M. Roland Courteau rappelle à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité que la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, précise dans son article 13, que « le Gouvernement dépose tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences, au sein du couple, portant notamment sur les conditions d'accueil, de soin et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, les modalités de la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des faits, ainsi que le nombre, la durée et le fondement juridique des mesures judiciaires tendant à leur ordonner de résider hors du domicile ou de la résidence du couple ».
Il lui demande donc, si deux ans après la mise en application de cette loi, il est en mesure, de déposer ce rapport sur le bureau du Sénat et de l'Assemblée Nationale et de lui faire part de ses premières constatations.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 292, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité
M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, les violences au sein des couples ou violences conjugales ou intrafamiliales ont causé en 2006 la mort de 168 personnes : 137 femmes et 31 hommes. Encore faut-il y ajouter 11 enfants, 3 témoins, 46 suicides d'auteurs de violences : au total, 228 morts. Rappelons qu'une femme meurt tous les trois jours des suites de ces violences.
Pour l'Observatoire national de la délinquance, 410 000 femmes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques en l'espace de deux ans.
Or il semblerait aussi, selon des sources sérieuses, puisqu'il s'agit du secrétariat d'État chargé de la solidarité, qu'un très faible nombre de femmes victimes d'un ensemble d'agressions, y compris d'agressions sexuelles, oseraient les dénoncer. C'est dire si l'ampleur d'un phénomène qui ne date pas d'aujourd'hui est préoccupante, qu'il s'agisse de violences physiques, sexuelles, verbales, économiques ou psychologiques.
J'avais donc pris l'initiative en 2004, ici même, avec le soutien du groupe socialiste, notamment de Michèle André, ancienne secrétaire d'État chargée des droits des femmes, de déposer une proposition de loi visant à lutter contre un tel fléau. Chacun se souvient que le texte, examiné puis complété par le Sénat et l'Assemblée nationale, a été adopté à l'unanimité – c'est tellement rare que je ne résiste pas au plaisir de le rappeler !
(Sourires.)
Ce texte est donc devenu loi : il s'agit de la loi n°2006–399 du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Je rappellerai succinctement les principales dispositions de cette loi puisqu'il apparaît qu'en certains endroits l'on ait une fâcheuse tendance à les oublier, voire à nier cette avancée pourtant reconnue par les principales associations : introduction du principe de l'aggravation de la peine, extension de la circonstance aggravante aux anciens conjoints, concubins, partenaires pacsés, dispositions visant à lutter contre les mariages forcés, âge légal du mariage porté à dix-huit ans pour les filles, mesures d'éloignement de l'auteur de violences, pénalisation du viol au sein du couple, tandis que le vol entre époux est reconnu, modification de l'article 212 du code civil pour y inclure la notion de respect, et possibilité d'une prise en charge sanitaire sociale ou psychologique de l'agresseur.
Enfin, je rappelle que l'article 13 de cette même loi dispose : « Le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple, portant notamment sur les conditions d'accueil, de soin et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, les modalités de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des faits, ainsi que le nombre, la durée et le fondement juridique des mesures judicaires tendant à. leur ordonner de résider hors du domicile ou de la résidence du couple. »
Ce rapport, je le rappelle, doit être déposé tous les deux ans. Alors que nous aurions dû en être destinataires depuis le 4 avril 2008, nous n'avons rien vu venir !
Or il est essentiel que nous puissions disposer de ces données, celles qui concernent les mesures prises ou non par le Gouvernement pour lutter contre ce fléau, comme celles qui ont trait à l'accueil des victimes.
Sur ce point, il m'est indiqué que nous manquerions de places en France et qu'il y aurait aussi de graves problèmes au niveau de l'accueil d'urgence des victimes. Cela est grave, très grave même ! Nous aimerions également savoir ce qu'il en est de la réinsertion sociale de ces personnes.
Il est tout autant essentiel que sénateurs et députés soient en mesure de faire le point sur les modalités de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs de violences.
Je précise que l'article 12 de la loi du 4 avril fait état de cette prise en charge. C'est un point important, car il s'agit de prévenir le risque de récidive en s'attaquant aux causes de la violence. Le violent doit pouvoir comprendre en quoi son comportement est anormal.
Par ailleurs, cette prise en charge doit pouvoir compléter en certains cas les mesures d'éloignement de l'agresseur du domicile.
Quand donc allons-nous avoir une connaissance exacte des politiques mises en œuvre et des besoins à satisfaire sur un dossier ô combien sensible ? Je le rappelle encore une fois, la loi du 4 avril 2006 fait obligation au Gouvernement de présenter ce rapport.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Xavier Bertrand, retenu par d'autres obligations.
Vous avez appelé son attention sur l'article 13 de la loi du 4 avril 2006, lequel prévoit que le Gouvernement déposera tous les deux ans sur le bureau des assemblées un rapport sur cette politique.
Cet engagement sera respecté. Ce rapport sera déposé d'ici à la fin de l'année 2008. Il s'appuiera sur le contenu du rapport d'évaluation du premier plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes, remis aux ministres concernés le 1er juillet 2008 et présenté devant les membres de la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes le 1er octobre dernier.
Cette évaluation a souligné un certain nombre d'avancées.
Première avancée : une amélioration de la connaissance du phénomène des violences faites aux femmes. Les enquêtes produites par l'Observatoire national de la délinquance, OND, et la Délégation aux victimes, DAV, ont permis de mieux appréhender le phénomène et de dégager de grandes tendances : les violences intrafamiliales subies par les femmes – plus 24 % – augmentent plus vite que l'ensemble des violences faites aux personnes – plus 7 %. On constate aussi une augmentation des décès au sein du couple et une meilleure révélation des violences subies – plus 8 % environ de dépôts de plainte ou signalements. Toutefois, l'outil reste perfectible, notamment en raison de l'absence de statistiques sexuées et d'études d'impact ciblées en nombre suffisant.
Ensuite, dans le champ de la prévention, des progrès sont indéniables grâce à l'adoption de dispositifs législatifs de répression des auteurs et de protection des victimes, ainsi qu'à une politique pénale volontariste. Différents instruments ont ainsi été mis en place : circulaires et guides méthodologiques, traitement en temps réel et prise en compte des violences conjugales par les parquets, possibilité de lancer des enquêtes sociales rapides, nomination d'un magistrat référent qui centralise les affaires de violences conjugales.
Par ailleurs, si globalement la prévention s'organise, il apparaît indispensable de mobiliser l'ensemble de la société à travers des campagnes d'information et des messages grand public, ce que le Gouvernement a entrepris par le lancement d'une nouvelle campagne d'affichage en octobre 2008.
Enfin, la coordination et la formation des acteurs s'améliorent pour une meilleure prise en charge des femmes victimes.
En effet, la professionnalisation des acteurs progresse grâce à la prise en compte de cette question dans les dispositifs de formation initiale ou continue. Il s'agit de favoriser notamment la mise en place de formations proches de l'utilisateur, pluridisciplinaires, propices à l'échange de bonnes pratiques et à leur mutualisation sur l'ensemble du territoire.
Toutes les informations recueillies vont permettre de réorienter au mieux l'action du Gouvernement, sachant que certaines de ces préconisations sont déjà prises en compte dans le cadre du deuxième plan de lutte contre les violences faites aux femmes sur la période 2008-2010.
Il s'agit notamment du développement de la prise en charge des auteurs de violences, de la prise en compte des enfants exposés aux violences conjugales et, sur l'aspect méthodologique, de la mise en place d'un tableau de bord de suivi du plan.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement reste fortement mobilisé sur cette question essentielle.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je voulais simplement remercier M. le secrétaire d'État.
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