Mme Odette Terrade attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur les moyens de fonctionnement de la caisse d'allocations familiales (CAF) du Val-de-Marne.
Alors que la crise économique, qui touche notre pays entraîne une augmentation des demandes d'allocations, que la prime de solidarité active de 200 euros promise aux 4 millions de travailleurs modestes dans le cadre du plan de relance doit être versée en avril, depuis le mois de janvier et la mise en place d'un nouveau système de déclaration de ressources entre la CAF et les services fiscaux, 7 000 allocataires du Val-de-Marne sont toujours confrontés à des difficultés de paiement de leur aide personnalisée au logement (APL) ou de leur allocation de logement
(AL).
A cela s'ajoute la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) au 1er juin dont la CAF estime à 80 000 le nombre de bénéficiaires potentiels, quand le département compte déjà 24 000 RMIstes. Tous ces surcroîts de travail amènent la direction de la caisse du Val-de-Marne à fermer ses accueils au public des CAF de Créteil, Champigny et Thiais pendant trois semaines dans le but de rattraper le retard de traitement des dossiers, retard évalué à 20 jours. Mais outre la pénalisation des allocataires en attente de leurs prestations, qu'en sera t-il des dossiers arrivés au cours de ces trois semaines de fermeture ?
Ce sont encore une fois, les populations en grandes difficultés qui sont les premières touchées par cette situation, et qui subissent de plein fouet les conséquences des politiques d'économies de la RGPP.
Si un certain nombre de retards peuvent s'expliquer par des facteurs conjoncturels, il semble que les causes essentielles de ces dysfonctionnements proviennent d'un manque de personnel. En effet, les conditions de travail des personnels des CAF se détériorent. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales montre que beaucoup de salariés sont à saturation, et expriment leurs inquiétudes en demandant des emplois supplémentaires, des salaires décents et la possibilité de travailler dans de meilleures conditions.
Au plan national, la suppression de 10 000 postes en deux ans a nettement dégradé les conditions de travail des agents et la qualité du service. En Val-de-Marne, les 109 personnes recrutées en remplacement des 89 départs en retraite ne suffisent pas à répondre à la gestion quotidienne et à l'accroissement des tâches.
Pour mettre fin au mécontentement légitime des allocataires et des salariés, elle lui demande quels moyens il compte mettre en œuvre, entermes de recrutements et de formation des personnels pour que la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne puisse résorber son retard et être en mesure de faire face à ses missions publiques, dans de bonnes conditions.
La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 519, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Mme Odette Terrade. Ma question s'adresse à notre ancienne collègue Valérie Létard et porte sur la situation des caisses d'allocations familiales et leurs moyens de fonctionnement pour remplir leurs missions de service public et de justice sociale auprès des usagers.
Depuis plusieurs mois, les allocataires subissent des retards inadmissibles dans le traitement de leurs dossiers entraînant souvent un paiement retardé des prestations dues, qui ajoute encore aux difficultés sociales quotidiennes que nombre d'entre eux rencontrent.
Plusieurs de mes collègues de différents départements ont déjà interpellé le Gouvernement sur ces retards de traitement des demandes de nos concitoyens.
La CAF de Rouen, par exemple, fréquentée quotidiennement par huit cents à neuf cents personnes, a dû fermer l'accueil du public un jour par semaine pour traiter ses dossiers en attente.
Dans le Val-de-Marne, pour tenter de résorber ses 230 000 dossiers en attente, la CAF a fermé ses guichets au public durant trois semaines, du 6 au 27 avril dernier.
En effet, à la situation déjà insatisfaisante, c'est-à-dire 136 000 pièces non traitées, soit un retard de deux mois, se sont ajoutés, en janvier, les ratés de la transmission automatique des ressources des familles par le biais des fichiers des impôts, engorgeant davantage encore, de façon dramatique, l'ensemble des services.
Aujourd'hui, l'accueil du public est partiellement remis en place avec une ouverture de trois jours sur cinq seulement. Cependant, il reste encore 110 000 dossiers en attente, ce qui équivaut à onze jours de retard, alors que, dans les prochains jours, la CAF du Val-de-Marne devra, à l'instar des autres CAF, faire face à la mise en œuvre du revenu de solidarité active, soit environ 80 000 dossiers pour le département, dont 50 000 demandes supplémentaires non encore connues de ses services.
Aussi, les files d'attente ne décroissent pas ; les conditions d'accueil sont déplorables pour les usagers, comme pour les personnels, dont certains se voient demander d'effectuer des heures supplémentaires chaque jour.
Nul doute que la suppression à l'échelon national de 10 000 postes en deux ans participe de cette situation et constitue, de mon point de vue, une limite évidente de la révision générale des politiques publiques, chère au Gouvernement, que l'on devrait plutôt appeler dans ce cas, « réduction » générale des politiques publiques.
Pourtant, dès octobre 2008, les personnels de la caisse nationale et leurs représentants syndicaux avaient alerté sur les dangers de la réorganisation imposée par leur direction et sur les effets que cette réorganisation ne manquerait pas d'avoir, dans ces conditions, sur la dégradation du service rendu aux familles et le travail des personnels. Ils dénonçaient, notamment, le manque d'effectifs récurrent depuis plusieurs années. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales confirme cette situation tendue, ajoutant que de nombreux salariés sont arrivés à saturation.
Dans un département comptant 325 000 allocataires, avec 8 000 dossiers nouveaux chaque jour, les 109 recrutements en remplacement des départs à la retraite et les 22 prévus pour la mise en place du RSA ne suffiront pas pour traiter les dossiers existants et faire face à l'accroissement des tâches imposées par les nouveaux dispositifs.
La législation étant complexe, avec plus de 15 000 textes réglementaires, les personnels recrutés doivent être formés pendant un an avant de pouvoir être en poste dans les services, ce qui est normal. Aujourd'hui, trente d'entre eux sont encore en formation et, sur les derniers recrutements, 79 sont réellement en activité, dont 15 depuis hier, lundi 25 mai.
Pourtant, l'organisme de tutelle des CAF affichait, pour 2007, 40 millions d'euros d'excédent budgétaire. Ce qui veut dire que les moyens existent pour répondre à la demande immédiate de moyens exceptionnels afin de faire face à la situation actuelle et pour doter les CAF des emplois pérennes nécessaires à une gestion moderne et efficace, respectueuse des allocataires et des personnels.
À la veille de la mise en place imminente du revenu de solidarité active, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre d'urgence pour que toutes les CAF, notamment celle du Val-de-Marne, puissent fonctionner correctement et rendre, dans de bonnes conditions, le service public que les usagers sont en droit d'en attendre ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame le sénateur, le Gouvernement suit avec beaucoup d'attention la situation des caisses d'allocations familiales.
Je tiens à saluer le travail tout à fait exceptionnel accompli par les agents qui participent à l'amélioration de ce service public. Au premier trimestre de 2009, 81 % des personnes étaient accueillies en moins de vingt minutes et 92,5 % des demandes de minima sociaux ont été traitées en moins de dix jours. Il convient de souligner cette performance tout à fait valorisante.
Il est vrai que la charge d'activité des CAF a connu une hausse sensible à la fin de l'année 2008. Celle-ci est due à la mise en place des mesures de solidarité décidées par le Président de la République, au premier rang desquelles figure la création du RSA, ainsi qu'à la réforme de la déclaration de ressources mise en œuvre en 2008.
Il faut se réjouir que ces politiques publiques, notamment l'instauration du RSA, se mettent en œuvre puisqu'elles représentent un effort sans précédent pour faire sortir près d'un million de personnes de la pauvreté. Bien entendu, les CAF doivent disposer des moyens nécessaires. C'est pourquoi la CNAF a reçu, en décembre 2008, l'autorisation de procéder à 1 007 embauches. De plus, 614 emplois supplémentaires seront pourvus par les redéploiements internes autorisés par les gains de productivité réalisés au sein de la branche famille.
Par ailleurs, il a été décidé dans la convention d'objectifs et de gestion pour 2009-2012, signée le 9 avril dernier entre l'État et la caisse nationale des allocations familiales, que la branche famille pourrait bénéficier de 250 emplois supplémentaires dès avril 2009. Ces créations de postes s'ajouteront aux 1621 emplois déjà accordés au titre du RSA.
Pour être pragmatique, le Gouvernement a demandé à la CNAF de réaliser une cartographie des points de tensions perceptibles parmi les 123 CAF réparties sur l'ensemble du territoire. Un rendez-vous est fixé dans les semaines suivant le mois de juin, c'est-à-dire avant la rentrée, pour valider les conditions de mise en œuvre du RSA et, éventuellement, accorder des moyens supplémentaires aux CAF les plus en difficulté.
En ce qui concerne précisément la CAF du Val-de-Marne, certains de ces processus de traitement des demandes des allocataires ont été réadaptés. Je vous confirme, madame le sénateur, qu'une prime exceptionnelle de solidarité active de 200 euros a été versée à 80 000 foyers du Val-de-Marne le 6 avril dernier.
Je vous informe aussi qu'au premier trimestre 2009 la CAF du Val-de-Marne a continué de traiter 99 % des demandes de minima sociaux en moins de dix jours et qu'elle est parvenue, fin avril, à réduire de plus de moitié son stock de dossiers en instance. Ainsi, la CAF de votre département et l'ensemble des 122 autres CAF seront en mesure de remplir leur mission.
En tout cas, le Gouvernement veille à ce que ces nouvelles prestations puissent être versées dans de bonnes conditions et que les CAF disposent des moyens humains et technologiques pour faire face à ces missions sociales.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. J'aurais pu également évoquer la situation des CAF des départements d'outre-mer puisque celle-ci a été abordée à chacune des auditions que nous avons effectuées dans le cadre de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, qu'il s'agisse de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane.
Vouloir toujours faire plus avec moins de moyens présente des limites, comme le révèle la situation des CAF. Le travail de ces agents est très spécialisé et nécessite une très grande expertise en raison de la complexité de la législation. La polyvalence imposée actuellement à ses agents ne permet pas de palier le manque d'effectif.
Au-delà des retards accumulés, les employés et leurs syndicats soulignent les risques d'engorgement et de blocage de l'institution à la suite de la mise en place du RSA. J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'État, le rendez-vous prévu mi-juin sur les modalités d'application, mais l'ensemble des partenaires appelle à un recrutement massif de façon urgente pour que le service public puisse fonctionner. Il est indispensable de les entendre.
Refuser de donner les moyens nécessaires reviendrait à organiser volontairement la faillite de ce service public pourtant indispensable à nos concitoyens.
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