Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation des industries graphiques et papetières dont les difficultés ne font que s'aggraver. Elle s'inquiète tout particulièrement de l'avenir de l'entreprise MAME située à Tours. Elle constate que malgré de multiples colloques qui ont évoqué cette situation, aucune décision sérieuse n'a été prise pour ce secteur.
Elle lui demande si la charte en cours d'élaboration avec son ministère va rapidement voir le jour et offrir des réponses. Elle lui demande quelles mesures concrètes elle compte prendre, en matière de projet industriel, de politique de l'emploi et de formation professionnelle, pour revitaliser ce secteur.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 580, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Marie-France Beaufils. Vous le savez, monsieur le ministre chargé de l'industrie, le Gouvernement a désigné la filière du papier et des industries graphiques parmi les huit filières prioritaires de notre industrie.
La filière papetière française joue un rôle déterminant dans le développement de la forêt et de la filière bois. Elle participe à l'aménagement du territoire et contribue, pour une part, à la protection de l'environnement. Elle doit donc être considérée comme un secteur stratégique pour notre industrie.
Quant à la filière graphique, elle est l'un des supports indispensables à la culture, à l'information et à la communication, contribuant ainsi au développement non seulement démocratique, mais également économique de notre pays.
Des délocalisations se poursuivent actuellement non seulement vers l'Asie, mais aussi à l'intérieur de l'Europe, y compris parfois avec des financements européens, ce qui montre le manque de cohérence en la matière. Aujourd'hui, les carnets de commande sont en baisse constante.
Pour soutenir ces secteurs, des aides publiques sont prévues au titre du soutien à l'activité industrielle. Mais ce serait une bonne décision si les salariés eux-mêmes n'étaient pas oubliés de ces plans !
Dans de nombreuses entreprises, notamment dans l'entreprise Mame située à Tours, l'emploi est en cause, alors que, malheureusement, la charge de travail par salarié augmente sans cesse. Il n'y a toujours pas d'accord signé sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, alors que la loi en fait une obligation. Cette opacité alimente bien évidemment l'inquiétude des salariés pour leur avenir.
Comme le proposent les salariés, des solutions immédiates sont possibles, en mettant en place un plan de formation sécurité-emploi, en poursuivant la modernisation de l'outil de production, avec l'impression numérique, en développant la recherche en partenariat avec l'université de Tours. Ces propositions sont à mettre en synergie avec un vaste plan de maintien et de développement industriel en Touraine et sur l'ensemble de notre territoire.
Votre intérêt pour cette filière ne se matérialise que par des mesures d'exonération, qui ont jusqu'à ce jour fait preuve de leur totale inefficacité, comme le reconnaît d'ailleurs la Cour des comptes.
En effet, des exonérations sociales, de taxes ou d'aides financières directes sont attribuées sans exiger des entreprises une quelconque contrepartie sur l'emploi des salariés concernés. Je souhaiterais que de tels critères soient inscrits clairement dans les textes. Soumettre les différentes aides à des exigences en matière d'investissement industriel, de recherche et d'innovation serait de nature à favoriser l'emploi, la qualification des personnels et le développement durable. Il y a nécessité d'insuffler de nouveaux choix de stratégies industrielles. Un moratoire sur tous les licenciements en cours et prévus serait, me semble-t-il, la première décision urgente à prendre.
Une charte est en cours de rédaction. Où en est-on ? Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour enrayer le déclin des industries graphiques et papetières, qui ont été pendant longtemps l'un des fleurons de notre industrie ?
Le président de la Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et celluloses estime, dans son rapport annuel 2008 intitulé « Rapport développement durable », que, « pour permettre à l'industrie papetière française de valoriser ses atouts et de retrouver les conditions de son développement, au-delà d'un plan de soutien à court terme indispensable à la survie des secteurs les plus exposés, une véritable réflexion doit être menée afin de définir une politique papetière industrielle nationale dans un contexte européen et mondial. Cette politique devrait réaffirmer la volonté des pouvoirs publics de maintenir en France notre industrie indispensable au développement de l'économie nationale. »
Je fais miennes ces conclusions et vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures vous allez prendre pour sortir ces deux secteurs du marasme dans lequel ils se trouvent.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention de Christine Lagarde sur la situation des industries graphiques et des industries papetières, notamment sur l'avenir de l'entreprise Mame située dans votre département.
Comme vous le savez, le secteur des industries graphiques a connu une érosion constante des volumes d'activité, des baisses de chiffre d'affaires et des prix et, par conséquence, une réduction du nombre des entreprises et des emplois.
Néanmoins, l'introduction des technologies numériques a permis l'ouverture de nouveaux marchés offrant des perspectives intéressantes pour les professions de ces filières.
Les industries papetières étant fortement concentrées et largement organisées autour de grands groupes, une nouvelle géographie mondiale du papier semble s'esquisser, dont les répercussions sur l'emploi se font sentir.
Cependant, ce secteur utilise des techniques performantes en constante évolution, employant de fait un personnel très qualifié.
De plus, les contraintes environnementales et les économies d'énergie incitent ces entreprises à développer de nouveaux produits et procédés de fabrication.
C'est à partir de ce double constat que les partenaires sociaux concernés, ainsi que les pouvoirs publics, se sont engagés dans un processus d'accompagnement collectif des entreprises graphiques et papetières, permettant le développement industriel des emplois et des qualifications en leur sein. Ce projet se traduira par une charte nationale de coopération, dont la finalisation est proche.
Sans attendre cette charte, les services du ministère de l'industrie ont mis en place depuis plusieurs années un certain nombre d'actions concrètes pour soutenir la compétitivité des entreprises dans ce secteur. Ils ont notamment participé à la réalisation d'un recueil des attentes et des besoins des acheteurs, d'imprimés à l'accompagnement à l'exportation d'imprimerie et à la réalisation de fiches métier. D'autres actions sont d'ores et déjà programmées, tel un projet d'actions collectives nationales sur le thème du développement durable en faveur d'une quinzaine d'imprimeurs.
Madame la sénatrice, vous avez enfin attiré l'attention du Gouvernement sur la situation de l'imprimerie Mame, appartenant au groupe Laski comptant aujourd'hui 500 emplois salariés, localisée à Tours, et qui travaille sur le segment du livre et emploie 200 personnes.
Après avoir rencontré des difficultés dès 2006 à la suite de lourds investissements, cette entreprise avait obtenu plusieurs marchés, tels que la réalisation de livres religieux et d'ouvrages sur le thème du développement durable. Or elle connaît aujourd'hui, dans le contexte de la crise économique, une baisse de ses commandes de l'ordre de 20 %. Elle vient d'ouvrir un guichet pour favoriser le départ d'une vingtaine de ses salariés. Par ailleurs, l'entreprise Mame, de même qu'une autre entreprise du groupe Laski, Gibert Clarey Imprimeurs, devrait déménager d'ici à la fin 2010 à Joué-lès-Tours, avec le soutien financier de l'agglomération tourangelle, ce qui devrait lui permettre d'organiser sa production dans des locaux fonctionnels et adaptés.
Madame la sénatrice, soyez-en certaine, les services de mon ministère suivent cette entreprise sur le plan local et se montrent attentifs aux modalités de réduction des effectifs et, d'une manière plus générale, à l'évolution de l'emploi et des besoins en formation qui y sont importants du fait même de la nécessité de reconvertir les personnels dont les métiers vont changer.
Je puis enfin vous assurer que notre mobilisation en faveur du soutien et du développement des industries papetières et graphiques et de leurs emplois ne fléchit pas. Il s'agit d'un travail qui s'inscrit dans la durée et nécessite l'adhésion de tous autour d'une vision sectorielle partagée, afin de faciliter la concentration des moyens pour maintenir et développer l'emploi et les compétences dans les secteurs concernés, optimiser les investissements financiers et conforter le positionnement et le développement industriel des filières sur le plan régional, national et international.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, je suis bien évidemment informée de l'évolution du dossier, mais l'entreprise Mame a subi quelques aléas. C'est effectivement la communauté d'agglomération de Tours qui va racheter l'ensemble de l'unité actuelle de l'entreprise, afin de lui donner les moyens de se réinstaller dans de bonnes conditions.
Mon souci porte sur l'emploi des salariés. J'ai voulu, ce matin, relayer leur demande en termes de formation. En effet, des plans de formation seraient nécessaires pour leur redonner des perspectives d'avenir. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les qualifications nécessaires aux salariés de ces filières ont beaucoup changé. Or il n'y a absolument aucune prospective dans ce domaine.
Certes, une charte est en cours d'élaboration, mais, plus concrètement, ces salariés devraient pouvoir sortir de cette situation par le haut en suivant des formations leur permettant de s'adapter aux nouvelles évolutions technologiques. En effet, ils souhaitent rester dans cette filière, car ils y trouvent un intérêt certain. Il importe de leur ouvrir des perspectives d'avenir, de leur garantir une certaine sécurité en termes de formation et d'emploi, ce qui, parallèlement, assurerait aux entreprises concernées une production de qualité leur permettant d'obtenir des marchés importants, condition elle-même nécessaire pour assurer leur avenir.
Je vous remercie de vos éléments de réponse, monsieur le ministre, mais j'espère obtenir rapidement des données plus précises sur la date de conclusion et de signature de la charte.
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