M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France a vécu hier une journée sous haute tension. Nous ne sommes peut-être pas passés très loin de la coupure générale d'électricité dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bretagne, voire en Île-de-France. Si le risque n'est pas devenu réalité pour l'instant, rien n'indique que ce ne sera pas le cas demain.
Il semblerait que soit en cause la mauvaise gestion du parc nucléaire français, qui assure environ 80 % de notre consommation d'électricité. Onze des cinquante-huit réacteurs seraient aujourd'hui arrêtés. Pourquoi ? Telle est la question que je me pose, monsieur le secrétaire d'État, et que je vous soumets.
Plusieurs raisons sont invoquées : des pannes, des incidents de maintenance, un calendrier de maintenance inapproprié et peut-être aussi un manque de gestion prévisionnelle de la part de la direction d'EDF.
Il semblerait également que les grèves tournantes du printemps et de l'automne ne soient pas étrangères à la situation actuelle. Le climat social à EDF ne serait peut-être pas très favorable à la productivité de l'entreprise. Si mes informations sont exactes, les grévistes n'auraient pas hésité à retarder les opérations de maintenance et de rechargement du combustible des réacteurs, ce qui a compromis la production et la fourniture d'électricité, en particulier en période de pics de consommation.
Le journal Le Monde appelle les citoyens à « un civisme électrique ». Une meilleure concertation avec les syndicats du secteur ne serait-elle pas plus pertinente ? Une telle démarche n'est-elle pas d'autant plus nécessaire que la France est contrainte de recourir à des importations record d'électricité allemande ? Or l'Allemagne, je le rappelle, assure 46 % de sa production électrique à partir du charbon, contre seulement 25 % grâce au nucléaire. À l'heure de la conférence de Copenhague, nous avons belle allure !
Certes, il n'est pas question de remettre en cause le droit de grève ni le bien-fondé des revendications. Toutefois, il faut mettre ce droit en balance avec les nécessités du service public. Le dialogue social fonctionne-t-il bien au sein de l'entreprise EDF ? Monsieur le secrétaire d'État, n'est-il pas temps d'assurer un service garanti de la production et de la fourniture d'électricité dans notre pays, à l'image de ce qui existe déjà pour le service des transports – même si la grève actuelle du réseau express régional francilien montre que tout accord a ses limites ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous demander d'excuser M. Jean-Louis Borloo, qui, comme vous le savez, représente en ce moment même notre pays à la conférence de Copenhague.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ça, on le sait !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Depuis le début de cette semaine, les températures sont inférieures de six ou sept degrés aux normales saisonnières.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le réchauffement climatique !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Dans ces conditions, la consommation d'électricité est importante. Hier, elle a dépassé 89 000 mégawatts.
Tous les moyens de production d'électricité disponibles sont évidemment mobilisés et, je tiens à vous rassurer, le parc nucléaire est opérationnel à plus de 95 % grâce aux efforts réalisés par EDF ces dernières semaines. Nous avons importé hier plus de 6 000 mégawatts. Sans cette production d'origine nucléaire, la situation serait bien évidemment catastrophique !
La situation est certes tendue, mais, pour l'instant, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, RTE, considère que nous disposons d'une marge d'environ 3 000 mégawatts et n'identifie aucune situation particulière.
Toutefois, nous maintenons bien évidemment une vigilance particulière sur deux régions – Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur – qui connaissent des fragilités d'alimentation électrique. En réalité, et vous le savez bien, la vraie question est ce qu'il convient d'appeler les « péninsules électriques ».
En Bretagne, nous faisons face à deux difficultés spécifiques : d'une part, cette région ne produit que 8 % de l'électricité qu'elle consomme ; d'autre part, elle est une des péninsules électriques en question. La sécurité de l'alimentation électrique nécessite donc la mise en place la plus rapide possible de moyens complémentaires. Une concertation est en cours, vous ne l'ignorez pas, pour lancer un projet de centrale électrique à gaz.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, les élus se sont mobilisés et ont donné leur accord pour la construction d'une ligne de 225 000 volts. La procédure suit son cours.
Bien évidemment, le Gouvernement appelle les Français à modérer leur consommation entre 18 heures et 21 heures, pendant les pics de production hivernale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela recouvre des gestes très simples, comme éteindre la lumière dans les pièces inoccupées.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vous l'assure, mesdames, messieurs les sénateurs, éteindre la lumière dans une pièce inoccupée n'est pas un acte totalement insensé !
M. Jean-Marc Todeschini. Heureusement que vous nous le dites !
M. René-Pierre Signé. On le fait déjà !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je pense également à l'utilisation différée des appareils électroménagers et, surtout, au maintien d'une température de chauffage adaptée.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faites-le d'abord dans les bureaux des ministres !
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