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Roland Courteau
Question orale sans débat N° 605 au Ministère de l'industrie


Mesures temporaires contre les baisses excessives de prix dans le secteur de la viticulture

Question soumise le 6 août 2009

M. Roland Courteau expose à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi que l'article L. 410-2 du code de commerce stipule que « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence.Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence.».

Le même article précise que ces dispositions « ne font pas obstacle à ce que le Gouvernement arrête, par décret en Conseil d'État, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois.».

Or, il lui indique que dans le secteur des vins de table, vins de pays (VDT/VDP), les producteurs sont contraints de vendre à un prix inférieur au coût de production depuis maintenant plusieurs années. Ainsi, si les vignerons chiffraient leurs pertes à 1 000 € par hectare il y a déjà deux ans, force est de constater qu'une telle situation s'est encore aggravée.

Il lui précise qu'en dessous de 3 450 €/ha de recette, l'exploitant ne couvre pas ses charges (chiffre d'affaire retenu par les services fiscaux au niveau du bénéfice agricole), et que pour un rendement moyen VDT/VDP compris entre 80 et 90 hl/ha, le prix minimum de vente ne peut donc être inférieur à 3,35 € par degré-hectolitre. Ce qui est très loin d'être le cas.

Face à une situation jugée catastrophique par la profession il lui demande donc, si elle entend, sans délai, arrêter par décret des mesures temporaires contre les baisses excessives de prix dans le secteur de la viticulture.

Réponse émise le 23 septembre 2009

La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 605, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Roland Courteau. Si j'ai souhaité alerter Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation de la viticulture française, en particulier méridionale, plutôt que M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, c'est en raison des possibilités dont dispose Mme Christine Lagarde pour apporter aide et soutien à ce secteur. C'est également pour rappeler que la viticulture est essentielle à l'économie française – elle représente 14 % de la production agricole nationale et se place au deuxième rang de la production mondiale – et à la balance commerciale de notre pays, puisqu'elle occupe le premier poste des exportations agroalimentaires, soit l'équivalent de 500 TGV.

Quant aux recettes fiscales pour l'État français, elles ne sont pas négligeables. Elles représentent 3 milliards d'euros de TVA et 11 millions d'euros de contributions indirectes, selon les chiffres dont je dispose et qui, j'en conviens, sont approximatifs.

Enfin, on peut évaluer à environ 700 000 ou 800 000 le nombre d'emplois directs et indirects générés par le seul secteur de la viticulture française. C'est dire toute l'importance de ce secteur d'activité pour la France, son économie et ses emplois.

Or c'est un secteur qui souffre, et ce dans bien dans des régions, et plus encore dans certaines zones du Midi où les viticulteurs vivent un véritable drame humain et économique dans l'indifférence générale et avec le sentiment douloureux d'être quelque peu oubliés.

La crise n'en finit pas, elle dure depuis cinq longues années et frappe de plus en plus sévèrement.

À titre d'exemple, les pertes de revenus sont évaluées à 88 % dans l'Aude, à 78 % dans l'Hérault, et la situation n'est guère meilleure dans certains autres départements viticoles. Les pertes atteignent parfois 1 000 euros à l'hectare.

Récemment, une journaliste posait très justement la question suivante : qui accepterait aujourd'hui de travailler pour un revenu équivalent à celui de 1985 ?

Dès lors, pour survivre, se multiplient les arrachages, véritables crève-cœur. Ce sont des pans entiers de nos vignobles qui disparaissent. Désespérance, détresse sont des mots qui reviennent sans cesse à mon esprit. Prenons garde à ce que par leur ampleur elles ne se transforment demain en une aveugle colère.

Bref, une telle situation exige que soient prises en urgence toutes mesures susceptibles de faire renaître l'espoir. Je rappelle que, dans le Languedoc-Roussillon, la récolte de 2009 sera historiquement faible. Malgré la qualité remarquable de cette production, les viticulteurs ne pavoisent pas, car les cours ne remonteront pas pour autant, comme on l'a constaté depuis la précédente campagne.

J'aurai prochainement la possibilité de demander à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche la mise en œuvre de mesures à moyen terme pour assurer, alors qu'il est encore temps, la relance de ce secteur.

Pour l'heure, l'urgence commande de prendre, sans attendre, des mesures de soutien aux exploitations agricoles, avec un accompagnement pour celles qui traversent de graves difficultés de trésorerie, notamment des mesures financières, fiscales ou d'exonération de charges sociales.

Et, surtout, je souhaiterais savoir s'il est dans vos intentions, monsieur le ministre, de mettre en application certaines des dispositions prévues par l'article L. 410-2 du code de commerce, qui stipule : « Le Gouvernement arrête, par décret en Conseil d'État, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. »

Depuis plusieurs années, certains de nos vins subissent une baisse excessive des prix, puisque les producteurs vendent à un prix inférieur au coût de production.

Compte tenu de cette situation, je vous pose deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, quelles mesures comptez-vous prendre face à ce problème gravissime ?

Deuxièmement, comptez-vous mettre en œuvre des mesures temporaires face à la baisse excessive des prix, comme vous y autorise l'article L. 410-2 du code de commerce ?

La situation exige que le Gouvernement réagisse vite et fort.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, que vous avez interrogée au sujet des difficultés économiques que rencontre le secteur de la viticulture, notamment les producteurs des vins de table et de vins de pays du Midi de la France, plus particulièrement du Languedoc-Roussillon.

Vous estimez que cette situation, caractérisée par des baisses régulières et excessives de prix à la production, pourrait justifier que le Gouvernement intervienne pour réglementer les prix dans le secteur, ainsi que le prévoit l'article L. 410-2, alinéa 3, du code de commerce.

Par exception au principe de liberté des prix, cet article habilite le Gouvernement à intervenir temporairement pour remédier à des situations conjoncturelles de hausses ou de baisses excessives de prix, notamment en cas de crise, de circonstances exceptionnelles ou encore de situations manifestement anormales du marché dans un secteur déterminé.

Mais, si l'appréciation du caractère excessif des hausses ou des baisses des prix considérées est laissée au pouvoir discrétionnaire de l'administration, les mesures prises doivent être motivées par une conjoncture particulière, ce que vous n'avez pas rappelé, monsieur le sénateur.

Or les cours des vins publiés par FranceAgriMer, notamment pour les vins rouges et rosés sans indication géographique, se situent à des niveaux considérés comme insuffisants par les producteurs depuis plus de huit ans, exception faite de l'année 2003.

Ces cours se situent, sur sept récoltes, autour du prix minimal de rentabilité tel que vous l'avez estimé et, depuis 2005, en dessous de ce prix.

Ainsi, on ne peut pas estimer que ce secteur est en situation de crise conjoncturelle. Les difficultés qu'il rencontre sont plutôt de nature structurelle.

Par ailleurs, la viticulture ne subit pas actuellement les effets de circonstances exceptionnelles : calamité publique, crise d'approvisionnement en raison d'un événement national ou international ou de facteurs économiques caractérisant une situation manifestement anormale du marché

En tout état de cause, même si l'article L. 410-2, alinéa 3, du code de commerce avait trouvé à s'appliquer, sa mise en œuvre se serait très certainement révélée incompatible avec le droit communautaire de la concurrence : les produits viticoles étant soumis à une organisation commune de marché, l'OCM, toute possibilité pour un État membre de réglementer les prix au stade de la production est exclue.

En matière agricole, la Cour de justice a considéré que des produits soumis à une organisation commune des marchés ne peuvent faire l'objet de dispositions nationales prises unilatéralement et intervenant dans le mécanisme de la formation des prix au stade de la production-transformation et du commerce de gros tel qu'il résulte de l'organisation commune.

En revanche, l'OCM prévoit la possibilité de mettre en œuvre un certain nombre de mesures de soutien à la viticulture.

Après concertation avec les professionnels, la France a élaboré dans ce cadre un programme d'aide sur cinq ans, 2008-2013, dans lequel est prévu le recours à la distillation de crise.

Afin de résorber les stocks de vins rouges qui tirent les cours à la baisse, le conseil spécialisé pour la filière viticole de FranceAgriMer a décidé, en juin 2009, l'ouverture d'une distillation de crise pour les vins rouges.

Après accord de la Commission, les modalités en ont été publiées dans l'arrêté du 31 juillet 2009, qui prévoit la distillation de 600 000 hectolitres de vins de table et vins de pays rouge.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, en fait, vous refusez d'appliquer l'article L. 410-2 du code de commerce, niant d'une certaine manière l'ampleur des difficultés. Je me demande si les pouvoirs publics ont pris l'exacte mesure de la gravité de la crise qui frappe ce secteur.

J'ai dit tout à l'heure que nous avions le sentiment d'être oubliés, que nous étions en train de mourir dans l'indifférence générale. J'insiste, le monde viticole, en tout cas dans ma région, demande de pouvoir vivre dignement des fruits de son travail.

Aujourd'hui, à juste raison, les producteurs laitiers sont mécontents et le font savoir légitimement. Sachez, monsieur le ministre, que les viticulteurs risquent à leur tour d'agir très prochainement. Vous aurez été prévenu !

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