Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur l'inquiétude des salariés de la société Power Supply Systems Holdings (France) pour l'avenir des entreprises Saft Power Systems située à Chambray les Tours (37) et Harmer+Simmons située à Lannion (22). En entravant le droit d'expression et de consultation des représentants du personnel, l'entreprise ne respecte pas la loi de cohésion sociale n° 2005-32 du 18 janvier 2005 dans ses articles L. 320-2 et L. 320-3 du code du travail. Elle lui précise que deux plans de restructurations semblables sont annoncés sur les deux sites, qui conduisent à un transfert d'activités (recherche et développement, en particulier), avéré sur les USA et probable en Inde, avec des licenciements à la clef.
Elle lui demande les mesures qu'elle compte prendre afin que la loi de cohésion sociale soit respectée et que les activités recherche et développement et les activités industrielles soient maintenues sur ces deux sites.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, les deux entreprises Harmer+Simmons, située à Lannion, et Saft Power Systems, implantée à Chambray-lès-Tours, appartiennent depuis le 25 janvier 2005 à un fonds d'investissement américain dénommé Ripplewood Holding. Ces deux entreprises sont consolidées sur la holding France Power Supply Systems.
L'entité Harmer+Simmons France, qui existe depuis 1992, n'a gardé sur le sol français que les activités recherche et développement, prototypage, mise au point, qualification et commercialisation. Depuis 2007, toute la production a été transférée à un sous-traitant américain, Solectron, localisé en Roumanie.
Les marchés servis par Harmer+Simmons sont à quelque 90 % les marchés de télécommunications, avec un client prépondérant à hauteur de 80 % du chiffre d'affaires, Alcatel-Lucent. Cette entreprise de Lannion obtient depuis dix ans des résultats intéressants.
Sur le site de Chambray-lès-Tours, que vous connaissez certainement, monsieur le secrétaire d'État, Saft Power Systems développe une part importante de fabrication dans le secteur des télécommunications et le secteur industriel, dans des proportions respectivement de quelque 35 % et 65 %.
Les dirigeants de ces deux entreprises ont annoncé conjointement, courant janvier et février, un plan de suppressions de neuf postes sur chacun des sites. Les élus du personnel ont alors décidé d'alerter la direction du travail afin de faire respecter le droit, à travers la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Il n'y a eu aucune ouverture de négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, au sein du groupe, et les comités d'entreprise n'ont été ni informés ni consultés sur la stratégie de celui-ci. J'espère donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous allez pouvoir oeuvrer en vue du respect de la loi, qui n'a pas été appliquée dans ce cas précis.
Les salariés considèrent que cette façon de procéder, en dehors des procédures légales et réglementaires, est la porte ouverte à la mise en place d'autres objectifs qui risquent de mettre en cause l'existence même de ces établissements. En effet, les élus du personnel m'ont fait part de la menace qui pèse sur l'activité recherche et développement industriel pour Saft Power Systems : sa suppression serait envisagée, et l'activité recherche et développement en matière de télécommunications serait transférée vers un site en Inde.
Le risque d'abandon des projets dans le secteur des énergies alternatives, comme cela a été le cas pour le projet SOLEDO dans le domaine du solaire, est également probable. Au lendemain du Grenelle de l'environnement, ces projets de suppression sont difficiles à comprendre.
Enfin, le groupe envisagerait la création aux États-Unis d'un service recherche et développement pour Harmer+Simmons.
Dans quelle mesure pourriez-vous intervenir, monsieur le secrétaire d'État, pour éviter le démantèlement de ces deux entreprises qui ont fait la preuve, jusqu'à ce jour, de leur efficacité ? Aucune raison économique ne peut en effet justifier leur transfert.
L'innovation industrielle et le dynamisme créateur dont vous vantez les performances méritent aujourd'hui une attention particulière. Comment comptez-vous les favoriser et quelle action envisagez-vous de mener afin de maintenir sur notre territoire ces deux entreprises de pointe, dont l'activité recherche et développement est la clef de voûte ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame le sénateur, vous appelez mon attention sur les menaces qui pèseraient sur les salariés de la société Saft Power Systems, localisée à Chambray-lès-Tours, en Indre-et-Loire, que je connais en effet, et la société Harmer+Simmons, implantée à Lannion, dans les Côtes-d'Armor. Vous indiquez que des plans de restructuration visant à transférer des activités aux États-Unis et probablement en Inde sont annoncés sur ces deux sites. Vous précisez que la société ne respecte pas, en l'occurrence, les articles L. 320-2 et L. 320-3 du code du travail et me demandez ce que nous comptons faire pour que la loi de programmation pour la cohésion sociale soit respectée et que soient maintenues les activités de recherche et développement ainsi que les activités industrielles de ces deux sociétés.
Les deux sociétés que vous mentionnez font partie du groupe Saft Power Systems Holding, spécialisé dans la fourniture de matériels d'énergie. Saft Power Systems Holding emploie environ 1 500 salariés dans le monde, dont 1 100 en Europe. Ce groupe est propriétaire en France de la SAS Harmer+Simmons, sous-traitant en téléphonie, qui emploie 160 salariés à Lannion, ainsi que de la SAS Saft Power Systems, qui emploie 230 salariés, à Chambray-lès-Tours, pour la fabrication d'équipements de distributions et de commandes de boîtes de vitesse.
Les responsables du groupe ont annoncé leur intention de supprimer neuf emplois au sein de chacun de leurs établissements de Chambray-lès-Tours et de Lannion dans le cadre d'une réorganisation. Compte tenu du fait que ce groupe emploie plus de 300 salariés en France, il était tenu, comme vous le sous-entendez avec raison dans votre question, d'engager des négociations sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, avant le 18 janvier dernier.
C'est pourquoi, à la suite des réactions des représentants des salariés et du rappel à la loi adressé aux deux sociétés par l'Inspection du travail, le groupe Saft Power Systems Holding a renoncé pour l'instant à son projet de suppressions d'emplois - seuls deux emplois devraient être supprimés sur le site tourangeau - et a engagé des négociations afin de disposer d'interlocuteurs syndicaux, compétents en droit, pour négocier des accords s'appliquant aux deux sociétés. À l'issue de ce processus, qui devrait en principe se dérouler au cours du mois d'avril, la société engagera des négociations sur la GPEC.
Ce n'est donc qu'une fois le processus de dialogue social et les négociations sur la GPEC terminés que nous devrions avoir une vision plus précise des intentions du groupe en matière d'emploi.
Je peux vous assurer que les services de l'État, en particulier les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'Indre-et-Loire et des Côtes-d'Armor, suivent l'évolution des négociations en cours et porteront une attention spécifique à celles qui sont relatives à la GPEC, lorsque ces dernières seront engagées. De même, ils seront particulièrement attentifs à l'évolution générale de la société quant à sa situation économique et sociale.
Il nous faut donc encore attendre quelques semaines pour connaître précisément les intentions du groupe en matière d'emploi. Cette stricte application de la loi me paraît de bon augure pour la suite. C'est en tout cas ce que j'espère. Je tiens à vous assurer, madame le sénateur, que nous suivrons ce dossier de très près.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien noté les informations que vous venez d'apporter quant aux nouvelles négociations qui vont s'engager afin de prendre en compte les règles juridiques en vigueur en ce domaine. En revanche, vous n'avez absolument rien dit de la consultation sur la stratégie du groupe.
Les délégués du personnel considèrent que la première démarche envisagée de réduction des effectifs vise non pas simplement à traiter une question immédiate mais bien à engager un processus à plus long terme, qui risque de se traduire par une perte de l'activité recherche et développement. Or, c'est bien connu, lorsque l'on commence à s'attaquer à cette activité dans ce type de secteur, le reste part très vite également.
Je veux donc vous alerter à nouveau, monsieur le secrétaire d'État, sur le fait que nous n'avons absolument aucune certitude concernant la stratégie qui sera celle du groupe. Des mesures de reprise des activités aux États-Unis ont déjà été engagées, et les risques de déplacement vers l'Inde sont toujours présents. Nous n'avons aucune réponse à nos questions.
J'espère que vous veillerez à ce que les richesses produites par les salariés à Chambray-lès-Tours et à Lannion continuent à alimenter le développement de cette activité sur notre territoire et ne soient pas pillées.
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