M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et elle porte sur le même thème que la précédente.
Vous avez rappelé, madame le ministre, que le Président de la République avait été élu pour mener des réformes. Il faut vraisemblablement réformer la justice : des dysfonctionnements récents et fameux l'ont montré.
Au début de l'été, le Président de la République nous a convoqués en Congrès à Versailles pour réformer la Constitution afin de renforcer les droits du Parlement. Or j'ai l'impression que c'est l'inverse qui se produit. Ainsi le Sénat est-il appelé à examiner depuis hier un texte sur l'audiovisuel, dont l'une des mesures phares, à savoir la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, est d'ores et déjà une réalité.
À l'évidence, l'heure n'est pas au renforcement des droits du Parlement, et encore moins au respect et à la réhabilitation du travail parlementaire dont on a pourtant beaucoup parlé.
La manière dont, hier, le Président de la République a annoncé devant la Cour de cassation la suppression du juge d'instruction procède du même mépris du Parlement.
Madame le ministre, nous aimerions donc avoir, tant sur le fond que sur la forme, un certain nombre d'éclaircissements. Il faut nous en dire plus !
Le juge d'instruction sera remplacé par un juge de l'instruction. Soit ! Mais quelles seront les compétences et les prérogatives de celui-ci ? Comment la politique pénale sera-t-elle menée ? Aujourd'hui, ce sont les procureurs généraux, sous votre autorité, qui appliquent une politique pénale cohérente et homogène.
On entend parler de l'indépendance du parquet. Mais quelle sera la politique pénale mise en place sous la responsabilité de la représentation nationale ? Qu'en sera-t-il de la garde à vue ? Continuera-t-on à recourir à cette espèce de torture des temps modernes qui consiste à mettre les personnes en prison pour essayer de les faire avouer ? Donnera-t-on enfin à la défense les droits qu'elle mérite ? Les avocats de la défense pourront-ils accéder rapidement à l'ensemble des dossiers ?
Voilà toute une série de questions qui méritent désormais d'être posées puisque la réforme a été annoncée à l'opinion publique, avant même que le Gouvernement vienne la présenter aux parlementaires. Cela aurait pourtant été la moindre des choses dans une démocratie, dans une République, notamment après la révision constitutionnelle que nous avons votée l'été dernier.
Madame le ministre, au-delà de ce que nous venons d'entendre, pouvez-vous nous donner les grandes orientations du texte à venir, si tant est que vous les connaissiez ? (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste.) Pouvez-nous nous garantir que le Parlement sera consulté et que le débat aura bien lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat, et non devant l'opinion publique ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Alain Fouché. Elle vient de le dire !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, il n'y a aucun mépris du Parlement, puisque la réforme du code pénal et du code de procédure pénale sera menée dans la plus grande concertation. Je vous rappelle que cette réforme est attendue par tous les Français, et ce depuis fort longtemps.
Transcendant les clivages politiques, cette question a figuré dans tous les programmes des partis et des candidats aux différentes élections, y compris l'élection présidentielle. Une réforme de la justice, en particulier du code pénal et du code de procédure pénale, est en effet systématiquement annoncée.
Ce sujet a toujours fait débat, en particulier à gauche, mais aucun consensus ne s'est dégagé, notamment à propos de l'indépendance du parquet. Sur ce point, on n'a jamais abouti, parce que l'on n'a pas voulu débattre du fond, mettre tous les problèmes sur la table et reconnaître que le système actuel n'est pas satisfaisant.
Les réformes auxquelles il a été procédé ne sont donc que de simples ajustements. Le code de procédure pénale a été modifié à vingt reprises, mais sans aucune cohérence d'ensemble.
M. Paul Raoult. Qui a fait ces réformes ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela a finalement abouti, vous le savez très bien, à une multitude de régimes de garde à vue et de procédures d'instruction.
À chaque fois que l'on considère qu'une affaire ne se passe pas bien ou que le principe de proportionnalité risque de ne pas être respecté, on polémique, mais sans vraiment s'intéresser aux questions de fond.
M. Jean-Pierre Bel. La droite est au pouvoir depuis sept ans !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La réforme du code pénal et du code de procédure pénale figurait clairement dans le programme du Président de la République. Je vous y renvoie, car la volonté de Nicolas Sarkozy était de tout dire avant pour tout faire après !
Donc, le débat parlementaire aura bien lieu
(Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste.).
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme pour l'audiovisuel…
M. Simon Sutour. Vous n'aurez pas le choix !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est même obligatoire en pareille circonstance : cette réforme ne pourra se faire sans le Parlement !
M. Jean-Pierre Bel. Vous nous rassurez !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela étant, la concertation sera menée le plus largement et le plus en amont possible. Je l'ai dit, je procéderai aux premières consultations dès lundi prochain. Dans le même temps, la commission présidée par M. Philippe Léger continue à mener de nombreuses auditions, y compris de parlementaires. Vous pouvez tout à fait demander à être auditionné, monsieur Baylet !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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