M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur le fait que la loi n° 2003-346 du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique (ZPE) au large des côtes du territoire de la république, et plus particulièrement en Méditerranée, permet notamment à notre pays de prendre diverses mesures coercitives à l'encontre de navires qui ont commis ou sont susceptibles de commettre des faits de pollution, en particulier par hydrocarbures.
Cette loi constitue donc une réelle avancée, puisqu'elle permet de rendre applicables l'ensemble des mesures coercitives à l'intérieur de cette ZPE, dans le périmètre des 200 milles, alors qu'antérieurement, elles ne pouvaient l'être que dans la zone des 12 milles, c'est-à-dire à l'intérieur des eaux territoriales. Ce qui explique que seulement 1% des opérations illicites étaient alors sanctionnées.
Il lui indique par ailleurs, que le repérage, l'identification et la mise en œuvre du dispositif répressif, à l'encontre des navires qui procèdent à des déballastages sauvages et autres dégazages de résidus d'hydrocarbures sont tout aussi nécessaires que le repérage, l'identification et l'éloignement des navires qui présentent un danger ou une menace
(les navires poubelles).
Il lui demande donc, cinq ans après l'adoption de la loi relative à la création de cette ZPE en Méditerranée si elle est en mesure de faire un point précis, sur l'ensemble des actes de pollution recensés et organisés par certains capitaines des navires, sur le nombre d'interpellations réalisées et de sanctions prononcées, ainsi que sur les mesures d'éloignement dont ont pu faire l'objet, les navires présentant un danger ou une menace.
Il lui demande également, dès lors que l'efficacité de l'ensemble du dispositif est subordonnée aux moyens légers et lourds de surveillance, de contrôle et de dissuasion (personnels, bateaux, hélicoptères, avions…), si elle n'estime pas nécessaire de renforcer l'ensemble de ces moyens. Sur ce point précis, il souhaiterait connaître son sentiment par rapport aux délais d'intervention relativement longs du remorqueur Mérou, basé à Toulon, en cas de sinistre au large des côtes du Languedoc Roussillon, ainsi que sur la présence, en Méditerranée, d'un nouveau navire antipollution.
Enfin, et compte tenu que les dégazages effectués de nuit, sont difficilement repérables et les contrevenants difficilement identifiables, il lui demande si elle est en mesure de lui apporter toutes précisions sur la mise en œuvre des dispositions prévues par la Commission européenne dans le « paquet Erika II » qui rendent obligatoire la présence sur les navires circulant dans les eaux communautaires de « transpondeurs », véritables systèmes d'identification automatique permettant l'amélioration du signalement et du suivi des navires.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 212, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
M. Roland Courteau. En janvier 2003, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, j'avais rappelé quelques chiffres vertigineux concernant les dégazages ou déballastages sauvages et autres pollutions par rejets de résidus d'hydrocarbures auxquels se livraient en Méditerranée certains capitaines de navires, qualifiés à l'époque de « voyous des mers ».
J'avais indiqué alors que, selon certaines études, un million de tonnes d'hydrocarbures sont rejetées chaque année en Méditerranée par des bateaux qui dégazent, ce qui représente environ quinze fois la cargaison du Prestige – le mal nommé ! – ou cinquante fois le fioul lourd rejeté par l'Erika en 1999, et une surface polluée de 150 000 kilomètres carrés.
De surcroît, ces déballastages ne représentaient qu'une partie de l'ensemble des déversements constitués, pour l'essentiel, de résidus de combustibles fabriqués par tous les bateaux.
J'avais relevé que, chaque année, 1 700 déversements intentionnels étaient comptabilisés par l'Union européenne, dans une mer fragile, quasiment fermée, qui ne représente que 1 % de la surface des mers mais sur laquelle transitent 30 % du transport maritime.
Doit-on préciser que, dans le cas des marées noires provoquées par le Prestige ou l'Erika, il s'agissait d'accident, alors qu'en Méditerranée il s'agit d'actes volontaires !
Bien évidemment, de telles pollutions ne sont pas neutres pour le milieu marin et la chaîne alimentaire tout entière.
C'est pourquoi, avec mon groupe, j'avais soutenu le projet de loi relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République. Ce texte, examiné par le Sénat au mois de janvier 2003, avait été présenté en conseil des ministres, dès le 27 février 2002, par M. Yves Cochet.
Il était alors apparu au Sénat, de manière unanime d'ailleurs, que cette loi constituerait une réelle avancée, puisqu'elle permettrait de rendre applicables toutes les mesures coercitives à l'intérieur de la zone de protection, alors qu'antérieurement celles-ci ne pouvaient l'être que dans la zone des douze milles, c'est-à-dire à l'intérieur des eaux territoriales françaises, ce qui expliquait que seules 1 % des opérations illicites étaient alors sanctionnées.
Voilà environ cinq ans que cette loi a été votée et cela fait plus de quatre ans que le décret en Conseil d'État portant création d'une zone de protection écologique au large des côtes de la République en Méditerranée a été publié. En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, il me semble possible de dresser aujourd'hui un premier bilan sur les aspects positifs de la mise en place de cette zone de protection écologique et notamment de connaître le nombre d'interpellations réalisées, de sanctions prononcées ou de décisions d'éloignement des « navires poubelles » ayant pu présenter un danger ou une menace ayant été prises.
Plus encore, il importe de savoir si la création de cette zone de protection écologique et l'aspect dissuasif des sanctions encourues – peines d'emprisonnement et fortes amendes – ont permis une réduction sensible des faits de pollution.
Ce dernier point m'amène à demander au Gouvernement, comme je l'avais fait lors de l'examen du projet de loi relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, si les moyens, légers ou lourds, de surveillance, de contrôle et de dissuasion des personnels, bateaux, hélicoptères, avions sont en nombre suffisant. En effet, l'efficacité du dispositif est subordonnée à l'ensemble de ces moyens.
Ce qui compte également, ce sont les équipements portuaires permettant aux navires de rejeter proprement leurs déchets, afin d'éviter qu'ils ne procèdent à des dégazages sauvages. En 2003, de ce point de vue, c'était plutôt la misère, si je puis m'exprimer ainsi. Monsieur le secrétaire d'État, où en sommes-nous aujourd'hui ?
Il est un autre point de préoccupation que je souhaite aborder. Je rappelle qu'entre 20 % et 30 % du trafic maritime international transite par la Méditerranée. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à souligner que cette mer est un « couloir à hydrocarbures ». Nous ne sommes donc nullement à l'abri d'un sinistre majeur. C'est pourquoi nous nous interrogeons sur les délais d'intervention du remorqueur basé à Toulon au cas où un accident surviendrait au large des côtes du Languedoc-Roussillon. De même, est-il possible d'en savoir plus sur la présence ou non, en Méditerranée, d'un nouveau navire antipollution, comme cela avait été évoqué en 2003 ?
Enfin, ma dernière interrogation concerne la mise en œuvre des mesures prévues par la Commission européenne, dans le cadre du « paquet Erika II », rendant obligatoire, sur les bâtiments circulant dans les eaux communautaires, l'équipement de transpondeurs, qui sont de véritables systèmes d'identification automatique permettant l'amélioration du signalement et du suivi des navires.
Dans la mesure où les dégazages effectués la nuit sont plus difficilement repérables et les contrevenants moins facilement identifiables, l'application de cette mesure, qui me paraissait indispensable à l'époque, me semble toujours aussi impérieuse.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous voudrez bien m'apporter sur l'ensemble de ces points.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous posez une question générale – ô combien intéressante ! – sur une mer qui nous est chère, comme à M. le président et à bon nombre de vos collègues,…
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Thierry Repentin. Même les autres s'y intéressent !
M. Daniel Reiner. Elle concerne tout le monde !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je sais bien ! C'est la raison pour laquelle j'ai associé à mon propos l'ensemble de vos collègues ! Au demeurant, pour ce qui nous concerne, nous avons la particularité, que nous ne renions pas, d'être des enfants de la Méditerranée.
La loi du 15 avril 2003 a créé en Méditerranée une zone de protection écologique, la ZPE, afin de permettre à la France d'exercer une action répressive à l'encontre des auteurs de pollutions marines au-delà des eaux territoriales.
Ainsi, depuis 2003, quatorze poursuites ont été engagées par le parquet de Marseille à l'encontre de capitaines de navires pris en flagrant-délit de rejet illicite et neuf condamnations ont été prononcées, donnant lieu à 3,72 millions d'euros d'amendes. Trois dossiers sont en cours d'instruction et deux jugements restent en attente de délibéré. Auparavant, les procédures transmises à l'État du pavillon n'aboutissaient pas, comme vous l'avez fort justement rappelé, monsieur le sénateur.
L'effet dissuasif de cette politique répressive peut être mesuré par la baisse du nombre d'infractions constatées, lequel a été divisé par quatre – douze en 2003 contre trois en 2007. Ce n'est pas négligeable, même si nous sommes d'accord pour reconnaître que ce n'est pas encore satisfaisant. Le nombre de pollutions signalées a également baissé de 40 % depuis la création de la zone de protection écologique.
Ces chiffres indiquent clairement un changement de comportement des capitaines de navires dans les eaux sous juridiction française. La France est désormais citée en exemple par l'Agence européenne de sécurité maritime pour l'efficacité de son dispositif répressif, qui comporte quatre composantes : spatiale, aérienne, navale et terrestre.
La composante spatiale comprend le service européen d'imagerie satellite pour la détection des déversements d'hydrocarbures et la surveillance des eaux européennes, qui est mis à la disposition des États membres depuis le mois d'avril 2007, en application de la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions. Le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en mer Méditerranée, le CROSS-MED, est l'un des trois centres opérationnels français participant au système.
La composante aérienne du dispositif met en œuvre l'ensemble des services de l'État en mer, qu'ils soient civils ou militaires. Le CROSS bénéficie du concours de l'avion de télédétection POLMAR II des douanes, dont les capacités d'identification nocturne sont en cours de modernisation, ce qui est important. Il peut également faire appel aux avions de patrouille maritime de la marine nationale basés à Nîmes et à Lorient. Plusieurs vols quotidiens sont effectués dans la zone de protection écologique, pour un total de 2 000 heures de vol par an. Il est également fait appel aux hélicoptères de la marine nationale, des douanes, de la gendarmerie et de la sécurité civile.
La composante navale du dispositif a été renforcée par la marine nationale. Ainsi, le remorqueur d'intervention Abeille Flandre et le bâtiment de dépollution Ailette sont affectés depuis 2005 à la surveillance du littoral méditerranéen, en remplacement du Mérou.
Enfin, le CROSS-MED et la préfecture maritime de la Méditerranée bénéficieront, dès le mois de septembre prochain, du renforcement du système d'identification automatique, l'AIS, dans le cadre du programme SPATIONAV. Ce déploiement s'effectue en cohérence avec la directive européenne 2002/59/CE, issue du « paquet Erika II », relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information, qui prescrit pour tout navire de commerce faisant escale dans un port d'un État membre l'emport d'un système d'identification automatique. Cette directive renforce les prescriptions de la convention internationale de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite « convention SOLAS », de l'organisation maritime internationale. L'AIS fournit automatiquement aux stations côtières, aux autres navires et aux aéronefs équipés, l'identité du navire, son type, sa position, son cap, sa vitesse ainsi que ses conditions de navigation.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, nous avons tous pris conscience de l'état de la Méditerranée et de ses problèmes. D'importants efforts ont déjà été accomplis, même s'il reste beaucoup à faire, j'en conviens, pour protéger cette mer qui nous est chère à tous.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse. J'ajouterai simplement, après un célèbre Narbonnais, Charles Trénet, et comme le répètent très souvent les nouveaux élus de la ville de Narbonne, en particulier la première adjointe : puisse la Méditerranée continuer à « danser le long des golfes clairs »…
(Sourires.)
M. le président. Mon cher collègue, nous voilà dans le lyrisme le plus total !
(Nouveaux sourires.)
M. Thierry Repentin. Il sera difficile d'intervenir après !
M. le président. D'habitude, vous répétez plutôt cette phrase d'un homme politique célèbre : « Un bon discours m'a quelquefois fait changer d'avis, jamais de vote » !
(Rires.)
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