avec al-Qaïda et engagement à respecter la Constitution afghane de 2004. Au-delà et de manière concrète, les autorités françaises veillent, dans leurs actions en faveur de la reconstruction du pays, à ce que celles-ci intègrent toujours une composante axée sur la promotion des droits et de la condition des femmes, que ce soit en matière de santé (hôpital mère-enfant de Kaboul), d'éducation (lycée francophone pour filles Malalaï), de développement rural et agricole (programme national de solidarité). L'aide civile française à l'Afghanistan ayant été substantiellement augmentée en 2009 et 2010, l'action menée en faveur de l'amélioration du sort des femmes afghanes s'en trouve également renforcée. Dans ces conditions, la poursuite de cet objectif prioritaire continue à passer par des actions de terrain. Conditionner cette aide à des progrès préalables de la part des autorités de ce pays ne suscitera qu'incompréhension. Cela ne fera que porter préjudice à la population, ainsi privée d'une aide aujourd'hui essentielle. Les autorités françaises maintiendront donc, sur le sujet de la condition des femmes afghanes, une approche équilibrée visant à consolider et amplifier progressivement les avancées obtenues en ce domaine, depuis 2001, à travers la poursuite d'actions de coopération ciblées, combinées au maintien d'une très grande vigilance sur le respect effectif par les autorités afghanes de leurs obligations et engagements en ce domaine.
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