La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Ma question s'adresse à Mme Alliot-Marie, en tant que ministre des libertés.
Dans deux rapports qui viennent d'être déposés, deux autorités administratives indépendantes dressent un bilan inquiétant de l'état des libertés publiques dans notre pays.
Ainsi, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté nous rappelle, une nouvelle fois, l'état inhumain de nos prisons. Or force est de constater que le projet de loi pénitentiaire, adopté par le Sénat le 6 mars dernier, semble sommeiller sur les rives de la Seine !
M. Alain Fouché. Qu'a fait la gauche ?
M. Charles Revet. Rien !
M. Alain Anziani. Pendant ce temps, les règles pénitentiaires européennes restent lettre morte, les suicides des détenus, mais également des surveillants, se multiplient, et, pour reprendre une expression de notre assemblée, « l'humiliation de la République » perdure.
Un autre rapport intéressant émane de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui « pointe » les différentes bavures policières. Ce rapport dénonce le recours abusif aux menottes, des détentions irrégulières dans notre pays, des violences sur mineurs, des fouilles avec mise à nu quasi systématique.
La Commission déplore également que ses recommandations soient « si souvent méconnues et que la hiérarchie policière ne veille pas mieux à leur application ».
Voilà bien la difficulté, madame la garde des sceaux ! Nous avons affaire non pas à de simples bavures, mais à des comportements systématiques, à une culture qui relègue les droits de l'homme au second plan. Cette culture, malheureusement, le Gouvernement a largement contribué à la favoriser.
Devant le Congrès, le Président de la République a parlé des libertés publiques et des prisons. C'est bien ! Mettre en accord ses actes et ses paroles, c'est mieux !
M. Alain Gournac. Accusation nulle !
M. Alain Anziani. Madame la ministre d'État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire respecter, en toutes circonstances, les droits fondamentaux de la personne humaine ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, le projet de loi pénitentiaire a été adopté par la Haute Assemblée au mois de mars dernier ; il revient maintenant à l'Assemblée nationale de l'examiner et de le voter.
Le Président de la République a souvent souligné l'attention extrême qu'il accordait à la question pénitentiaire. Il m'a confié ce dossier comme étant prioritaire.
Vous avez évoqué plusieurs points.
Tout d'abord, vous nous avez fait part d'un certain nombre de critiques formulées par la Commission nationale de déontologie de la sécurité sur l'attitude des policiers. J'ai déjà eu l'occasion, alors que j'assumais d'autres fonctions, de répondre très clairement à ces critiques : en cas de manquement à la déontologie, des sanctions sont prises à l'encontre des policiers, et ce bien plus fréquemment qu'on ne le pense généralement.
M. Guy Fischer. Pas tant que cela !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Dans un souci de transparence, j'ai décidé, comme je l'avais annoncé lors de la synthèse des forums, que tous les rapports et toutes les condamnations seraient désormais publiés.
Il est vrai, et personne ne dira le contraire, que l'état actuel des prisons est tout à fait insatisfaisant, sur les plans tant quantitatif que qualitatif, notamment en termes de vétusté des locaux ; c'est extrêmement regrettable.
L'amélioration des conditions de détention est l'une de mes priorités, que je concrétiserai, d'une part, en faisant construire de nouveaux établissements et, d'autre part, en veillant à ce que certains établissements soient rénovés et réhabilités. Cela devra se conjuguer avec un aménagement des peines, notamment grâce au bracelet électronique.
Je tenterai de démontrer, au cours des prochaines semaines, que l'emprisonnement et l'aménagement des peines sont non pas antinomiques, mais au contraire complémentaires : il s'agit d'assurer à la fois la protection de nos concitoyens contre la délinquance, qui est une priorité, et le respect de la dignité humaine de chacun, y compris des détenus, qui est une exigence pour nous tous. Il est également indispensable de favoriser la réinsertion si nous voulons que notre société progresse dans le sens de la sécurité au bénéfice de tous.
J'ai toujours dit que la sécurité était une chaîne. En tant que garde des sceaux, je continuerai à y prendre ma part.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.