Mme Maryvonne Blondin interroge M. le ministre de la défense sur la protection des navires français, et notamment des thoniers finistériens, contre la piraterie autour de la Corne de l'Afrique.
Le golfe d'Aden représente le deuxième axe de transport maritime au monde avec un flux de 16 000 navires par an. La zone est quotidiennement empruntée par des navires marchands et des navires du programme alimentaire mondial (PAM), mais aussi par des plaisanciers et de nombreux thoniers : les quatre cinquièmes de la production de la pêche au thon tropical proviennent ainsi de l'océan Indien. Or, selon le bureau maritime international (BIM), les actes de piraterie ont doublé entre 2007 et 2008. La France a été durement touchée, avec, entre autres, l'attaque du trois-mâts le Ponant, du voilier le Carré d'As, du thonier finistérien le Drennec et tout dernièrement du voilier le Tanit.
Face à cette recrudescence des actes de piraterie, la communauté européenne a réagi, à travers notamment le lancement de l'opération Atalanta prévue jusque décembre 2009.
Si la priorité d'une telle action est évidemment de protéger en premier lieu les bateaux du Programme alimentaire mondial, elle souhaiterait connaître les mesures qui seront prises par la France afin d'assurer la protection de l'ensemble des navires vulnérables, étant entendu que le succès de ces opérations, tant dans le cadre d'Atalanta que de la marine française, dépendra des ressources militaires qui seront mises à leur disposition.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le secrétaire d'État, le golfe d'Aden est le deuxième axe de transport maritime au monde avec un flux de 16 000 navires par an. C'est notamment 30 % du pétrole brut mondial qui transite à cet endroit. Cette route maritime, passant par le canal de Suez, est donc capitale pour le commerce international.
Les coûts de transport de fret, déjà fortement compressés par une concurrence qui conduit souvent à faire de la sécurité des navires une variable d'ajustement, sont affectés par le développement de la piraterie en mer.
L'économie de la pêche est touchée. Je rappelle à cet égard que les quatre cinquièmes de la production de thon tropical proviennent de l'océan Indien.
L'enjeu est aussi humanitaire, car cette zone est empruntée par les navires du PAM, le programme alimentaire mondial, qui sont mis en difficulté pour ravitailler les Somaliens.
Les actes de piraterie ont doublé entre 2007 et 2008. La France a été durement touchée, la Bretagne en particulier.
Face à cette recrudescence, l'Union européenne a réagi, à travers le lancement de l'opération Atalanta, prévue jusqu'à décembre 2009.
Cette opération permet de protéger les navires marchands ou ceux qui sont affrétés par le programme alimentaire mondial. Elle a également vocation, en tant que réponse militaire, à créer un contexte de dissuasion.
Le bilan dressé par le contre-amiral Philip Jones, le 13 mai dernier à Bruxelles, souligne les évolutions positives que cette opération a entraînées : l'escorte systématique des navires du PAM, l'encouragement des compagnies maritimes à organiser des navigations groupées, mais aussi la capture de cinquante-deux pirates, ainsi que l'interception de plusieurs navires « mères » qui servaient de base logistique.
Ces mesures participent aussi à démontrer que la navigation sous l'égide d'un pavillon européen est synonyme d'atouts, et non de contraintes, comme peuvent le laisser entendre les nombreux armateurs qui font le choix d'immatriculations complaisantes.
La coopération entre le Kenya et l'Union européenne en témoigne, car elle a permis de créer un appareil juridique qui autorise la poursuite et l'emprisonnement des pirates sévissant dans le golfe d'Aden.
On peut cependant craindre que le déploiement militaire européen n'ait qu'un effet limité ou ponctuel sur le phénomène, car il nous faut rappeler l'état d'extrême pauvreté dans lequel se trouve la population somalienne.
Il convient donc, certes, de s'attaquer aux causes profondes de la piraterie, mais aussi combattre la misère.
Le retrait total de l'État somalien dans l'exercice de ses missions régaliennes fait de ces côtes un terrain propice au développement des organisations mafieuses.
Cette situation favorise le passage d'une piraterie spontanée à une piraterie organisée où la sophistication croissante des moyens employés nécessite une réponse, elle aussi, de plus en plus sophistiquée.
Les pirates sont ainsi dotés d'une logistique pilotée de l'intérieur des terres somaliennes et utilisent également des bases extraterritoriales qui rendent d'autant plus difficile leur identification.
Cette dilution et ce développement laissent craindre une progression exponentielle du phénomène si la réponse n'est pas rapide et adaptée.
La priorité de l'opération militaire est en premier lieu aujourd'hui de protéger les bateaux du PAM et de la flotte de pêche, mais je souhaiterais connaître les mesures qui seront prises par la France afin d'assurer à plus long terme la protection de l'ensemble des navires vulnérables, étant entendu que le succès de ces opérations, tant dans le cadre d'Atalanta que de la marine française, dépendra des ressources militaires qui seront mises à leur disposition, y compris de la possibilité de mobiliser des unités telles que le GIGN, dépendant certes maintenant du ministère de l'intérieur, mais toujours militaire et spécialement formé à la prise d'otages.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Madame le sénateur, j'étais présent, pour représenter le gouvernement français, à la réunion du 13 mai dernier à Bruxelles à laquelle vous faisiez allusion et au cours de laquelle un bilan essentiellement positif a été fait de l'opération Atalanta.
Cette opération permet aujourd'hui d'assurer la sécurité d'environ la moitié du trafic maritime dans le golfe. C'est dire qu'il reste du travail, mais les résultats sont tout de même positifs.
À l'exception d'un cas, l'ensemble des navires ayant demandé la protection d'Atalanta et ayant respecté ses instructions de navigation a ainsi transité dans le golfe d'Aden sans être saisi par les pirates.
L'ensemble des navires du programme alimentaire mondial protégé par Atalanta a transité sans encombre. Il est intéressant de le relever, car le problème des navires du PAM a été, je m'en souviens pour m'être occupé du dossier en son temps, un des points de départ de la mobilisation
S'agissant des navires de pêche, des armements français et espagnols opèrent actuellement en océan Indien et sont effectivement exposés à la piraterie au large des côtes somaliennes.
Leur protection est une tâche délicate compte tenu des dimensions de la zone concernée, quatre ou cinq fois la superficie de la France ; du nombre de navires de pêche à protéger, de l'ordre de dix-sept thoniers français, un thonier italien et une trentaine de thoniers espagnols ; de l'audace dont font preuve les pirates en opérant parfois à plus de 800 kilomètres de leurs côtes.
Dans ce contexte, vous avez raison, madame la sénatrice, de souligner l'importance de la démarche militaire.
Pour rappel, la force aéronavale Atalanta est actuellement constituée de treize bâtiments, dont trois bâtiments français, et de trois avions de patrouille maritime, dont un français. On trouve également dans la zone une force navale de six bâtiments sous commandement américain, et des navires russes, chinois, indien, japonais et malaisien.
Pour la saison des pêches, le dispositif de sécurité a été renforcé.
Sur le plan européen – nous Français, nous inscrivons effectivement toujours dans une démarche européenne –, le dispositif renforcé repose sur une combinaison de moyens militaires placés sous l'autorité d'Atalanta : navires, avions de patrouille maritime et, éventuellement, moyens satellitaires. La zone d'opération d'Atalanta a également été élargie pour englober la zone des Seychelles, dans laquelle les problèmes commencent à s'intensifier.
En parallèle, un dispositif d'information des pêcheurs a été mis en place.
Sur le plan national, M. le Premier ministre vient d'autoriser, à titre exceptionnel et de manière ponctuelle, la protection par les armées des thoniers français dans l'océan Indien. Les modalités juridiques, financières, opérationnelles de mise en œuvre de cette décision sont en cours de définition entre nos services du ministère de la défense et les armateurs concernés.
Les échanges avec la profession doivent naturellement se poursuivre pour partager et analyser le retour d'expérience opérationnel et pour améliorer les mesures de défense active et passive.
La France comme l'Espagne sont évidemment très sensibilisées sur ce sujet et le resteront. Ces deux pays, comme d'ailleurs d'autres États de l'Union européenne, y consacrent des moyens importants.
L'opération européenne est un succès : nous sommes donc favorables à sa prolongation après 2009.
Toutefois, comme vous l'avez très bien souligné dans votre intervention, madame la sénatrice, cette opération n'a pas la prétention de mettre fin, à elle seule, aux actes de piraterie dans un espace aussi vaste.
Vos propos sur la situation en Somalie, notamment sur un plan militaire, sont également très justes. Avec nos partenaires européens et d'autres pays alliés, nous nous mobilisons fortement pour éviter que la situation sécuritaire, en particulier celle de l'actuel gouvernement somalien, ne tourne au drame.
Certes, les points que vous avez soulignés au sujet du développement sont exacts. Mais convenons qu'aucune perspective de développement ne sera crédible ou possible dans ce pays tant qu'il ne connaîtra pas un minimum de paix et de sécurité.
Finalement, tout cela est lié ! Nous avons conscience que la lutte contre la piraterie, pour qu'elle soit efficace et produise des effets durables, passe aussi par la stabilité et le retour au développement. Sur ce point, effectivement, la partie n'est pas gagnée en Somalie…
Néanmoins, nous faisons de notre mieux, notamment en étant présents aux côtés de nos navires de pêche.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Étant bretonne et, donc, proche de tous ces bateaux qui prennent la mer, parfois au risque de leur sécurité, je suis particulièrement sensible à ce problème. Mais je suis également membre de la délégation française à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, et, à ce titre, je connais la mobilisation de tous nos collègues européens sur le sujet.
J'espère que la France pourra continuer à apporter son soutien à cette opération.
Mais mon interrogation portait plus précisément sur l'assaut qui a été donné à bord du voilier le Tanit. J'estime que le recours à des troupes de la gendarmerie, certes, mais à des troupes particulièrement entraînées à la prise d'otages aurait peut-être pu permettre d'éviter le drame malheureux auquel cet assaut a abouti.
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