M. Yannick Botrel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
L'ampleur de la mobilisation des producteurs témoigne suffisamment de l'inquiétude, pour ne pas dire de l'angoisse qui s'est emparée de la profession depuis l'annonce de la baisse de 30 % du revenu laitier.
La responsabilité politique du Gouvernement est lourde tant en amont, pour son manque d'anticipation de la crise, qu'en aval, car les réponses attendues ne peuvent être ni dilatoires ni différées.
Un mot – un maître mot – caractérise l'approche qui a été la vôtre depuis 2003, monsieur le ministre, dans le domaine de la production laitière : « libéralisation. »
Comme pour une autre crise, celle qui frappe la finance mondiale, on constate que la mise à mal des mécanismes de régulation – pourtant éprouvés ! – a produit des effets dévastateurs.
Les outils de gestion des marchés ont été progressivement délaissés, qu'il s'agisse des prix d'intervention, des aides au marché intérieur, voire, à certaines périodes, des restitutions à l'exportation. La loi de modernisation de l'économie, dont le titre II affichait la volonté de « mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance », a introduit un autre rapport de force en défaveur des secteurs de production et de transformation,…
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. Yannick Botrel. … mais au profit exclusif de la grande distribution.
(Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Dans ce contexte, la fin engagée des quotas laitiers, à laquelle la France a implicitement souscrit, sonne comme une provocation à un moment où ils démontrent précisément toute leur pertinence et leur nécessité.
L'interprofession laitière, dont vous savez bien qu'elle ne joue plus aucun rôle depuis plusieurs mois, surtout après les injonctions que la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, lui a adressées voilà un an, a été livrée à elle-même à cause de votre indifférence. Il en a résulté que des partenaires ont déserté la table des discussions.
Il y a une huitaine de jours, vous avez enfin désigné des médiateurs, mais vous auriez dû vous impliquer dans ce dossier depuis deux mois au moins !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Yannick Botrel. Tous les observateurs savaient alors que la crise était inévitable. Ce retard est coupable…
Monsieur le ministre, tous les producteurs attendent aujourd'hui vos réponses.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Yannick Botrel. Quelles solutions proposez-vous aux nombreuses exploitations dont la trésorerie sera bientôt exsangue ?
Quelles mesures de court terme envisagez-vous pour rétablir un prix du lait rémunérateur à la production ?
Enfin, quelles mesures structurelles proposez-vous pour redonner aux producteurs laitiers des perspectives lisibles sur le plus long terme ?
Monsieur le ministre, nous attendons des réponses à ces questions essentielles.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, la réponse !
(Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Botrel, votre propos n'est pas très nuancé ! Il est légitime que l'opposition critique l'action gouvernementale, mais faites attention…
M. David Assouline. Des menaces ?
M. Michel Barnier, ministre. Pas du tout ! Je ne menace jamais personne, mais je demande à M. Botrel de faire attention à ce qu'il dit !
M. René-Pierre Signé. La parole est libre !
M. Michel Barnier, ministre. Il faut en effet de la cohérence entre ce qui est dit ici et ce que dit votre propre parti ailleurs !
(Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
J'ai participé, voilà quinze jours, à un débat avec M. Harlem Désir…
M. Josselin de Rohan. Un grand spécialiste des questions laitières !
M. Michel Barnier, ministre. … retransmis sur Public Sénat. Or ce membre éminent du parti socialiste qui s'est engagé, comme d'autres, dans la campagne pour les élections européennes, a indiqué vouloir supprimer les restitutions à l'exportation, alors que vous venez justement de dire que vous y êtes favorable !
(Rires sur les travées de l'UMP.)
Un peu de logique !
M. François Autain. C'est la diversité !
(Sourires.)
M. Laurent Béteille. Cacophonie !
M. Alain Gournac. Oui, vraiment, quelle cacophonie !
M. Michel Barnier, ministre. Moi, je suis prêt à engager tous les débats, et ce de la manière la plus transparente et la plus sincère.
C'est lorsque Jean Glavany était ministre de l'agriculture qu'il a été décidé pour la première fois de supprimer les quotas laitiers. Pour être tout à fait honnête avec vous, je dois préciser que le gouvernement auquel il appartenait s'y était alors opposé, mais il n'avait pas réussi à convaincre les autres partenaires européens. Les quotas devaient donc être supprimés à terme.
M. Jacques Mahéas. Un couac !
M. Michel Barnier, ministre. Sous le gouvernement de M. Raffarin, Hervé Gaymard a obtenu le report de cette suppression jusqu'en 2014. Aujourd'hui, une majorité qualifiée au sein du conseil des ministres s'est exprimée pour maintenir cette suppression.
Tel est le cadre dans lequel nous travaillons. Je vous rappelle que nous ne sommes pas seuls, monsieur Botrel, il nous faut convaincre !
Pour répondre précisément à votre question, je vous assure que je ne me résoudrai jamais, quelle que soit ma fonction, à supprimer le système de maîtrise de la production laitière. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Fortassin, si ce système n'est plus valable, remplaçons-le par un autre. Mais on ne peut laisser l'alimentation en général et la production laitière en particulier soumise à la seule loi du marché.
Pour ma part, je le répète, je suis favorable à un système de régulation.
M. Henri de Raincourt. On l'a toujours dit !
M. Michel Barnier, ministre. Certes, vous pouvez estimer que ce n'est suffisant, mais telle est notre position !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Michel Barnier, ministre. Aussi ai-je adressé ce matin une lettre à l'interprofession pour lui proposer un nouveau système de régulation.
Le rôle de l'interprofession doit être conforté au-delà même de l'amendement gouvernemental qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat au mois de décembre dernier.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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