M. Alain Anziani attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de renoncer au moratoire sur l'application des règles pénitentiaires européennes dans les prisons françaises.
Dans un courrier du 30 avril 2009 à l'intersyndicale des surveillants de l'administration pénitentiaire, elle s'est prononcée pour une « redéfinition du rythme de mise en application des règles pénitentiaires », voire pour un « moratoire » de cette application.
Il tient à souligner la gravité de cette décision et rappelle que les règles pénitentiaires européennes, énoncées par une recommandation du Conseil de l'Europe du 11 janvier 2006, constituent un engagement international de la France. La stricte application de ces règles est un élément essentiel pour l'amélioration de la condition carcérale dans notre pays.
La France a déjà pris un retard considérable dans l'application des règles pénitentiaires, et il serait dramatique de les remettre une nouvelle fois en cause. Dans un document de communication du ministère de la justice datant de 2007, les règles pénitentiaires européennes étaient présentées comme une « charte d'action pour l'administration pénitentiaire ». Pourtant, l'application de ces règles reste très limitée : seul un petit nombre est expérimenté, dans un nombre restreint d'établissements.
Par ailleurs, la transcription des règles pénitentiaires européennes était l'un des objectifs affichés du projet de loi pénitentiaire. Il est donc surprenant de prononcer un moratoire alors même que ce projet de loi doit être prochainement discuté devant l'Assemblée nationale.
L'application de ces règles doit être l'une des priorités absolues de la politique pénitentiaire de la France. Comme l'a souligné le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe dans le mémorandum qu'il a rédigé suite à sa visite en France du 21 au 23 mai 2008, « les règles pénitentiaires européennes, socle fondamental qu'il convient de respecter et de mettre en œuvre au plus vite, ne sont qu'une base minimum. Elles ne devraient pas empêcher les autorités d'adopter une loi plus protectrice pour des détenus ».
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer la portée et la durée du moratoire de l'application des règles pénitentiaires européennes. Il lui demande par ailleurs de renoncer à cette décision qui ne manquera pas d'aggraver les conditions de vie déjà particulièrement difficiles des personnes détenues.
La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire l'intérêt qu'elle porte à l'application des règles pénitentiaires européennes. Les nouvelles règles pénitentiaires européennes (RPE), adoptées par le Conseil de l'Europe le 11 janvier 2006, ont été l'occasion de réaffirmer les valeurs auxquelles le ministère de la justice est attaché et sa volonté de placer les personnes détenues au coeur des missions de l'administration pénitentiaire. L'analyse des règles sous l'angle juridique menée en 2006 a permis de constater que la réglementation française est très proche des exigences posées par les RPE. Cependant, il est apparu que quelques règles nécessitaient des aménagements législatifs ou réglementaires. Le ministère de la justice a donc engagé une étude afin de procéder à un état des lieux des pratiques professionnelles en vigueur, d'examiner les contraintes juridiques et de recenser les points de blocage. Ces réflexions sont largement reprises dans le projet de loi pénitentiaire présenté au Sénat en mars 2009. La loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a d'ores et déjà permis de rendre conforme à la législation française les règles 9 et 93-1 qui prévoient que « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants ». Parallèlement à cette mise en conformité juridique, le ministère de la Justice s'est engagé dans une véritable dynamique de modernisation des pratiques professionnelles du service public pénitentiaire. Après une phase d'expérimentation de 8 RPE à enjeu fort car présentant un réel enjeu pour la prise en charge des personnes détenues sur une trentaine de sites pilotes e l'élaboration en 2008 d'un référentiel de principes et de pratiques professionnelles, déclin sous la forme d'engagements de services concrets et mesurables en application de l'ensemble des règles pénitentiaires européennes, le ministère de la justice a privilégié comme objectif 2009 la généralisation des actions entreprises à titre expérimental à l'ensemble des établissements pénitentiaires. Cet engagement se traduit par différentes actions conduites en lien avec nos partenaires institutionnels et associatifs. Les chiffres témoignent de cette importante dynamique : 101 établissements pénitentiaires qui mettent en oeuvre la séparation prévenus/condamnés est effectuée (soit 78 % des sites concernés), contre 7 début 2007 (5 % des sites) ; 118 établissements pénitentiaires ont des secteurs d'accueil des détenus arrivant conformes aux RPE (soit 68 % des sites), contre 73 début 2007 (42 % des sites) ; 157 établissements pénitentiaires ont créé des commissions pluridisciplinaires uniques (CPU), garantie d'une meilleure prise en charge de la personne détenue (soit 91 % des sites). Celles-ci n'existaient début 2007 que dans 30 % des sites ; 66 établissements pénitentiaires ont mis en oeuvre une procédure formalisée de traitement des requêtes des personnes détenues (38 % des sites) ; 73 maisons d'arrêt sont à ce jour équipées de la téléphonie (soit 56 % des sites concernés) alors que ce droit n'était ouvert à aucun détenu en 2006 ; 19 établissements (et 43 supplémentaires en 2009) ont obtenu un label qualité délivré par AFNOR Certification, qui sanctionne leur respect d'une vingtaine de règles pénitentiaires européennes. Les impacts positifs de la démarche de mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes sont multiples, aussi bien pour les personnes détenues que pour les personnels. Après deux années de mise en oeuvre, il est apparu nécessaire de dresser un bilan de l'application des RPE. À la suite du mouvement social des personnels de surveillance de mai 2009, le protocole d'accord conclu le 11 mai 2009 entre le ministère de la justice et les organisations syndicales prévoit de confier à une mission l'évaluation du dispositif RPE. Cette mission, qui rendra ses conclusions en juillet 2009, dressera un bilan de ce dispositif et en définira les modalités de poursuite. Dans l'attente, les nouvelles mesures de mise en oeuvre des RPE sont suspendues ; celles déjà engagées, sont poursuivies dans la mesure où elles n'ont aucun impact sur la charge de travail des personnels.
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