M. Alain Fauconnier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la fermeture du tribunal de grande instance de Millau et du tribunal d'instance de Saint Affrique qui, initialement, devaient cesser leurs activités le 1er janvier 2011, mais qui, en fait, devraient disparaître, l'un et l'autre, au 1er octobre 2009, selon les dernières informations données aux élus. Il lui demande de ce fait ce qui a pu motiver une telle « accélération » de la clôture de ce service public, après tant d'autres, et sur quels éléments d'appréciation cette décision a-t-elle été prise ?
La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 372, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Alain Fauconnier. Comme je l'ai souligné dernièrement dans cet hémicycle, lorsque je me suis adressé à vous, monsieur le secrétaire d'État, à propos de la gendarmerie – je tiens d'ailleurs à vous remercier, car la concertation que nous attendions depuis longtemps a eu lieu –, le sud du département de l'Aveyron a connu ces dernières années l'amputation brutale d'un certain nombre des services publics dont il jouissait jusque-là.
Je sais bien qu'il n'est pas le seul à subir les effets d'une politique purement comptable menée par le Gouvernement. Mais la répétition des attaques contre l'hôpital, les écoles, la poste, la Banque de France, les trésoreries ou la gendarmerie font que, à la longue, les élus, au demeurant de sensibilité différente, tout comme la population, finissent par dire : « trop c'est trop ! ».
La charge est aujourd'hui menée contre la justice.
Au terme d'un processus engagé voilà deux ans sans raison aucune et, je tiens à le préciser, sans concertation, et d'une manière toute souveraine, Mme la garde des sceaux a décrété, entre autres, la suppression du tribunal de grande instance de Millau et celle du tribunal d'instance de Saint-Affrique, cité dont j'ai l'honneur d'être le maire, et ce malgré les conséquences extrêmement néfastes pour l'accomplissement de la vie judiciaire.
En témoigne, par exemple, un fait divers tout à fait actuel : l'arrestation, voilà quelques jours, d'un criminel à Millau, dont le tribunal instruit actuellement le dossier. À qui échoira cette mission après la fermeture du tribunal – à Rodez, à Montpellier, à Toulouse ? –, avec tout ce que cela impliquera de perte de temps et d'argent ? Dans un territoire particulièrement vaste, les gendarmes requis pour encadrer le prévenu passeront leur temps sur les routes, à moins que ce ne soit le juge d'instruction qui se déplace en permanence, s'il reste encore un juge d'instruction !
Quoi qu'il en soit, en attendant la réponse aux légitimes recours déposés par les élus de quarante petites villes de France devant le Conseil d'État, la fermeture des tribunaux de Millau et de Saint-Affrique devait initialement être effective le 1er janvier 2011 ce qui, à défaut de satisfaire les populations, les professionnels et les élus, leur laissait au moins un peu de temps pour se préparer. Or, récemment, ces derniers ont appris que, finalement, par une nouvelle décision aussi régalienne que la précédente, et assortie d'aucune explication, cette fermeture vient d'être avancée au 1er octobre 2009, c'est-à-dire dans moins de dix mois.
Ma première question est donc la suivante : qu'est-ce qui a motivé cette nouvelle décision, tout droit sortie du « bon plaisir » de l'Ancien régime ? Qui l'a prise, et dans quel but ?
Par ailleurs, le Gouvernement ne ferait-il pas mieux d'instituer un moratoire des services publics avant toute fermeture de l'un d'entre eux, afin que la nation ne se délite pas davantage ? Au lendemain de la crise, les services publics sont plus que jamais nécessaires !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, vous prie de bien vouloir l'excuser, car elle est actuellement retenue par la séance solennelle d'ouverture de la Cour des comptes.
Vous avez souhaité l'interroger sur la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire dans le département de l'Aveyron, et particulièrement sur le projet de fermeture anticipée du tribunal de grande instance de Millau et du tribunal d'instance de Saint-Affrique.
Comme vous le savez, la révision des implantations judiciaires a vocation à prendre effet pour tous les tribunaux d'instance le 1er janvier 2010 et pour tous les tribunaux de grande instance le 1er janvier 2011.
Toutefois, il importe que cette réforme se mette en place de manière progressive et échelonnée tout au long de l'année. Un certain nombre d'inconvénients, que vous avez relevés, existent. Mais les juges d'instruction peuvent parfaitement se déplacer, sans déchoir pour autant.
Lorsque les situations individuelles de chacun des agents concernés par la réforme sont réglées et que l'infrastructure immobilière de la juridiction de rattachement est jugée satisfaisante pour permettre l'accueil de la juridiction regroupée, la date du transfert de l'activité peut être avancée, sur la proposition des chefs de cours d'appel, après avis des assemblées des juridictions concernées, des structures locales de dialogue social et des auxiliaires de justice.
C'est le cas du tribunal de grande instance de Millau, dont la suppression pourrait intervenir dès le 1er octobre 2009. Pour cette juridiction, les services de la Chancellerie se sont assuré que toutes les conditions utiles à la réalisation de la fermeture anticipée étaient réunies et ont procédé aux consultations nationales nécessaires. Un projet de décret permettant cette anticipation est en cours de signature.
En revanche, le reclassement des fonctionnaires du tribunal d'instance de Saint-Affrique, ville qui vous est chère, n'ayant pas encore trouvé de solution, il n'est pas, en l'état, envisagé de modifier la date de suppression de cette juridiction, fixée par le décret n° 2008-1110 du 30 octobre 2008 au 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Je ne suis pas surpris de la réponse de M. le secrétaire d'État. Bien entendu, elle ne me satisfait pas ; elle est même inacceptable.
La décision de fermer les tribunaux en 2011 n'a fait l'objet d'aucune concertation ; je l'ai redit à Montpellier à Mme Rachida Dati. Quand le président du tribunal de grande instance de Montpellier est venu à Saint-Affrique pour annoncer la réforme au personnel, je me trouvais à la mairie, mais je ne l'ai jamais vu, ce qui est tout de même un peu fort ! Maintenant, la date est avancée de neuf ou dix mois ! Le bâtonnier de Millau aurait fait, semble-t-il, une déclaration en disant qu'il y était favorable. Or il n'y a eu aucune réunion des avocats, et ceux-ci ont fortement protesté contre cette déclaration.
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