M. Roland Courteau expose à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi que, selon une étude de l'INSEE, l'écart entre riches et pauvres se creuse de nouveau.
Il lui indique qu'en 1996, le niveau de vie des 5 % des Français les plus riches était 4,06 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Or, après s'être restreint pendant plusieurs années (3,89 en 2002), l'écart s'est encore élargi et s'établit à 4,3 en 2006.
Il convient de noter que, toujours selon cette même étude, parmi les perdants, on trouve les employés, les ouvriers, les agriculteurs et les artisans. De même, il est à remarquer qu'en 2006, 7,8 millions de Français avaient des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, soit 880 € pour une personne vivant seule et 1 320 € pour un couple.
Il lui demande quelle analyse elle fait de cette étude et quelles mesures elle envisage de prendre afin de corriger cette tendance lourde à l'aggravation des inégalités.
L'édition 2009 de la collection « Les revenus et les patrimoines des ménages » de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) fournit des données sur l'évolution des inégalités au cours des dix dernières années. L'étude de certains indicateurs comme le taux de pauvreté des ménages ou les ratios de niveaux de vie entre les 10 % de ménages les plus riches et les 10 % de ménages les plus pauvres semblent, en particulier, indiquer une stagnation de la pauvreté et une augmentation des inégalités entre 1996 et 2006. Cependant, ce constat doit être nuancé par la prise en compte des nouvelles méthodes de calcul utilisées par l'Institut national de la statistiques et des études économiques (Insee) à partir de l'année 2005 : l'augmentation de l'indicateur d'inégalité mentionnée s'explique par la meilleure mesure de ces inégalités et non par la hausse des inégalités effectives. Le constat d'une stagnation des inégalités et de la pauvreté n'en a pas moins conduit le Gouvernement à mettre en oeuvre des mesures visant à améliorer le niveau de vie des ménages les plus modestes : mise en place du revenu de solidarité active (RSA) au mois de juin 2009, revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse de 25 % d'ici à 2012 ; ces mesures doivent contribuer à la réduction des inégalités. En 2005, l'Insee a mis en oeuvre certaines modifications de méthode sur le traitement de la base de données utilisée pour le calcul des statistiques sur les inégalités de revenu, l'enquête des revenus fiscaux et sociaux. Certaines pourraient être responsables d'une amélioration de la détection des inégalités, sans que cette variation corresponde pour autant à une dégradation réelle de la situation. En particulier, à partir de 2005 : les prestations sociales, auparavant calculés sur la base des données fiscales et de l'enquête emploi, sont désormais collectés auprès des organismes sociaux gestionnaires (Caisse nationale d'allocations familiales, Caisse nationale d'assurance vieillesse, etc.). Cette collecte a permis l'amélioration de la mesure des prestations et l'intégration à l'échantillon d'individus dont les données fiscales n'avaient pas été retrouvées, en général en raison d'un changement d'adresse. Cette population, qui représente 1,2 % des observations de l'échantillon, est globalement plus pauvre que l'ensemble des ménages : 61 % de ces individus sont sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, les revenus issus des produits du patrimoine non soumis à l'impôt sur la fortune ne sont pas connus, et n'étaient donc pas pris en compte avant 2005 dans le calcul du revenu des ménages. À partir de 2005, ces revenus ont été estimés et imputés dans les données. Comme ils bénéficient majoritairement aux ménages les plus aisés (les 10 % des ménages les plus riches détiennent 46 % du patrimoine), il est probable qu'une telle imputation conduise automatiquement à une hausse des inégalités mesurées, sans pour autant être accompagnée d'une hausse réelle des inégalités. La comparaison des indicateurs calculés avant puis après ces deux modifications de méthode permet de relativiser le constat d'augmentation des inégalités : sans ces modifications méthodologiques, les résultats indiquent que le niveau de vie des 10 % de Français les plus riches est 3,16 fois supérieur à ceux des 10 % les plus pauvres, contre 3,37 une fois prises en compte les modifications (les données restant identiques). Ces deux valeurs sont à comparer au ratio de 3,35 observé en 1996 (et calculé selon l'ancienne méthode) et montrent que les inégalités ont plutôt tendance à diminuer. Par ailleurs, c'est ce qu'indique le taux de pauvreté : si 13,5 % des Français avaient un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté en 1996, ils ne sont plus que 13,1 % (ou même 12,1 % avec l'ancienne méthodologie) en 2005. Ces chiffres indiquent une diminution du taux de pauvreté ainsi qu'une meilleure estimation de celui-ci. Enfin, entre 2005 et 2006, ces indicateurs mesurés avec la nouvelle méthode montrent une légère augmentation à la limite de la significativité d'un point de vue statistique des inégalités (le niveau de vie des 10 % de Français les plus riches était 3,41 fois supérieur à ceux des 10 % les plus pauvres en 2006 contre 3,37 en 2005), et de la pauvreté (qui passerait de 13,1 % à 13,2 % entre 2005 et 2006). La mise en place du RSA et la revalorisation de certains minima sociaux doivent permettre d'inverser cette tendance sur les prochaines années. La mise en place du RSA à partir du mois de juin, avec les premiers versements effectués au 1er juillet, devrait contribuer de façon durable à la réduction des inégalités de niveau de vie. En effet, la nouvelle partie du RSA, dit « chapeau » qui est un complément aux revenus du travail, aura de fortes propriétés redistributives : - son financement est assuré par un prélèvement sur les revenus du capital. Si l'on se réfère à la répartition des recettes de la contribution sociale généralisée sur le capital, dont l'assiette est identique, on peut estimer que le RSA sera financé à hauteur de 60 % par les contributions des 10 % de foyers fiscaux les plus aisés, et que 5 % des foyers fiscaux les plus aisés assureront plus de la moitié de son financement ; - la nouvelle partie du RSA, le « chapeau », sera principalement versée aux ménages les plus pauvres : les 10 % de ménages les plus pauvres toucheront, en effet, 45 % de l'enveloppe globale du RSA dans sa partie « chapeau », et les trois quart de la masse financière du RSA « chapeau » seront alloués aux 20 % des ménages les plus pauvres. Le RSA dans sa partie minimum social (le RSA socle) demeure inchangé. Il est estimé que le RSA permettra à environ 500 000 personnes de sortir de la pauvreté. À côté de l'instauration de ce nouveau dispositif, certains minima sociaux vont être revalorisés de façon significative. En effet, le Président de la République s'est engagé à ce que l'AAH et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, qui remplace le minimum vieillesse) soient revalorisées de 25 % d'ici à 2012. Initiées dès l'année dernière, ces revalorisations se poursuivent cette année. Ainsi la revalorisation de l'AAH au 1er avril puis au 1er septembre 2009 est l'objet du décret n° 2009-353 du 31 mars 2009. Son montant passera de 652,6 euros/mois au 1er janvier 2009, à 681,63 euros/mois au 1er septembre 2009, soit une hausse de presque 5 % sur l'année. Plus de 800 000 personnes devraient en bénéficier. Par ailleurs, le minimum vieillesse (aujourd'hui ASPA), qui permet à près de 600 000 personnes âgées de 65 ans au moins (60 ans en cas d'inaptitude au travail), qui disposent de faibles revenus, d'atteindre un seuil minimal de ressources, a été revalorisé de 6,9 % au 1er avril 2009. Ces deux revalorisations devraient avoir pour effet de réduire significativement les inégalités, dans la mesure où la grande majorité des ménages bénéficiaires de l'AAH et du minimum vieillesse se situent parmi les 20 % de ménages les plus modestes.
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