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Daniel Marsin
Question d'actualité au gouvernement N° 252 au Premier Ministre


Situation aux Antilles

Question soumise le 20 février 2009

M. Daniel Marsin. Monsieur le Premier ministre, je crois que, au point où nous en sommes, et avant l'intervention du chef de l'État, vous êtes le responsable le mieux indiqué pour éclairer notre assemblée sur les intentions du Gouvernement face la situation d'extrême urgence que connaissent la Guadeloupe et la Martinique.

En effet, depuis un mois, la Guadeloupe est en situation de crise grave, une crise pour laquelle on ne voit, à l'heure actuelle, aucune issue se dégager. Pis, depuis trois jours, nous constatons sur place l'apparition de la violence : le grand mouvement de mobilisation et de protestation populaire se poursuit, mais, désormais, il se double d'une situation quasi insurrectionnelle, voire franchement insurrectionnelle. Nous assistons en effet à des phénomènes de guérilla : affrontements entre jeunes et forces de l'ordre, barrages routiers, tirs à balles réelles. Nous avons ainsi eu à déplorer des blessés graves et, depuis hier, un mort ! Je tiens d'ailleurs à saluer ici la mémoire de cette personne.

Comment en est-on arrivé là ? Les élus guadeloupéens n'ont pourtant pas cessé d'adresser au Gouvernement des messages d'alerte. Tout récemment, à la suite du déclenchement du mouvement par le LKP, j'ai moi-même mis l'accent sur le sérieux, la profondeur et la portée des revendications.

Monsieur le Premier ministre, plus personne ne peut ignorer que cette crise révèle le profond malaise qui habite la population guadeloupéenne. Il est l'expression d'une crise sociale et économique, certes, mais aussi identitaire. Vous devez donc y répondre dans sa dimension plurielle.

Il faut d'abord prendre des mesures d'urgence, celles qui permettront aux Guadeloupéens de vivre dignement au quotidien et de faire face à la vie chère. Et puis, dans un second temps, votre gouvernement et ceux qui lui succéderont devront témoigner plus de respect, plus de considération, plus d'intérêt envers les populations de l'outre-mer. Le temps est venu d'en finir avec les vieux clichés !

Mais revenons à l'urgence et à ce qu'il convient de faire pour débloquer au plus vite une situation devenue dangereuse ! Comme les Français de l'Hexagone, mais dans des proportions bien plus grandes, les Guadeloupéens sont confrontés à une dérive des prix telle qu'ils ont désormais la certitude d'être spoliés dans leur pouvoir d'achat par une oligarchie économique et tout un système d'approvisionnement qui, jusque-là, semble aussi bénéficier de la passivité, sinon de la caution des services de l'État. Cela n'est plus acceptable ! Cela doit cesser au plus vite !

Monsieur le Premier ministre, entendez-vous mettre enfin à plat le dossier de la formation des prix en outre-mer et faire cesser l'exploitation outrancière dénoncée par le LKP ?

Mes chers collègues, pour bien comprendre la situation, il suffit de procéder à un petit calcul relativement simple : en métropole, un SMIC permet d'acheter 625 paquets de pâtes alimentaires, alors que ce même SMIC, en Guadeloupe, ne permet d'en acheter que 416 !

M. Jean-Louis Carrère. Deux minutes trente !

M. Daniel Marsin. Cela montre bien l'injustice à laquelle nous sommes confrontés. La revendication d'une hausse des salaires de 200 euros nets est donc légitime puisqu'elle correspond précisément au rattrapage de cette injustice.

Alors, monsieur le Premier ministre, après un mois de crise, de manifestations et de blocages, que comptez-vous faire pour débloquer la situation autrement que par une réponse policière et pour renouer, enfin, le fil du dialogue ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Daniel Marsin. Ce matin, sur une radio, vous avez annoncé une réponse à la revendication des 200 euros pour les bas salaires : pouvez-vous la confirmer et la préciser devant la représentation nationale ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

Réponse émise le 20 février 2009

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, la crise sociale grave que traverse la Guadeloupe est, vous venez de le rappeler, une crise ancienne. Elle tire ses origines dans l'organisation de l'économie dans l'île, et cela vaut d'ailleurs pour tous les départements d'outre-mer. Cette crise est aggravée, mais aggravée seulement, par la crise mondiale.

Voilà quelques jours, nous avons vu la violence se déchaîner sur l'île de la Guadeloupe. Un homme est mort. Je veux naturellement condamner ce meurtre devant vous et vous indiquer que les responsables de ce meurtre seront poursuivis et jugés, car rien ne justifie que l'on tire sur un homme qui exerçait une fonction de syndicaliste dans des conditions parfaitement légales. Pendant plusieurs semaines, le mouvement s'est en effet déroulé de façon tout à fait pacifique, en utilisant les moyens d'expression reconnus par la Constitution : la grève et les manifestations. C'est à partir du moment où des barrages ont été dressés et des attaques ont eu lieu contre des commerces et entreprises que la violence s'est déchaînée.

Cette crise, depuis le premier jour, l'État cherche à la résoudre. M. le secrétaire d'État à l'outre-mer s'est rendu en Guadeloupe et a réussi à négocier avec le Collectif 131 réponses sur les 132 questions qui étaient posées par le Guadeloupéens.
(Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

Parmi ces réponses, certaines sont évidemment très importantes, y compris sur le plan financier. Je pense à la question du prix de l'essence. Je ne suis pas sûr que tout le monde dans cet hémicycle sache que, désormais, grâce aux mesures qui ont été prises, l'essence est moins chère en Guadeloupe qu'en métropole !
(Mme Lucette Michaux-Chevry applaudit.)

Parmi les autres décisions très importantes, je citerai la mise en œuvre anticipée du RSA, qui sera appliqué dès 2009 alors qu'il avait été prévu qu'il le serait en 2011, ou les mesures destinées à aider les familles, notamment le gel des loyers pour les plus modestes d'entre elles.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut faire la même chose en métropole !

M. François Fillon, Premier ministre. Il est vrai, cependant, que nous butions depuis plusieurs semaines sur la question des salaires.

Le collectif réclame une augmentation salariale dans le secteur privé. Nous avons indiqué que, naturellement, nous étions prêts à relayer leur demande et à faire en sorte qu'une médiation soit mise en place, mais que l'État ne pouvait en aucun cas se substituer aux entreprises et payer à leur place l'augmentation demandée.

Qui peut raisonnablement réclamer que l'État assure intégralement la compensation des augmentations de salaire dans les entreprises privées ? Personne ! Et réclamer cela n'est pas faire preuve de responsabilité !

Les médiateurs que nous avons envoyés sur place voilà plusieurs jours, travaillant avec le patronat d'un côté et avec le collectif de l'autre côté, ont réussi à élaborer une proposition qui a été mise à quinze heures – à l'instant, donc – sur la table des négociations.

Pourquoi a-t-il fallu des médiateurs ?

M. René-Pierre Signé. Parce que vous n'y arriviez pas !

M. Didier Boulaud. Parce que c'est la mode !

Un sénateur du groupe socialiste. Pareil pour les enseignants-chercheurs !

M. François Fillon, Premier ministre. La raison est simple, et vous la connaissez mieux que quiconque, monsieur le sénateur : il s'agit d'une île où il est assez rare que le patronat et les organisations syndicales se parlent, leurs relations passant plutôt par l'affrontement et par la violence. Il n'y a pas de tradition de dialogue social…

M. Jean-Luc Mélenchon. Patronat vorace !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Patrons voyous !

M. François Fillon, Premier ministre. …et nous nous sommes efforcés de créer les conditions pour qu'un tel dialogue se noue.

La proposition qui est faite est nouvelle et porte, d'une part, sur des augmentations très significatives des salaires, en particulier des bas salaires, à la charge du patronat. Je reconnais qu'il a fallu un certain temps pour réussir à obtenir cet accord, mais, d'autre part, nous avons proposé que ces augmentations s'accompagnent d'un calcul différent du revenu de solidarité active, non seulement en Guadeloupe, mais aussi, évidemment, dans l'ensemble des départements d'outre-mer.

Cela assurera la compensation que vous évoquiez, monsieur le sénateur, en attendant que nous soyons capables d'engager tous ensemble – et ce sera l'objet de la réunion qui aura lieu ce soir sous la présidence du Président de la République – une réflexion profonde en vue de donner aux départements d'outre-mer des structures économiques, et peut-être aussi institutionnelles, permettant d'éviter la situation que vous avez justement dénoncée et dont vous conviendrez tous avec moi, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle n'existe pas depuis quelques mois seulement.
(Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux indiquer en cet instant que, devant l'inquiétude exprimée par l'ensemble de nos collègues sénateurs des départements d'outremer et compte tenu de l'attention que notre assemblée porte à nos compatriotes de ces départements, la conférence des présidents a décidé, à l'unanimité, de faire droit à la proposition de l'ensemble des présidents des groupes politiques de mettre en place une mission commune d'information chargée d'évaluer la situation des départements d'outremer et de faire toutes propositions pour des solutions de moyen et de long terme.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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