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Odette Herviaux
Question crible thématique N° 2 au Ministère de l'alimentation


Les crises agricoles

Question soumise le 14 octobre 2009

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, il n'est jamais trop tard pour reconnaître que les choix arrêtés par le gouvernement français au cours de ces dernières années n'ont pas aidé le secteur agricole, bien au contraire, qu'il s'agisse de la loi d'orientation agricole de janvier 2006, dont le but affiché était de faire des exploitations agricoles des entreprises comme les autres, obéissant en cela à une dérive libérale dénoncée maintenant par les responsables du secteur,...

M. Gérard Le Cam. Eh oui !

Mme Odette Herviaux. ... ou de la loi de modernisation de l'économie, adoptée en août 2008 et dont l'objectif était de relancer la consommation par une baisse des prix en faveur des consommateurs.

Et pourtant, nous vous avions prévenu que ces deux lois, adoptées en urgence, ne répondraient en aucun cas aux attentes, faute d'un travail suffisant au Parlement. Pis, les prix des produits agricoles à la consommation n'ont pas diminué, tandis que ceux payés aux producteurs agricoles par la grande distribution sont de moins en moins rémunérateurs.

Dès le début de cette année, le Président de la République nous annonçait, encore une fois, une nouvelle loi de modernisation de l'agriculture pour préparer l'après 2013. Sera-t-elle censée corriger les dérives que nous avions pourtant dénoncées lors des précédents débats au Parlement ?

Par ailleurs, au niveau européen, le bilan de santé de la politique agricole commune, adopté – il faut le souligner ! –sous présidence française, s'appliquera dès l'année prochaine, mais sur la base d'un diagnostic d'emblée obsolète.

Vous semblez reconnaître, monsieur le ministre, que la politique de dérégulation menée au cours de ces dernières années est en grande partie responsable de la crise. Vous dites souhaiter « gagner la bataille de la régulation européenne des marchés agricoles ». Mais qu'avez-vous obtenu concrètement lundi dernier, lors de la réunion des ministres européens de l'agriculture ?

Plus généralement, la France va-t-elle s'engager à défendre une vraie politique publique européenne en matière agricole et alimentaire, seule capable de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés nos agriculteurs ? Dans cet esprit, ne faudra-t-il pas s'opposer à une renationalisation de la PAC et soutenir dès maintenant un budget européen beaucoup plus ambitieux, qui ne se réduise pas à 1 % du revenu national brut européen ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Bravo ! Exactement deux minutes !

M. René-Pierre Signé. Elle s'est entraînée !
(Sourires.)

Réponse émise le 14 octobre 2009

M. Bruno Le Maire, ministre. Il faut éviter, madame la sénatrice, à l'occasion de ce débat difficile, de jeter la pierre à qui que ce soit.

Un sénateur socialiste. Et pourtant !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite rappeler quelques faits afin de rétablir la vérité.

En 1999, l'un de mes prédécesseurs au ministère de l'agriculture, Jean Glavany, a voulu se battre en faveur de la régulation européenne et du maintien des quotas sur le marché laitier. Mais il a été mis en minorité par ses homologues européens et a échoué. La France s'est alors retrouvée isolée et n'a pas eu gain de cause.

Aujourd'hui, la France réclame également davantage de régulation européenne sur le marché du lait, mais les démarches diplomatiques entamées depuis deux mois lui ont permis d'obtenir la majorité qualifiée.

M. Dominique Braye. Il fallait un bon ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous sommes désormais en mesure d'imposer cette régulation.

Je suis surpris, madame Herviaux, qu'une élue socialiste se fasse l'écho du discours de la Commission quand elle prétend que les vingt et un États membres qui représentent la majorité qualifiée et réclament la régulation européenne du marché du lait sont incapables de proposer des mesures concrètes et immédiates.

Je tiens à vous rassurer sur ce point, madame la sénatrice : c'est faux ! Hier, à Vienne, ces vingt et un États membres ont négocié pendant quatre heures, sous ma direction, et sont parvenus, contrairement à ce qui leur est reproché, à se mettre d'accord sur des mesures concrètes et immédiates.

En voici un exemple tangible : dans le document que les vingt et un États membres ont signé hier, et qui sera remis aujourd'hui à la Commission européenne et à la présidence suédoise, nous réclamons le déblocage immédiat de 300 millions d'euros supplémentaires de fonds européens pour le secteur laitier en 2010. Je vous transmettrai ce document ; vous pourrez ainsi constater que nous réclamons bien d'autres mesures immédiates. J'ai bon espoir qu'elles seront toutes définitivement adoptées lundi prochain, lors du Conseil des ministres européens de l'agriculture.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.

M. Didier Guillaume. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que vous ne nous avez pas convaincus !
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. A priori !

M. Didier Guillaume. L'expérience vécue par le ministre socialiste de l'agriculture que vous avez cité s'inscrivait en effet dans un contexte, celui de 1999, totalement différent de ce qu'il est aujourd'hui !

Vous n'avez pas convaincu les sénateurs de gauche, et pas davantage les producteurs de lait, qui sont, comme l'ensemble des agriculteurs, en pleine détresse.

D'ailleurs vendredi prochain, 16 octobre, l'ensemble des manifestations qui se dérouleront sur le territoire montreront ce qu'il en est. Aujourd'hui, la France agricole n'en peut plus des dérégulations ; la France agricole veut de la régulation. Monsieur le ministre, ce n'est pas la direction que vous prenez.

M. Dominique Braye. Il n'a rien compris !

M. Didier Guillaume. C'est la raison pour laquelle les membres du groupe socialiste et apparentés proposent la mise en place d'une commission d'enquête sur la formation des prix agricoles. Il n'est pas normal qu'en France les agriculteurs se fassent voler pendant que d'autres s'engraissent !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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