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Claude Bérit-Débat
Question orale sans débat N° 586 au Secrétariat d'État à la défense


Privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs

Question soumise le 18 juin 2009

M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les conditions de la privatisation de la société nationale des poudres et explosifs (SNPE) et de ses filiales telles que prévues dans le cadre de la loi de programmation de la carte militaire 2009-2014.

La privatisation de cette société conduit à s'interroger, d'une part, quant à la préservation effective des intérêts militaires de la France. La recherche de partenariats industriels ne doit pas masquer la spécificité et l'intérêt stratégique que revêtent la SNPE et ses filiales pour la défense française. D'autre part, cette privatisation menace à terme grandement le maintien de l'activité industrielle sur le site de Bergerac. Alors qu'un plan de revitalisation du site a été annoncé, aucune mesure concrète n'a pourtant encore été proposée pour en étayer la teneur, laissant planer l'inquiétude pour les centaines de salariés concernés.

Il lui demande par conséquent de préciser les raisons stratégiques justifiant cette privatisation ainsi que les mesures effectivement arrêtées pour maintenir les emplois. Il l'interroge enfin plus globalement sur les raisons qui poussent son ministère à se séparer des sites et industries implantées en Dordogne.

Réponse émise le 8 juillet 2009

La parole est à Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 586, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Claude Bérit-Débat. Dans le cadre du projet de loi de programmation militaire, le ministère de la défense a décidé de privatiser la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE.

Cette décision, lourde de conséquences pour le département de la Dordogne, suscite de nombreuses interrogations auprès tant des salariés de la SNPE que des Périgourdins et de leurs élus.

Devant la gravité de la situation, Bernard Cazeau et moi-même avons décidé d'intervenir sur ce sujet, mon collègue lors de la discussion de la carte militaire dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation militaire, et moi-même à l'occasion de la présente question orale.

Je m'interroge, d'abord, monsieur le secrétaire d'État, quant à la pertinence stratégique d'une telle décision.

La privatisation que vous proposez est, en réalité, un véritable démantèlement de la SNPE. Vous vendez des filiales à la découpe, sans aucun souci de cohérence.

Si la SME, filiale qui fabrique des matériaux énergétiques, semble avoir trouvé acquéreur avec le groupe Safran, rien n'est encore acquis pour Eurenco et Bergerac Nitrocellulose, NC.

La privatisation envisagée ne va absolument pas dans le sens du développement de l'entreprise.

En outre, elle soulève d'importantes questions par rapport à nos intérêts stratégiques : faut-il rappeler que l'un des actionnaires de Safran est l'américain General Electric ?

Au-delà de ces interrogations, ce projet suscite des inquiétudes surtout en termes économiques et sociaux.

La SNPE représente près de quatre cents salariés, hommes et femmes, qui craignent pour leur emploi. Or le flou entourant le projet oblige à s'interroger sur le devenir de la SNPE et de ses filiales, notamment les moins rentables.

C'est le cas, par exemple, de Bergerac NC, qui emploie, à elle seule près de deux cents personnes. La privatisation programmée du groupe SNPE s'inscrit, malheureusement, dans un contexte d'abandon organisé de notre département par l'État.

Après la cessation des contrats entre l'armée et l'entreprise Marbot-Bata – je suis intervenu sur ce point dans cette enceinte –, après la fermeture programmée de l'Établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre, l'ESCAT, dans notre département, c'est maintenant le tour de la SNPE.

Devant ce mauvais coup porté à notre département, nous demandons à l'État d'assumer pleinement son rôle d'actionnaire principal en investissant et en modernisant l'entreprise, de mettre en œuvre très rapidement le plan, aujourd'hui au point mort, de revitalisation du site et de rechercher de vrais partenariats stratégiques.

Monsieur le secrétaire d'État, nous attendons du ministre de la défense et de vous-même des garanties afin non seulement de préserver les liens historiques entre l'armée et la Dordogne, mais aussi pour assurer la reconversion des salariés et le maintien de l'emploi. Il y va de l'avenir de notre territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, l'État est de longue date favorable à une consolidation des activités de la SNPE et de Safran dans le domaine de la propulsion solide.

Cette consolidation a pour objectif d'améliorer l'organisation industrielle de la filière et de maintenir au meilleur niveau des technologies critiques pour la France, notamment pour la propulsion des missiles balistiques de la force stratégique de dissuasion, étant observé que les deux groupes collaborent depuis longtemps dans ce domaine.

La réalisation de ce projet est conditionnée par la mise en place de dispositions législatives particulières, qui figurent à l'article 11 du projet de loi de programmation militaire pour la période 2009-2014, texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale et devant être examiné la semaine prochaine par le Sénat.

L'État, qui est également le premier actionnaire de Safran, prendra toutes les dispositions nécessaires, par le biais de conventions particulières et d'une action spécifique à instituer concernant les entités concernées, pour assurer la maîtrise des activités stratégiques de la SNPE, comme c'est d'ores et déjà le cas pour celles de Safran ou pour certaines filiales du groupe European Aeronautic Defence and Space company, EADS.

Le président-directeur général de la SNPE a pour mission de mener à bien ce projet de consolidation et, plus largement, de rechercher dans les meilleurs délais les solutions industrielles les mieux à même de pérenniser et, si possible, de développer les différentes activités, non seulement de la branche matériaux énergétiques portée par SME, mais aussi des deux autres branches – chimie fine et chimie de spécialités – du groupe SNPE.

Les réflexions en cours concernent en particulier deux filiales ayant des établissements implantés à Bergerac : d'une part, Bergerac NC, spécialisée dans la fabrication de nitrocellulose et l'exploitation de ses applications et, d'autre part, Eurenco, spécialisée dans les poudres et explosifs, dont SME est l'actionnaire majoritaire aux côtés du Suédois SAAB et du Finlandais Patria.

La situation économique de Bergerac NC, qui opère sur des marchés civils sans liens avec le ministère de la défense est préoccupante, dans un marché déprimé, marché dont le centre de gravité est désormais situé en Asie. Les efforts mis en œuvre par le groupe SNPE depuis plus de dix-huit mois pour restaurer les performances du site de Bergerac et la compétitivité de ses productions n'ont pas donné jusqu'à présent les résultats escomptés.

La société Eurenco est, depuis sa création, lourdement pénalisée par des pertes récurrentes. Son redressement est un des objectifs prioritaires du président de la SNPE. L'activité de l'établissement situé à Bergerac est désormais essentiellement concentrée sur les objets combustibles. Ses perspectives dépendent largement de la production des charges propulsives pour le canon Caesar de Nexter Systems, qui entre en service dans l'armée française et fait également l'objet d'un important contrat à l'exportation. Le ministère de la défense apporte un soutien actif au développement et à l'industrialisation de ces produits, qui représentent un marché important pour les prochaines années.

Le Gouvernement portera une attention toute particulière aux propositions qui seront faites par le nouveau président de la SNPE, en particulier pour la mise en place de partenariats pour ces d'activités qui connaissent des difficultés depuis plusieurs années, situation totalement indépendante de l'instauration du partenariat avec Safran dans la propulsion solide.

Monsieur le sénateur, il est prématuré, à ce stade, de préciser les conditions de mise en place de ces partenariats pour lesquels des discussions sont en cours. L'État veillera tout particulièrement à ce qu'ils offrent les meilleures perspectives pour les activités de la SNPE et, surtout, pour ses salariés.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse nous apporte des précisions, dont nous avions déjà connaissance.

Je tiens, pour ma part, à réaffirmer avec force que, à Bergerac, la SNPE emploie quatre cents salariés, des femmes et des hommes ancrés sur le territoire, où ils travaillent, vivent et font vivre leur famille.

La privatisation de la SNPE est un nouveau mauvais coup porté à notre territoire. Voilà quelques mois, l'ESCAT, spécialisée dans l'habillement des militaires de l'armée de terre, était condamné à disparaître. Marbot-Bata, sous-traitant presque exclusif de l'armée, a vu son carnet de commandes diminuer, ce qui va conduire l'entreprise à supprimer soixante-dix emplois.

Il importe, certes, d'améliorer les choses sur un plan stratégique. Safran est intéressé par SME, qui produit les matériaux nécessaires pour la fabrication de carburants destinés aux missiles balistiques, activité stratégique pour la France. Cette filiale, qui est un peu le fleuron du groupe, peut trouver preneur sans difficulté.

Mais qu'adviendra-t-il des autres filiales ?

Afin de préserver l'indépendance de la France en matière de défense, il importe d'empêcher Eurenco, spécialisé dans les poudres et explosifs, de s'ouvrir à des actionnaires étrangers susceptibles de prendre le contrôle de la société.

C'est surtout l'avenir de Bergerac NC – filiale spécialisée dans la fabrication de la nitrocellulose civile et employant deux cents personnes – qui suscite les plus grandes inquiétudes dans l'hypothèse où Safran reprendrait une partie du groupe.

L'État, actionnaire principal de la SNPE avec plus de 90 % du capital, doit prendre toutes ses responsabilités. Il ne doit pas hésiter à investir, à moderniser, afin de proposer des solutions à l'échelon national, autres qu'un démantèlement qui se traduira, à terme, par des licenciements – on l'a vu dans d'autres secteurs de notre économie – et par la découpe des actifs d'un groupe qui, rappelons-le, gagne de l'argent, sauf à ne garder que les activités les plus rentables et à délaisser les autres sans scrupules.

Je lance donc à nouveau un cri d'alarme, qui sera relayé par M. Bernard Cazeau, avec la même force, lors de l'examen de la loi de la discussion du projet de loi de programmation militaire.

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