M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.
De graves cas de maltraitance ont été découverts récemment dans une maison de retraite de Bayonne : une infirmière amenée à effectuer des soins dans l'établissement a donné l'alerte, en écartant le secret professionnel, comme la loi le prévoit.
Coups, contention permanente des personnes âgées, sous-alimentation : les faits sont d'autant plus honteux que ce cas de maltraitance ou de violence institutionnelle sur des personnes âgées n'est pas le premier, d'autres exemples ayant fait la « une » de la presse ces derniers temps.
Chaque année, des milliers de cas de maltraitance rythment encore la vie des maisons de retraite françaises. Officiellement, 5 % seulement des 10 500 établissements feraient l'objet de signalements. Cela concernerait tout de même plus de 32 000 pensionnaires…
Des efforts ont certes été réalisés pour mettre un terme à ce phénomène de maltraitance des personnes âgées dans les maisons de retraite.
Le Gouvernement a créé, le 13 mars 2007, un comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés. Un numéro d'appel national unique, le 3977, a été mis en place et la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale envisage désormais la maltraitance dans les institutions, et non plus uniquement dans le cadre familial.
La notion de « bientraitance » s'est également développée. En juin 2008, elle a fait l'objet d'un guide de bonnes pratiques publié par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Néanmoins, des problèmes demeurent.
D'un point de vue pénal, la qualification juridique reste incomplète. Si la maltraitance active est sanctionnée, comme les violences physiques qui laissent des marques, tel n'est pas le cas de la maltraitance dite passive, psychologique ou morale. De plus, les autorités de tutelle – conseils généraux et services des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, responsables de la prise en charge des personnes âgées – sont dans une situation délicate : où reloger les résidents si l'on ferme une maison de retraite ?
Cette situation est également délicate pour les familles, souvent conscientes de l'existence de traitements parfois brusques ou de maltraitances, mais qui n'ont pas d'autre solution que de laisser la personne âgée dans la maison de retraite où elle se trouve, faute de moyens ou de places dans un autre établissement.
Pouvez-vous donc nous préciser, madame la secrétaire d'État, les modalités de contrôle de ces établissements, et nous dire si des qualifications juridiques comme celle de « maltraitance passive » peuvent être envisagées, sachant que la multiplicité des formes d'hébergement des personnes âgées rend la tâche difficile, comme nous en sommes tous bien conscients ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Comme vous, monsieur Lefèvre, j'ai été particulièrement choquée et indignée de ce qui s'est passé à Bayonne.
Vous m'avez interpellée sur les moyens mis en place pour contrôler les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.
La législation permet d'ores et déjà aux services de l'État de contrôler les établissements médicalisés accueillant des personnes âgées, sous la forme de contrôles programmés, de contrôles inopinés ou de contrôles effectués sur la base d'une plainte.
Le nombre de contrôles a été multiplié par deux en quatre ans, pour un total de 950 au cours de l'année 2009, la proportion de contrôles inopinés passant de 50 % à 80 %.
En ce qui concerne l'affaire de Bayonne, c'est évidemment un sentiment de révolte qui a prédominé. J'ai immédiatement demandé que toute la lumière soit faite : une enquête diligentée par l'Inspection générale des affaires sociales est en cours, dont les conclusions seront rendues publiques dans une quinzaine de jours.
Afin que ce genre de pratiques inacceptables ne se reproduise pas, j'ai demandé un recensement des établissements non médicalisés qui accueillent en toute illégalité des personnes âgées dépendantes.
Soyez assuré que je prendrai toutes mes responsabilités. Ces structures seront mises en demeure de se conformer à la loi et devront fermer dans le cas contraire.
La pénurie de places ne saurait justifier la pérennisation ou l'existence même d'établissements maltraitants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Pour endiguer cette pénurie, le Gouvernement a multiplié par quatre le rythme de création de places depuis le début de la décennie, et même par six en 2009, grâce au plan de relance.
M. le président. Si vous voulez bien conclure, madame la secrétaire d'État…
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, il s'agit de promouvoir une véritable culture de la « bientraitance » et d'éviter le fléau de la maltraitance passive.
Pour ce faire, le Gouvernement a décidé, dans les trois ans qui viennent, de former à cette notion l'ensemble des personnels soignants qui œuvrent auprès des personnes âgées. La réponse à la maltraitance est double : l'information et la transparence.
M. le président. Veuillez maintenant conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Enfin, il est nécessaire de rendre publiques les évaluations des établissements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, s'il faut passer par la loi, je n'hésiterai pas, mais, pour répondre à la maltraitance, il faut d'abord commencer par briser la loi du silence !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
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