M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur la suppression du « délit de solidarité ».
En effet, un nouvel article du code de l'entrée et du séjour des étrangers dispose que « toute personne ayant, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France » est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Si la grande majorité des poursuites engagées à l'encontre des personnes qui apportent leur secours bénévole à des étrangers en difficulté débouche sur un non-lieu, une relaxe ou encore un sursis, il n'en demeure pas moins que ces militants associatifs sont tout de même interpellés, placés en garde à vue, voire pour certains poursuivis sur le fondement de cette qualification pénale.
Les associations et leurs militants font l'objet de tracasseries et vivent ainsi dans un climat d'intimidation et de persécution grandissantes.
Le Gouvernement ne peut pas ignorer de telles inquiétudes, partagées par l'ensemble des associations qui interviennent dans ce domaine et qui sont des facteurs indispensables de la cohésion sociale.
Il lui demande de l'informer de la décision qu'il entend prendre sur ce dossier, et s'il envisage de supprimer ce « délit de solidarité ».
Il n'existe pas de « délit de solidarité ». Ce terme impropre a été appliqué par certains à des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui incriminent avec précision et nuance l'aide apportée à la perpétration du délit d'entrée ou de séjour irrégulier. L'article L. 622-1 du CESEDA appréhende l'aide directe ou indirecte à l'entrée, la circulation, le séjour d'un étranger en situation irrégulière. L'article L. 622-4 exempte, outre les membres de famille de la personne aidée, toute personne physique ou morale ayant apporté une aide proportionnée à un étranger au regard d'une situation de détresse actuelle ou imminente mettant en danger l'intégrité physique ou la vie de ce dernier. Au-delà du champ de cette exemption, les dispositions de l'article L. 622-1 doivent être bien comprises : en application de l'un des principes généraux du droit pénal, une infraction n'est constituée que si elle réunit l'élément matériel et l'intention de commettre le délit. L'action humanitaire, qu'elle soit le fait d'associations oeuvrant conformément à leurs statuts ou d'actions individuelles, ne peut donc être poursuivie ou condamnée sur la base de l'article L. 622-1 dès lors que le caractère intentionnel de l'infraction ne saurait être constitué à l'égard d'une association humanitaire ou de représentants d'une telle association agissant en conformité avec son objet. Les initiatives individuelles spontanées sont couvertes par l'exemption prévue à l'article L. 622-4. L'infraction prévue à l'article L. 622-1 constitue un instrument privilégié de la lutte contre la traite des êtres humains, la servitude domestique, le proxénétisme, l'exploitation de la mendicité. Ces dispositions pénales ouvrent aux services de police la possibilité de mener les investigations nécessaires à la lutte contre ces filières qui exploitent les personnes fragilisées par leur situation irrégulière et permet au juge d'apprécier au cas par cas la constitution de l'infraction. La mise en oeuvre de ces dispositions à l'égard des passeurs, loin de faire obstacle à l'action humanitaire menée par de nombreuses associations au profit de tous les ressortissants étrangers présents sur le territoire français, quelle que soit leur situation administrative, en garantit la légitimité.
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