M. Thierry Repentin attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le projet dont il a appris la perspective par la presse, d'abandon de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins basée à Bourg-Saint-Maurice en Savoie, à l'horizon 2010.
Une telle éventualité suscite la surprise, voire l'incompréhension devant l'ampleur des bouleversements dans les implantations de notre armée.
Alors que les travaux de la Commission du livre blanc sur la défense laissent systématiquement de côté la question des fermetures éventuelles de casernes malgré les demandes répétées des parlementaires qui y participent, la réforme générale des politiques publiques semble très avancée sur cette même question et ce, alors qu'aucune concertation, ni même échange avec les élus de la Nation et ceux des territoires concernés n'a eu lieu. Cette décision de fermeture, si elle se trouvait confirmée, aurait des conséquences irréversibles pour le territoire intéressé, en l'occurrence une zone de montagne : elle comporte un risque de fragilisation de la haute vallée de la Tarentaise.
En effet, s'agissant du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice, si l'activité touristique a pris le relais dans le développement économique, la vallée n'en serait pas moins fragilisée car les familles de militaires contribuent à l'activité sociale et au développement des communes qui les accueillent, notamment par la scolarisation des enfants, le chiffre d'affaires généré dans les commerces et l'implication du Bataillon dans les événements sportifs locaux ou ses interventions à l'occasion de difficultés rencontrées par les communes en Tarentaise. Si l'insuffisance des logements à loyer modéré a pu pénaliser les familles des militaires, il appartient à l'État de contribuer à susciter -là aussi- une offre plus forte sur ce territoire. Par ailleurs, à l'heure où la France se propose d'envoyer de nouvelles troupes à l'extérieur du territoire national, en particulier en Afghanistan, il serait paradoxal de se priver de l'excellence reconnue, pour ce théâtre d'opération montagnard, de troupes formées elles-mêmes en montagne.
De façon plus générale, les troupes alpines sont régulièrement présentes sur de nombreux théâtres d'opérations extérieures, notamment en Afrique où leur professionnalisme est prouvé et apprécié. En conséquence, quelques mois seulement après la réforme imposée de la carte judiciaire, il souhaite que les fermetures envisagées dans le cadre de la réforme générale des politiques publiques fassent l'objet d'un débat associant les parlementaires et les élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 225, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Thierry Repentin. C'est par des fuites relayées par la presse nationale que nous avons appris, en Savoie, le projet de délocalisation de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins basée à Bourg-Saint-Maurice, à l'horizon 2010.
Une telle éventualité a suscité d'abord la surprise, puis l'incompréhension, devant l'ampleur des bouleversements dans les implantations de notre armée, tout particulièrement en ce qui concerne les troupes de montagne.
Alors que les travaux de la commission du livre blanc sur la défense laissent systématiquement de côté la question des fermetures éventuelles de casernes malgré les demandes répétées des parlementaires qui y participent, la révision générale des politiques publiques semble très avancée sur cette même question, et ce alors qu'aucune concertation, qu'aucun échange avec les élus de la nation et ceux des territoires concernés n'a eu lieu.
Cette décision de fermeture ou de transfert, si elle se trouvait confirmée, aurait des conséquences irréversibles pour le territoire intéressé, en l'occurrence une zone de montagne : elle comporte directement, et par effet de cascades, un risque de fragilisation de la haute vallée de la Tarentaise.
En effet, même si l'activité touristique est le moteur de son développement économique, cette vallée n'en serait pas moins fragilisée, car les familles des militaires du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice contribuent à l'activité sociale et au développement des communes qui les accueillent, notamment par la scolarisation des enfants, le chiffre d'affaires généré dans les commerces et l'implication du bataillon lui-même dans les événements sportifs locaux ou ses interventions à l'occasion de difficultés rencontrées par les communes en Tarentaise.
Ces familles concourent également au dimensionnement et à la pérennité des services publics, elles sont prises en compte dans les bases de calcul pour les dotations financières d'État versées chaque année aux communes où elles résident : ainsi, pour le calcul de la DGF, ce sont 2 200 personnes liées à la caserne qui sont prises en compte sur une population totale de 7 600 habitants.
Certes, l'insuffisance des logements à loyer modéré a pu pénaliser certaines familles de militaires, mais il appartient à l'État de contribuer à susciter, là aussi, une offre plus forte sur ce territoire.
Par ailleurs, et dans un souci de cohérence plus globale, il serait paradoxal, à l'heure où la France se propose d'envoyer de nouvelles troupes à l'extérieur du territoire national, en particulier en Afghanistan, de se priver de l'excellence reconnue, pour ce théâtre d'opération montagnard, de troupes formées elles-mêmes en montagne.
Elles sont en effet demandées, sollicitées, parce que aguerries, expérimentées sur la base d'entraînements en milieu naturel, similaire aux milieux qui les accueilleront pour plusieurs mois ou plusieurs années pour des actions militaires coordonnées à l'échelle internationale.
Le chef d'état-major des armées afghanes me l'avait confirmé de vive voix lui-même, à l'occasion d'un dîner chez le chef d'état-major des armées françaises, voilà quelques semaines, en faisant une nette différence avec d'autres corps de troupes présents sur le sol afghan.
De façon plus générale, les troupes alpines sont régulièrement présentes sur de nombreux théâtres d'opérations extérieures, notamment en Afrique, où leur professionnalisme est prouvé et apprécié.
En conséquence, quelques mois seulement après la réforme imposée de la carte judiciaire, qui a déjà touché durement la Savoie, je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que vous puissiez nous dire que les fermetures envisagées du fait de la révision générale des politiques publiques ne sont pas décidées et qu'elles ne sauraient l'être avant un débat associant les parlementaires et les élus locaux. C'est au cours de ce débat que l'État devrait indiquer, en préalable, les contreparties proposées aux territoires qui verraient le départ de leurs bases militaires, lesquelles sont aussi des bases fiscales et des bases d'activités professionnelles.
Par ailleurs, la décision sera-t-elle prise rue Saint-Dominique ou à l'Élysée ? Qui doit-on interpeller ?
Monsieur le secrétaire d'État, j'espère que les craintes des élus savoyards, particulièrement de la Haute-Tarentaise, pourront être apaisées par votre réponse, même si l'on dit que, d'ores et déjà, des infrastructures auraient été aménagées à Vars, dans l'Isère, pour recevoir prochainement deux premières compagnies du 7e BCA.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, comme l'ensemble des administrations concernées par le processus de révision générale des politiques publiques, le ministère de la défense, sous l'impulsion de M. Hervé Morin, entreprend une réforme ambitieuse et indispensable à la sécurité du pays, qui doit faire face aux nouvelles menaces de ce siècle, ce qui implique que nos armées s'adaptent à de nouvelles missions.
Par ailleurs, le contexte budgétaire contraint dans lequel se trouve la France nous oblige à trouver nous-mêmes, au ministère de la défense, des marges de manœuvre pour assurer l'équipement des forces et améliorer la condition du personnel militaire et civil. Vous avez évoqué tout à l'heure la situation des forces présentes sur des théâtres extérieurs : il convient qu'elles soient capables de remplir leur mission. Au demeurant, le ministère de la défense a obtenu le rare avantage d'effectuer cette réforme à budget constant : ainsi, les économies qui, progressivement, année après année, seront réalisées grâce au nouveau format des armées profiteront aux équipements, aux matériels, à la condition militaire.
Un autre élément nous pousse à la réforme : nous avons un système d'organisation trop dispersé, trop cloisonné, qui nous fait perdre en réactivité et en efficacité.
Nous n'avons pas tiré toutes les conséquences de la professionnalisation sur notre organisation. Aujourd'hui, il nous faut parachever la réforme afin d'orienter les flux de financement disponibles vers l'équipement des forces et un meilleur rendement du soutien, comme je le disais à l'instant.
Le livre blanc auquel vous faites allusion inspire notre démarche mais n'a pas vocation à indiquer où devraient intervenir des suppressions de garnisons ou des réorganisations.
Le dialogue avec les parlementaires et les élus locaux a commencé depuis peu seulement : il n'y avait pas lieu de lancer un dialogue tant que nous ne disposions pas nous-mêmes d'éléments pour l'alimenter. Les choses se font à leur rythme. Ce dialogue va se poursuivre.
Il s'établira autour des trois grands axes de réorganisation qui articulent la réforme des armées : une densification des unités, pour rationaliser leur stationnement, une mutualisation et une interarmisation, particulièrement dans le domaine de l'administration générale et du soutien.
Je sais, comme vous, à quel point les populations sont attachées au 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice. Moi qui ai fait une partie de mon service militaire au 13e BCA, que vous connaissez bien, je partage votre point de vue : les troupes alpines, de par leur entraînement, leur adaptation au terrain montagneux, ont une excellence reconnue et sont sollicitées pour des actions militaires à l'échelle internationale en milieu naturel similaire à celui dans lequel elles ont coutume d'évoluer. Cela, le nouveau format des armées ne le remettra pas en cause. On ne peut pas dire qu'elles seront pour autant à l'abri de toute réorganisation, c'est évident.
L'abandon de la garnison du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice fait partie des hypothèses envisagées par les services du ministère de la défense dans le cadre de cette réforme, c'est vrai. En effet, sa situation isolée et l'indispensable prise en compte des critères liés à la condition du personnel, intimement associée aux problématiques de recrutement et de fidélisation, qui sont des défis permanents pour l'armée de terre professionnelle, conduisent à envisager le transfert de cette garnison.
Cependant, à ce jour, aucune décision définitive n'est arrêtée. En effet, les conclusions du livre blanc sur la défense nationale et la sécurité intérieure devraient être rendues d'ici à quelques semaines, puis faire l'objet d'une présentation devant les commissions parlementaires et d'un débat devant la représentation nationale. C'est à l'issue de ces travaux que les arbitrages définitifs seront rendus par le Président de la République, probablement à la mi-juin. Le ministre de la défense pourrait ainsi annoncer les mesures nouvelles au cours de la seconde quinzaine dudit mois.
Quoi qu'il en soit, pour chacune des implantations qui, in fine, connaîtront une réduction ou une fermeture – aucune région ne sera épargnée, nous le savons – les mesures d'accompagnement, qu'elles concernent la date de prise d'effet ou l'aménagement du territoire – M. Falco est associé à cette démarche – sont actuellement discutées avec les élus au ministère de la défense. Notre volonté est d'associer le Parlement et les élus locaux à la mise en œuvre de cette réforme essentielle pour la modernisation de notre outil de défense.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Je m'attendais à une réponse prudente, surtout en ce jour de la sainte Prudence ! (Sourires.) Je ne suis pas déçu ; simplement, j'ai confirmation que le risque de la fermeture du 7e bataillon de chasseurs alpins existe bien et qu'une décision sera prise d'ici au 15 juin.
J'ai bien noté aussi que c'est le chef des armées qui rendra les arbitrages et non le ministre de la défense. Nous savons donc où se trouve la clé du maintien – ou du départ – du 7e bataillon de chasseurs alpins. Inutile de dire que, dans deux jours, autour des monuments aux morts de la vallée de la Tarentaise, cet éventuel départ suscitera beaucoup de discussions !
Vous avez indiqué que nos armées devaient s'adapter aux nouvelles menaces qui frappent notre pays, y compris à l'échelon international. Les chasseurs alpins sont fortement mobilisés sur ce théâtre d'opérations extérieures, leur compétence professionnelle étant reconnue. C'est un argument que nous invoquerons lorsque nous plaiderons pour leur maintien.
Vous avez précisé également que la réforme des armées s'articulait autour de trois grands axes de réorganisation, l'un étant la densification des unités. Vous pouvez indiquer à M. le ministre que Bourg-Saint-Maurice est candidate pour une telle densification sur le territoire de la Tarentaise.
Enfin, vous annoncez qu'il y aura des discussions, des échanges. Je note que ces échanges ont commencé aujourd'hui, même si ce n'est que par le biais d'une question orale. Selon moi, tous les parlementaires du département devraient y être associés, qu'ils soient députés ou sénateurs, ces derniers étant – je le rappelle – les représentants des collectivités territoriales.
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