M. Éric Doligé attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur les conséquences de l'augmentation sensible de la redevance domaniale acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Afin d'assurer le financement de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFTIF) pour 2009, il est en effet envisagé, d'après les éléments portés à la connaissance du Parlement, de porter la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes au titre de la redevance domaniale de 170 millions d'euros à 475 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de près de 280 % !
Si les objectifs poursuivis, qui consistent à attribuer à l'agence des ressources qui proviennent de la route, sont de garantir des crédits pour les projets d'infrastructures, il ressort en l'espèce que l'économie générale des concessions d'autoroutes risque d'être déséquilibrée.
Ainsi, pour ce qui est du projet autoroutier actuellement en cours de réalisation, l'A 19, reliant Artenay à Courtenay, la seule augmentation de la contribution risque de mettre durablement la société concessionnaire en perte, voire en faillite s'il s'avérait difficile de financer cette charge, imprévue dans l'équilibre tendu de la concession. Or, une telle situation financière engendrerait inévitablement la dégradation de la notation de la société et donc rendrait encore plus difficile ses conditions de refinancement, particulièrement dans un contexte d'effritement du trafic, or le seul refinancement des crédits représente environ 80 % du financement du projet.
Au-delà de cet exemple concret, il souhaite donc connaître l'appréciation que le Gouvernement porte sur les conséquences de cette évolution du contexte fiscal et juridique des concessions et il se demande si en procédant ainsi le Gouvernement ne risque pas de fragiliser les projets qui pourraient être portés au travers d'un partenariat public privé, faute d'une suffisante confiance entre les partenaires sur la pérennité juridique et fiscale des projets.
La parole est à M. Éric Doligé, auteur de la question n° 377, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Éric Doligé. Monsieur le secrétaire d'État, la relance passe par les investissements : le plan du Gouvernement les favorise heureusement par le biais de divers dispositifs.
Les infrastructures de transport constituant des conditions indispensables de développement de notre pays, nous devons garantir leur financement, et il a ainsi été décidé que des infrastructures diversifiées seraient financées par les routes.
L'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, est l'outil qui doit permettre de mettre en œuvre cette logique. Elle a été dotée de diverses ressources permettant d'attribuer des financements.
Or la baisse du trafic déstabilise quelque peu les recettes attendues. L'État avait de ce fait décidé de relever de 300 millions d'euros la redevance domaniale des sociétés d'autoroutes. Au-delà du montant lui-même, c'est l'importance de l'augmentation qu'il convient de considérer, puisqu'elle atteint 280 %.
Après discussion, nous sommes revenus à une augmentation de 200 millions d'euros de la redevance domaniale acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. À l'évidence, l'économie générale des concessions risque d'être déstabilisée.
Ainsi, pour ce qui est du projet de construction de l'A 19, actuellement en cours de réalisation, qui relie Artenay à Courtenay, la seule augmentation de la contribution risque de mettre durablement la société concessionnaire en perte, voire en faillite, s'il s'avérait difficile de financer cette charge imprévue dans l'équilibre tendu de la concession. Une telle situation financière engendrerait inévitablement la dégradation de la notation de la société et rendrait donc encore plus difficile ses conditions de refinancement, particulièrement dans un contexte d'effritement du trafic. Or le seul refinancement des crédits représente environ 80 % du financement du projet.
Je me permets également de préciser que le Gouvernement change ainsi totalement les règles du contrat. Pour l'autoroute A 19, les collectivités se sont engagées à hauteur de 40 millions d'euros, soit le même montant que l'État, avec une clause de retour à meilleure fortune, qui n'incluait pas une telle augmentation de taxe. En augmentant ses propres prélèvements, l'État diminue la possibilité de retour aux collectivités. Je me pose la question de la légalité d'une telle opération.
Au-delà de cet exemple concret, je souhaite connaître l'appréciation portée par le Gouvernement sur les conséquences d'une telle évolution du contexte fiscal et juridique des concessions. En procédant ainsi, le Gouvernement ne risque-t-il pas de fragiliser les projets qui pourraient être portés par un contrat de partenariat public-privé, faute d'une confiance suffisante entre les partenaires sur la pérennité juridique et fiscale des projets ?
À la suite du dépôt au Sénat de divers amendements, l'État envisage, je le sais, avec relativement peu d'empressement, d'allonger la durée des concessions. C'est une avancée intéressante. Il faudrait également, en ces périodes difficiles, amender le non-adossement qui a pénalisé bien des opérations.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de me faire part de votre analyse sur ces différents points.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous évoquez un projet d'augmentation de la redevance domaniale des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui a été mentionné à l'occasion de questions sur le financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler que la loi de finances de 2009 prévoit qu'une dotation budgétaire importante sera consacrée à l'AFTIF, dans l'attente de la disponibilité des ressources pérennes qui lui seront consacrées et, en particulier, du produit de l'éco-redevance sur les poids lourds circulant sur le réseau routier national.
Cette éco-redevance modifiera sensiblement les choix des transporteurs. En particulier, elle entraînera, d'après les simulations réalisées par nos services, un report du trafic au bénéfice des autoroutes concédées.
L'instauration de cette éco-redevance se traduira donc globalement pour les sociétés concessionnaires par des recettes supplémentaires. Il me semble donc tout à fait légitime de tenir compte de cet effet dans les discussions à venir avec les sociétés en question. Une telle situation pourrait nous conduire à ajuster la redevance domaniale.
À ce jour, le montant de la redevance domaniale est calculé à partir de deux éléments : d'une part, la valeur locative du domaine public occupé par les sociétés concessionnaires – il s'agit, concrètement, du kilométrage de chaque réseau multiplié par le nombre de voies –, d'autre part, le chiffre d'affaires de ces sociétés. Il faudra examiner s'il y a lieu de modifier ces éléments de calcul pour tenir compte des reports de trafic.
Pour autant, nous sommes particulièrement attentifs à ne pas bouleverser l'économie des contrats de concession. C'est tout particulièrement le cas pour ce qui concerne l'autoroute A 19 : le contrat doit garantir le financement de la dette contractée, dont l'ampleur est plus limitée que celle que l'on observe pour d'autres contrats.
Nous devrons prendre en compte cet élément dans la réflexion sur les ajustements que je viens d'évoquer, lesquels ne devront certainement pas nuire au financement privé des projets d'infrastructure que nous appelons de nos vœux.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse.
Je tiens simplement à formuler quelques observations.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, il est nécessaire d'apporter des financements pérennes à cet organisme indispensable.
L'éco-redevance ne pose pas de problème particulier, bien que l'on ne connaisse pas encore aujourd'hui le retour financier qu'elle permettra d'engendrer et qui devrait contribuer aux différents investissements d'infrastructure.
Je me permets d'insister sur un seul point, à savoir l'augmentation de la taxe. Au moment de la négociation des concessions, à laquelle les collectivités ont été partie prenante, le montant de la taxe était connu : l'équilibre était assuré et les collectivités bénéficiaient d'un retour financier.
À partir du moment où l'État prélève plus, les recettes disponibles dans le compte d'exploitation seront moindres, et les collectivités n'auront probablement plus la possibilité d'avoir un retour financier tout au long de la concession. Finalement, ce sont les collectivités qui vont indirectement payer l'augmentation de la redevance. Je me permets donc d'insister non seulement sur la mise en difficulté des collectivités, mais aussi sur l'éventuel déséquilibre des sociétés autoroutières sur de petites portions.
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