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Nicole Borvo Cohen-Seat
Question orale sans débat N° 535 au Secrétariat d'État de l'aménagement du territoire


Débat national préalable à toute réforme de la psychiatrie

Question soumise le 23 avril 2009

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le projet de réforme de la psychiatrie.

Alors que le projet de loi « hôpital, patient, santé, territoire » pose déjà des problèmes très sérieux en matière de réponse publique de santé, un deuxième texte doit s'y adosser, avec pour objet une réforme de la psychiatrie.

Cette réforme devrait notamment faire suite aux recommandations du rapport de la commission chargée de la réflexion sur les missions et l'organisation des soins en psychiatrie et en santé mentale, présidée par Edouard Couty, rapport rendu public le 29 janvier 2009.

Ces recommandations font l'objet d'une opposition résolue de la part de l'ensemble des acteurs de la psychiatrie et parmi eux de très nombreux psychiatres. Ils craignent d'une part que, derrière la volonté contraire affichée, se cache en réalité la disparition de la psychiatrie de secteur dans sa double dimension de proximité et de continuité des soins.

Ils refusent, d'autre part, toute instrumentalisation de leurs missions à des fins sécuritaires et s'opposent à toute disposition leur paraissant dangereuse pour les patients, les libertés et les soins, notamment celle envisagée pour les hospitalisations sous contrainte.

Elle souhaite connaître les suites qu'elle entend donner à la demande des psychiatres et des professionnels de la psychiatrie qui veulent un grand débat national préalable à toute législation ou réglementation.

Réponse émise le 10 juin 2009

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, il s'agit encore d'une question posée à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Le Président de la République, qui s'occupe de chaque chose, a annoncé, le 2 décembre dernier, après le meurtre d'un jeune par un malade ayant fugué de l'hôpital de Saint-Égrève, une réforme de la psychiatrie.

Je dois dire qu'il me paraît très imprudent de réformer la psychiatrie sous la pression de l'émotion, sans les professionnels. Il faut une réflexion en profondeur.

Madame Bachelot-Narquin a d'ailleurs constaté que le rapport Couty suscitait à cette occasion de larges débats et que son contenu était contesté. Il faut, a-t-elle dit, respecter les libertés individuelles.

C'est précisément une raison essentielle d'entendre les inquiétudes des professionnels, qui sont très nombreux à être mobilisés, car ils craignent que leur discipline ne soit instrumentalisée à des fins sécuritaires bien éloignées du soin qui est l'objet de la psychiatrie.

Qu'a promis le Président de la République ? Je cite pêle-mêle : des chambres d'isolement, des unités pour malades difficiles, des bracelets électroniques, une réforme de l'hospitalisation d'office, une obligation de soins...

Quid des questions concernant directement notre système public hospitalier, telle que celle de l'embauche de personnels soignants en nombre suffisant pour assurer dans de bonnes conditions la prise en charge des malades ? Rien !

C'est, hélas, dans la logique des nombreuses lois votées depuis 2002 dans cet hémicycle même : des lois qui stigmatisent les malades mentaux, aux côtés des pauvres et des étrangers ; des lois qui assimilent maladie mentale et délinquance ; des lois qui préconisent la mise à l'écart, l'enfermement, y compris à vie, avec la rétention de sûreté ; bref, des lois qui autorisent à se fonder sur le concept flou de dangerosité pour écarter diverses catégories de personnes de la société.

Mme Bachelot-Narquin nous a indiqué que la sectorisation ne serait pas mise en cause. Dont acte ! Cependant, du fait notamment du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, je crains dans la réalité une dissociation entre l'hospitalisation et l'extra-hospitalier, ce qui remettrait en cause la continuité des soins avant, pendant et après l'hospitalisation.

Pour toutes ces raisons, il serait sage d'entendre les professionnels, qui, comme je l'ai dit, se sont largement mobilisés et demandent un moratoire d'au moins un an avant toute réforme avec, comme certains le proposent, la réunion d'états généraux permettant un grand débat public.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de me donner la réponse de Mme Bachelot-Narquin.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame le sénateur, je ne vois pour ma part rien de choquant à ce que le Président de la République s'occupe de la vie des Françaises et des Français et, en l'espèce, d'un de ses aspects essentiel, la santé.

Ensuite, il est normal qu'un débat s'instaure. À l'Assemblée nationale comme au Sénat, vous l'avez constaté lors de l'examen du projet de loi HPST, chacun peut dans le cadre de ce débat dialoguer, discuter avec le ministre en charge et faire évoluer un texte.

Cela étant dit, je vous prie, madame le sénateur, de bien vouloir excuser l'absence de Mme Bachelot-Narquin, qui est retenue et qui m'a chargé de vous répondre sur cette importante question qu'est la réforme de la psychiatrie.

La question de la santé mentale en France a connu des évolutions importantes au cours de ces dernières années, en particulier sous l'impulsion du plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008, dont les schémas régionaux d'organisation des soins de troisième génération sont une traduction concrète.

Le financement de 476 millions d'euros organisé par le plan pour la période 2005-2008 a eu une incidence significative sur l'organisation des soins en psychiatrie.

Les réorganisations engagées par ce secteur en faveur des modes de prises en charge ambulatoires et à temps partiel ont été confortées par l'allocation de plus de 50 millions d'euros, issus principalement des crédits du plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008, ce qui a permis, comme cela ne vous a pas échappé, madame le sénateur, la création d'environ 1500 postes supplémentaires pour ces activités.

Les réponses aux demandes de soins se sont spécialisées en fonction des pathologies, de l'âge et des situations cliniques des patients, constituant une offre graduée de soins en psychiatrie.

Dans le champ de la psychiatrie infanto-juvénile, ce mouvement est très net et a conduit à la constitution, dans la majorité des régions, d'unités spécifiques de prise en charge des adolescents, unités que les élus locaux connaissent bien pour avoir assisté à leur mise en place dans nos territoires.

Parallèlement à ces actions, l'organisation des soins en psychiatrie a fait l'objet, au cours des derniers mois, de nombreuses et riches réflexions, dont le rapport d'Édouard Couty relatif aux missions et à l'organisation des soins en psychiatrie, que vous avez cité, a représenté une étape majeure.

Ces réflexions, madame le sénateur, se poursuivent, dans le cadre du vaste dialogue qui, comme vous le souhaitez, a été engagé ; elles permettront de définir le cadre de la politique de santé mentale pour les années à venir.

Par ailleurs, la question de l'hospitalisation sans consentement demeure une priorité de santé publique.

Le Président de la République a annoncé au mois de décembre 2008 une réforme sanitaire des procédures de l'hospitalisation d'office. Il a confié au ministère de la santé et des sports la préparation d'un projet de loi réformant la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.

Pour l'élaboration de ce projet de loi, la ministre de la santé et des sports va procéder, comme il se doit, à une large concertation.

Le projet de loi sera ensuite discuté dans cet hémicycle et vous aurez l'occasion, madame le sénateur, d'apporter, là encore, votre pierre à l'édifice.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État. Vous n'avez pas répondu précisément à la question, mais vous me dites que Mme Bachelot-Narquin procède à de larges consultations.

D'abord, je n'ai pas l'impression que ce soit l'avis de l'ensemble des professionnels.

Ensuite, nous sommes pour notre part toujours très dubitatifs quant aux déclarations de ce Gouvernement qui « casse » les services publics essentiels et met en œuvre une logique entrepreneuriale des politiques publiques, comme nous l'avons vu avec le projet de loi HPST, ou une logique sécuritaire, ce qui justifie nos inquiétudes en ce qui concerne la psychiatrie.

Je prends toutefois acte de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État ; vous ne m'en direz sans doute pas davantage, mais je crois que l'invitation à se donner du temps et à ne pas céder à la pression du Président de la République pour s'empresser d'accroître l'enfermement psychiatrique mériterait d'être entendue.

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