M. Hubert Haenel rappelle à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes que le traité de Lisbonne prévoit l'association des parlements nationaux à l'évaluation des activités d'Eurojust. Il souligne la nécessité que le règlement organisant cette association soit adopté le plus rapidement possible après l'entrée en vigueur du traité, prévue le 1er janvier 2009. Il lui demande, en conséquence, quelles initiatives sont envisagées pour préparer l'adoption de ce règlement durant la présidence française de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, auteur de la question n° 193, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Hubert Haenel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre présence à cette séance malgré votre emploi du temps très chargé en vue de la prochaine présidence française de l'Union européenne.
Les parlements nationaux ont obtenu de haute lutte – j'ose le dire – une place dans le dispositif européen aux côtés de la Commission, du Conseil et du Parlement européen. Ce ne fut en effet pas facile, et c'est un ancien membre de la Convention sur l'avenir de l'Europe qui en témoigne.
Le rôle nouveau des parlements nationaux a été reconnu tout d'abord dans le traité constitutionnel, puis dans le traité de Lisbonne, et pas seulement en matière de contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité.
Le rôle nouveau des parlements nationaux s'exercera notamment dans les domaines de la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, du contrôle d'Europol, de l'évaluation d'Eurojust, trois domaines qui relèvent des compétences régaliennes des États : la défense, la justice, la police et la sécurité en général.
Pourquoi associer les parlements nationaux à la définition des politiques et au contrôle dans ces trois domaines ?
Les temps ont changé. Les citoyens se sont exprimés à l'occasion du malheureux référendum sur le traité constitutionnel. Ils ont souhaité que leurs représentants au sein des parlements nationaux aient « voix au chapitre », car la légitimité que nous représentons vaut celle du Parlement européen et de la Commission. Ces légitimités se complètent.
C'est au fond l'illustration de la définition que M. Jacques Delors donnait de l'Europe, qu'il appelait « fédération des États-nations ». Cela signifie que les États et les nations non seulement ne disparaissent pas, ne sont pas gommés, mais doivent trouver leur juste place dans l'Union européenne en mouvement.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est donc la suivante : quelles initiatives le gouvernement français prendra-t-il pendant sa présidence de l'Union pour préparer l'adoption du règlement prévu par le traité de Lisbonne afin que les représentants des parlements nationaux puissent évaluer ensemble les activités d'Eurojust ?
Le 29 avril dernier, j'avais posé la même question à propos du contrôle d'Europol. Il m'a alors été répondu,d'une façon que j'ai considérée comme indigente, qu'il était urgent d'attendre la ratification, que des obstacles qui méritent le qualificatif de pseudo-juridiques s'y opposaient… : bref, la langue de bois caractérisée ! Pas un mot, monsieur le secrétaire d'État, pour saluer l'avancée démocratique que marque le traité de Lisbonne sur un certain nombre de points !
Enfin, il est assez curieux de constater, d'une part, que les gouvernements travaillent déjà – fort heureusement ! – à la mise en place des institutions prévues dans le traité de Lisbonne alors même que ce dernier n'est pas encore ratifié, d'autre part, que le Parlement européen s'est emparé – à juste titre – de ce même traité pour en exploiter au maximum toutes les dispositions, et que, pendant ce temps, les parlements nationaux sont en quelque sorte empêchés de le faire parce que les gouvernements et la Commission ne le veulent pas !
M. Louis de Broissia. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, tout d'abord, si vous le permettez, je vous souhaiterai, en ce 20 mai, un très bon anniversaire.
(Sourires et applaudissements.)
Je vous remercie de votre question, qui porte sur un domaine très concret, la coopération judiciaire en Europe, et sur un enjeu politique majeur, l'association des parlements nationaux aux politiques européennes.
Comme vous l'avez indiqué, ce ne fut pas facile, et cela représente une vraie conquête démocratique dont la réalisation a été rendue possible par le traité de Lisbonne, qui, grâce à l'équilibre qu'il a trouvé, symbolise cette fédération d'États-nations à laquelle vous vous référiez.
Le traité de Lisbonne prévoit en effet l'introduction d'un mécanisme de contrôle politique d'Europol et une évaluation des activités d'Eurojust par le Parlement européen, auxquels les parlements nationaux sont associés.
Dans le cadre de la réflexion sur le nouveau programme quinquennal sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice, qui débutera sous présidence française et s'achèvera sous présidence suédoise, je prends au nom du Gouvernement l'engagement de saisir la Commission européenne afin qu'elle examine dans quelle mesure et à quelle date pourraient être présentées des propositions destinées à la mise en œuvre des dispositions relatives à l'évaluation des activités d'Eurojust.
À cet égard, la réflexion de la Haute Assemblée comme celle des différents parlements nationaux seront précieuses, voire indispensables, pour préciser les modalités d'application de ces dispositions du traité de Lisbonne. Les parlements français, néerlandais et danois, qui sont à l'origine de cette idée, doivent poursuivre leur démarche. Les travaux au sein de la Conférence des organes spécialisés des assemblées de la Communauté, la COSAC, devraient être accentués, par exemple pour traiter ces thématiques et permettre ainsi aux différents parlements de renforcer sans attendre leur coordination, de façon à être prêts lorsque la ratification de ce traité interviendra, ce que nous espérons tous pour la fin de l'année.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.
M. Hubert Haenel. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de la teneur de vos propos : c'est tout à fait ce que le Sénat dans son ensemble et tous les parlements nationaux, qui travaillent en collaboration de plus en plus étroite – notamment, mais pas uniquement, dans le cadre de la COSAC –, étaient en droit d'attendre.
Effectivement, la balle est maintenant dans notre camp : il nous faut savoir ce que nous voulons et soumettre rapidement des propositions à la troïka, c'est-à-dire à la France, la République tchèque et la Suède.
Soit dit sans flagornerie de ma part, monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous tiendrez l'engagement que vous venez de prendre, et je vous en remercie.
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