Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, qu'est-ce qui a bien pu pousser EDF à s'embarquer dans une aventure aussi folle et ruineuse que le rachat de British Energy ?
Sa volonté d'acquérir les 35 % de British Energy détenus par l'État britannique oblige EDF à lancer une offre publique d'achat, une OPA, de 100 % des actions. Coût total de l'aventure : 16 milliards d'euros. C'est plus qu'une erreur ; c'est une faute !
L'entreprise dépense une somme démentielle, 16 milliards d'euros, pour acquérir des centrales nucléaires qui sont proches de la mise à l'arrêt. (M. Jean-Pierre Godefroy opine.) Tout cela pour obtenir un ticket d'entrée sur le marché britannique, où elle est pourtant déjà installée !
C'est d'autant plus cher et surévalué, entre 7 milliards et 9 milliards d'euros, paraît-il, que nous sommes dans un contexte de crise, où les prix des actifs sont tirés vers le bas.
Il est totalement démentiel et extravagant de dépenser autant pour acquérir ce qui est seulement une gloire passée.
Sur les quinze réacteurs nucléaires de British Energy, quatorze relèvent d'une technologie dépassée et devraient être déclassés dans les dix prochaines années.
D'ailleurs, personne ne veut de ces centrales vieillissantes et vétustes. Seule EDF est candidate. C'est tout dire !
Quant au financement, il se ferait, semble-t-il, par l'endettement. Or le service de la dette ne serait même pas couvert par les revenus de British Energy, qui sont d'ores et déjà dans le rouge !
Voilà donc une pure folie, qui va hypothéquer l'équilibre et la santé financière d'EDF et apporter un argument supplémentaire aux partisans de la privatisation !
M. Jean-Louis Carrère. Voilà !
M. Roland Courteau. Évidemment, les conséquences sur les tarifs d'électricité, la qualité du service public et l'entretien des infrastructures, à propos desquelles EDF vient d'être épinglée par l'Autorité de sûreté nucléaire, seront supportées par les ménages et les entreprises françaises.
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Roland Courteau. Or, pour le groupe socialiste, le service public énergétique et la sécurité nucléaire sont des enjeux d'intérêt national.
Madame la ministre, ne serait-il pas plus utile de consacrer ces milliards d'euros à lutter contre la pauvreté énergétique des 5 millions de foyers français et à mieux assurer la sécurité nucléaire ?
(Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)
En d'autres termes, allez-vous stopper cette aventure ruineuse ou allez-vous, une nouvelle fois, « laisser aller et laisser faire » ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur. Excellente question !
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la prise de participation d'EDF dans le capital de British Energy et sur son OPA.
Je voudrais vous le rappeler, la filière nucléaire, à laquelle EDF est évidemment rattachée, est un secteur stratégique pour la France. C'est un facteur d'attractivité majeur de notre pays et un soutien à nos exportations.
Dans le cadre de cette activité stratégique pour le pays, nous devons absolument préserver et promouvoir cette filière. L'État doit rester présent et nous devons avoir une stratégie de développement à l'extérieur.
M. Roland Courteau. Oui, mais pas sur des canards boiteux !
Mme Christine Lagarde, ministre. C'est bien dans cette perspective qu'EDF veut se projeter. Vous vous en souvenez, elle a souhaité également acquérir Constellation Energy,…
M. René-Pierre Signé. Mauvais choix !
Mme Christine Lagarde, ministre. …et ce exactement pour les mêmes raisons. Elle souhaitait hier accéder au marché américain, comme elle souhaite aujourd'hui accéder au marché britannique.
M. Roland Courteau. C'est un mauvais choix !
Mme Christine Lagarde, ministre. C'est à cette fin que l'entreprise a effectué son opération et qu'elle sera amenée, dans le cadre de l'OPA, à poursuivre son développement.
À l'évidence, l'État doit rester présent dans ce type de secteurs. À cet égard, je souhaite rappeler l'importance du fonds d'investissement stratégique, dont nous nous servirons pour aider les entreprises dans les secteurs stratégiques qui nous semblent indispensables pour la politique industrielle de la France.
M. Roland Courteau. Vous faites une mauvaise affaire !
Mme Christine Lagarde, ministre. L'État participera au capital lorsque cela sera nécessaire.
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