M. Thierry Repentin. Ma question s'adressait à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
J'évoquerai la situation d'un peuple loin de tout et riche de peu, si ce n'est de ce qui lui reste de sa culture ; un peuple qui vit actuellement dans un État et sous un gouvernement qu'il n'a pas choisis ; un peuple qui souffre plus vivement depuis plusieurs semaines parce qu'il a osé relever la tête et lutter contre l'oppression coloniale qu'il subit depuis maintenant plus de soixante ans, plus précisément depuis que les troupes chinoises ont envahi Lhassa, capitale de son pays. Je veux parler, vous l'avez compris, du peuple tibétain.
Nous sommes nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à être extrêmement préoccupés par la dégradation de la situation au Tibet. Les rares informations qui filtrent à travers les frontières brutalement refermées montrent que la répression qui est en train de s'abattre sur les manifestants tibétains est dure, sans commune mesure avec leurs revendications de liberté ni avec les violences que certains d'entre eux ont pu commettre.
La France va-t-elle assister impuissante à l'engrenage de la violence au Tibet ? Va-t-elle se contenter de « regrets » ou d'« appel à la retenue » ? Ou bien fera-t-elle part de sa condamnation sans appel, à l'instar de plusieurs gouvernements européens, qui manifestent sur ce dossier lucidité et de courage ?
Contrairement aux allégations des dirigeants de Pékin, il ne s'agit pas d'une question de politique intérieure qui ne concernerait que la Chine : d'abord parce que plus de 130 000 réfugiés tibétains vivent en dehors de leur pays et que, tous les jours, il en arrive de nouveaux, qui traversent l'Himalaya au péril de leur vie ; ensuite, parce que la communauté internationale a reconnu la stature de leur chef spirituel et leader politique, en attribuant en 1989 le prix Nobel de la paix au dalaï-lama. Aujourd'hui, celui-ci est reçu, avec les égards qui lui sont dus, dans toutes les capitales du monde par des chefs d'État ou de gouvernement.
Permettez-moi de faire, à l'appui de ma question, une citation : « Des cris étouffés s'élèvent de ces montagnes et de ces hauts plateaux. Une population hurle silencieusement vers nous : les Tibétains. Un homme nous tend la main : le dalaï-lama ». Cette citation est de M. Kouchner.
Le dalaï-lama sera-t-il reçu à l'Élysée par le Président de la République, comme il devrait d'ailleurs l'être par le président du Sénat, à l'occasion de son déplacement en France, en août prochain ?
Dans la perspective des jeux Olympiques de Pékin, mais aussi de l'exposition universelle de Shanghai, de quels moyens disposons-nous pour inciter le gouvernement chinois à adopter une attitude plus conforme à ce que l'on attend d'une grande nation amie, la Chine, qui se veut démocratique ?
Quelles actions concrètes allez-vous engager à l'échelon européen, sous la présidence française, et, sans attendre, à celui des Nations unies, qui ont déjà condamné par trois fois l'attitude de la Chine au Tibet ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. MM. Hubert Haenel et Christian Cointat applaudissent également).
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas attendu les émeutes de Lhassa pour nous préoccuper du Tibet. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir plusieurs fois ces derniers mois avec des représentants du dalaï-lama. Depuis le début de cette crise, la France a réagi avec fermeté aux événements qui se sont déroulés à Lhassa et dans les provinces avoisinantes.
Notre position est claire : condamnation de la répression, appel à l'arrêt des violences, à la libération des manifestants pacifiques, à la transparence et à la réouverture du Tibet, à une reprise du dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama.
Aucun pays n'est favorable, comme vous le savez, au boycott des jeux Olympiques. Le dalaï-lama lui-même ne le souhaite pas.
S'agissant de la cérémonie d'ouverture, le Président de la République a souligné que toutes les options étaient ouvertes. J'ai dit que les portes de notre pays étaient également ouvertes au dalaï-lama et que j'étais totalement disposée à l'accueillir.
M. David Assouline. Et le Président de la République ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Le Président de la République fera son choix le moment venu.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Simon Sutour. Ce n'est tout de même pas la même chose !
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. En attendant, il en a appelé au sens des responsabilités de la Chine. Nous espérons qu'elle sera à la hauteur des attentes qu'elle suscite et de son rang.
Nous ne remettons pas en cause l'appartenance du Tibet à la Chine, mais, parce que le Tibet fait partie de la Chine, il appartient au gouvernement chinois de veiller à ce que les droits de l'homme soient respectés au Tibet, à ce que les Tibétains puissent jouir d'une autonomie digne de ce nom et à ce que leurs droits à la liberté de religion et de conscience, ainsi que leurs droits économiques, sociaux et culturels, soient respectés.
La France, en tant que partenaire stratégique, a clairement indiqué qu'elle était disponible pour faciliter ce dialogue. Nous avons mobilisé nos partenaires européens, sans attendre la présidence française. À notre demande, la question tibétaine sera, demain, à l'ordre du jour de la réunion des ministres des affaires étrangères. La France souhaite que l'Union européenne adopte une position unie et ferme, susceptible de contribuer à une solution pacifique dans l'intérêt de tous.
Au-delà de l'échéance des jeux Olympiques, nous continuerons à attendre de la Chine qu'elle fasse des progrès en matière de droits de l'homme, au Tibet comme partout sur son territoire, et nous continuerons à l'inciter à aller dans ce sens.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Yannick Bodin. Ça, c'est de la langue de bois !
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.