M. Hubert Haenel rappelle à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes que le traité de Lisbonne prévoit l'association des parlements nationaux au contrôle politique d'Europol. Il souligne la nécessité que le règlement organisant cette association soit adopté le plus rapidement possible après l'entrée en vigueur du traité, prévue le 1er janvier 2009. Il lui demande, en conséquence, quelles initiatives sont envisagées pour préparer l'adoption de ce règlement durant la présidence française de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, auteur de la question n° 194, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Hubert Haenel. Le traité de Lisbonne prévoit une association des parlements nationaux au contrôle d'Europol, organe dont l'importance dans la coopération policière en Europe ne va cesser de croître.
Cette coopération policière est de plus en plus nécessaire, et les Européens l'appellent ardemment de leurs vœux. Le malheureux référendum français d'il y a trois ans l'a bien montré : si nos concitoyens ont trouvé que l'Union européenne en faisait trop dans certains domaines, ils ont aussi estimé qu'elle n'en faisait pas assez dans d'autres.
La disposition du traité de Lisbonne en question répond à une préoccupation déjà exprimée par la délégation du Sénat pour l'Union européenne, que j'ai l'honneur de présider, par la commission des lois et par le Sénat tout entier, qui avait adopté une résolution à ce sujet.
Il est clair qu'un organisme comme Europol doit faire l'objet d'un suivi parlementaire. Comme nous sommes ici dans un domaine de coopération, qui fait intervenir à la fois l'Union européenne et les États membres, le suivi parlementaire doit impliquer à la fois le Parlement européen et les parlements nationaux.
Jusqu'à présent, nos demandes n'avaient pu aboutir, parce que les traités en vigueur n'offraient pas la base juridique nécessaire. Cet obstacle va être levé, je l'espère, grâce à la ratification du traité de Lisbonne d'ici à la fin de l'année.
Selon le traité de Lisbonne, un règlement européen fixera les modalités de l'association des parlements nationaux au contrôle d'Europol : une initiative de la Commission européenne sera donc nécessaire. Cependant, si nous voulons que ce règlement soit adopté le plus tôt possible après l'entrée en vigueur du traité, il est nécessaire de commencer rapidement à réfléchir à son contenu et à préparer sa rédaction.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque la France présidera le Conseil européen à partir du 1er juillet prochain, elle sera, je l'espère, particulièrement bien placée pour attirer l'attention de la Commission européenne sur ce sujet. C'est pourquoi je souhaiterais que le Gouvernement demande à cette dernière d'entamer dès l'automne les travaux nécessaires, afin que l'association des parlements nationaux au contrôle d'Europol puisse être instaurée en 2009.
M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique. Monsieur Haenel, je vous prie de bien vouloir excuser M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, à qui cette question orale était adressée. Il ne peut vous répondre aujourd'hui, car il participe au Conseil « affaires générales et relations extérieures » à Luxembourg.
M. Jean-Pierre Jouyet me prie de vous dire qu'il est lui-même très attaché, ainsi que les autorités françaises plus globalement, au développement des organes de coopération opérationnelle en matière policière.
Un pas vient d'être franchi dans ce domaine. Le Conseil « justice et affaires intérieures » du 18 avril 2008 a, en effet, dégagé un accord politique à l'unanimité sur une décision du Conseil intégrant Europol dans l'ordre juridique de l'Union européenne. Cet organe est actuellement régi par une convention, ce qui implique un processus de révision très lourd, nécessitant la convocation d'une conférence diplomatique et la ratification des conventions modificatives par les parlements nationaux des vingt-sept États membres. Cette décision introduira donc davantage de souplesse.
Il s'agit d'une première étape pour préparer l'application du traité de Lisbonne, notamment l'introduction d'un mécanisme de contrôle politique d'Europol par le Parlement européen, auquel les parlements nationaux sont associés. Votre souhait de concrétiser cette innovation dans un délai aussi bref que possible est donc parfaitement légitime.
À cet égard, M. Jean-Pierre Jouyet souhaite néanmoins formuler trois observations, qu'il m'a prié de vous communiquer.
Première observation, il faut d'abord préparer l'application de l'accord politique du mois dernier, ce qui sera fait en octobre 2008. Cela ne peut inclure la question du contrôle parlementaire, car le traité de Lisbonne ne sera pas encore entré en vigueur. Plusieurs textes d'application devront par ailleurs être adoptés, ce qui nécessitera un important travail pendant la présidence française.
Deuxième observation, il est nécessaire de ne pas troubler l'examen du traité de Lisbonne au sein des États qui n'ont pas encore autorisé sa ratification. Si certaines catégories de décisions peuvent être préparées conformément aux conclusions du Conseil européen de décembre 2007, cette anticipation doit être nécessairement limitée. Il ne doit s'agir que des dispositions indispensables pour que les institutions de l'Union européenne puissent fonctionner dans le respect du traité de Lisbonne dès son entrée en vigueur. Europol n'entre pas dans ce champ.
Les autorités françaises encourageront néanmoins la Commission européenne, qui dispose du pouvoir d'initiative, à entamer ses réflexions sur Europol dès que les textes d'application de l'accord politique du 18 avril auront été adoptés.
Troisième observation, l'article 88 du traité sur le fonctionnement de l'Union prévoit que l'introduction d'un contrôle parlementaire d'Europol devra être mise en œuvre dans le cadre d'une réflexion d'ensemble. En effet, le règlement qui introduira ce contrôle doit également renforcer les capacités d'Europol en matière de collecte et d'échange de données et de coopération opérationnelle ; il ne s'agit pas d'un règlement autonome.
La préparation du règlement devra donc être précédée par une période de réflexion et de large concertation, donnant le temps nécessaire aux parlements nationaux et au Parlement européen pour qu'ils puissent présenter et faire valoir auprès des États membres et de la Commission européenne leurs analyses sur les modalités de leur association au contrôle politique d'Europol et sur l'évolution des tâches de cet organe de l'Union.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de nous dire, en somme, qu'il est urgent d'attendre !
Ce n'est pas la première fois – ni, sans doute, la dernière – que l'on nous fait une réponse très juridique, en nous expliquant que le moment n'est pas opportun, parce que tous les États membres n'ont pas encore ratifié le traité de Lisbonne ou parce que, de toute façon, l'accord du 18 avril dernier n'implique pas le contrôle d'Europol par les parlements nationaux.
Monsieur le secrétaire d'État, j'étais membre de la Convention sur l'avenir de l'Europe : celle-ci s'est trouvée unanime pour estimer qu'un tel contrôle parlementaire devait être exercé à la fois par le Parlement européen et les parlements nationaux !
Permettez-moi d'ajouter, avec un brin d'humour, qu'il est heureux que ceux de nos concitoyens qui ont voté « non » lors du référendum de 2005 n'aient pas entendu votre réponse ! En effet, je pense que cela les conforterait dans leur position ! C'est avec des arguments de cette nature que l'on décourage les Européens les plus convaincus, dont je suis.
Le contrôle démocratique est nécessaire, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que l'ensemble des parlements nationaux, qui se réuniront prochainement à Paris au sein de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l'Union européenne, poussent la présidence française de l'Union –puisque le Gouvernement ne souhaite apparemment pas débloquer la situation à cette occasion – à tout faire pour que ce contrôle soit mis en place le plus rapidement possible.
De plus, puisque M. Franco Frattini doit bientôt quitter ses fonctions de commissaire à la justice, à la liberté et à la sécurité et être remplacé par notre compatriote Jacques Barrot, je vais demander à ce dernier de tout mettre en œuvre pour que la Commission européenne, à qui il reste un an de mandat, se saisisse de cette question.
En effet, si les parlements nationaux ne sont pas mis en mesure d'exercer leur contrôle, ils sont laissés de côté, en dépit de leur légitimité, et c'est le Parlement européen qui grignote de plus en plus les pouvoirs !
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.