M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le ministre, la guerre civile qui fait rage en Irak touche cruellement toutes les composantes de ce pays. Pas un jour ne se passe sans qu'un attentat ou une prise d'otages ne nous rappelle le calvaire subi par un peuple tout entier.
Depuis l'intervention américaine, les chrétiens d'Irak, accusés d'avoir la même religion que les soldats de la puissance occupante, ne cessent de subir des persécutions, qui s'apparentent à une véritable « épuration » religieuse.
Les plus aisés d'entre eux réussissent à obtenir un visa et partent pour l'Europe ou les États-Unis. Les plus déshérités, lorsqu'ils sont accueillis dans les pays voisins, y vivent dans des conditions de précarité scandaleuses.
Quant à ceux qui restent sur place, ils connaissent le chantage et le martyre. Des familles voient leurs enfants enlevés, et libérés à la seule condition d'abjurer leur religion ou de verser des rançons. Certaines sont obligées de donner leurs jeunes filles en mariage à des musulmans. Enfin, régulièrement, des membres du clergé sont assassinés. La récente mort en captivité de l'archevêque de Mossoul montre qu'il n'y a plus de limites dans l'horreur.
Monsieur le ministre, je sais que vous vous êtes récemment inquiété de cette situation. Des solutions ont été envisagées, mais elles ont chacune leur inconvénient.
Le transfert massif des chrétiens d'Irak vers l'Occident serait, à mon sens, une mauvaise solution, dans la mesure où, en plus de leur imposer un déplacement forcé, il donnerait raison aux islamistes.
Quant au regroupement de cette communauté dans une province autonome au nord de l'Irak ou au Kurdistan, il risquerait de constituer une forme de ghettoïsation, qui ne mettrait d'ailleurs pas les chrétiens à l'abri de la violence.
Ma question est la suivante : que compte faire la France, qui assurera prochainement la présidence de l'Union européenne, pour apporter une solution à cette situation intenable ?
Le Président de la République a fait du respect de la diversité religieuse un préalable au règlement des conflits qui secouent le monde arabo-musulman. Une conférence sur ce sujet ne serait-elle pas envisageable pour cette communauté présente en Irak depuis les origines de la chrétienté et qui est garante d'une société pluraliste et ouverte sur le monde ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'attirer l'attention sur le sort cruel qui est réservé aux chaldéens et à l'ensemble des chrétiens d'Irak. Toutes les communautés du pays sont visées, mais plus particulièrement celle-ci, puisque les chrétiens d'Irak, qui étaient environ 1,3 million en 1980, ne sont plus que 400 000 aujourd'hui !
Les exactions que vous décrivez sont quotidiennes, poussant d'abord les chrétiens à fuir dans les pays voisins, où ils ont été pris en charge par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies. La Syrie et la Jordanie ont consenti un très grand effort pour accueillir les réfugiés.
Pour avoir rencontré, voilà quelques mois, Sa Béatitude le patriarche des chaldéens d'Irak, je sais que la région du Nord abrite un certain nombre de chrétiens. Un religieux de haut rang y a d'ailleurs été enlevé, torturé et tué.
Nous avons l'intention d'ouvrir très prochainement un consulat dans cette région. En effet, nous sommes assaillis de demandes émanant des chaldéens et des autres réfugiés. Brice Hortefeux et moi avons décidé de leur apporter une réponse en accueillant en France, dans un premier temps, quatre cents d'entre eux, puis cinq cents. D'autres suivront, les premières familles chrétiennes étant arrivées voilà quelques jours.
Pour le moment, je ne vois pas d'autre solution que d'accueillir les plus malheureux. Cela étant, ces populations devraient évidemment être protégées en Irak, mais ce n'est, hélas, pas possible à l'heure actuelle. Afin de soutenir les chrétiens d'Irak, nous allons, comme l'ont fait d'autres pays, tels que la Suède, accroître le nombre des personnes accueillies sur notre sol, qui était jusqu'à présent très faible.
J'ajoute que, malheureusement, ce n'est pas qu'en Irak que les chrétiens sont menacés : c'est devenu une triste habitude au Moyen-Orient.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
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