M. Claude Jeannerot attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la suppression de la carte scolaire.
Les collectivités supportent, depuis les lois de décentralisation confiant la compétence des collèges aux départements, le poids de l'investissement afin d'offrir à tous un cadre propice aux études, et de placer sur un pied d'égalité chaque élève de chaque établissement.
A ce titre, le département du Doubs a choisi d'endosser cette compétence avec ambition en décidant d'investir 495 M€, à l'horizon 2020, dans la rénovation de l'ensemble du parc des collèges (48 collèges). Parallèlement, il a mis en œuvre une politique éducative ambitieuse en complément de l'offre des établissements. La réalisation du plan pluriannuel d'investissement fait l'objet d'un travail commun avec le rectorat afin de pourvoir les établissements d'une offre éducative diversifiée et d'une mixité sociale équilibrée.
La suppression de la carte scolaire à la rentrée scolaire 2010 risque de fragiliser l'organisation territoriale des collèges. Cette disposition impacte également l'organisation du transport scolaire, et la pérennité de certains établissements.
Il lui demande donc quelles mesures l'État entend prendre pour maintenir une cohérence de répartition des élèves sur le territoire et quelles seront les nouvelles règles de gouvernance du flux des élèves. Si les parents ont la liberté d'inscrire leur enfant dans n'importe quel collège, il existe des contraintes à concilier : celle de la capacité d'accueil des établissements, même à jouer sur leur taux d'occupation, et la priorité des élèves les plus proches. Cette cohérence non assurée rendrait alors périlleux les investissements effectués par les collectivités. Il lui demande également quels sont les outils de régulation qu'il entend mettre en place pour garantir une réelle diversité et mixité sociales au sein des établissements scolaires sur l'ensemble du territoire français.
La parole est à M. Claude Jeannerot, auteur de la question n° 629, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les lois de décentralisation, qui ont confié l'investissement et le fonctionnement des collèges aux départements, les conseils généraux ont engagé une politique éducative volontaire et ambitieuse, plaçant l'élève au cœur de leur action. Monsieur le ministre, vous en montrez d'ailleurs l'exemple dans votre beau département du Rhône !
De même, le département que je préside, le Doubs, consacre 68 millions d'euros chaque année – 3 175 euros par an et par élève – pour offrir des conditions modernes d'enseignement, égales pour tous les collégiens. Ainsi propose-t-il un ambitieux programme pluriannuel d'investissement de rénovation de ses quarante-huit collèges d'un montant de 495 millions d'euros, la gratuité du transport scolaire de la maternelle au lycée, le transport individualisé pour les élèves handicapés, une aide à la restauration scolaire et l'accompagnement d'une offre pédagogique diversifiée.
L'objectif des départements, vous le savez, monsieur le ministre, est d'assurer une politique éducative de qualité et de proximité, de veiller à un équilibre des populations au sein des établissements et d'associer à la mise en œuvre de cette politique les problématiques du développement économique du territoire et de son aménagement harmonieux. Vous le savez aussi, au-delà de la réponse à un besoin démographique constaté, un collège contribue à l'attractivité d'un territoire.
Mais, en permettant le nomadisme des élèves, l'assouplissement de la carte scolaire mis en place à la rentrée 2007 pourrait indéniablement fragiliser le fonctionnement des établissements hypothéquant du même coup, les efforts d'aménagement du territoire fournis dans ce cadre par les conseils généraux.
La libéralisation de la carte scolaire risque de favoriser la ségrégation scolaire et de contrarier notre volonté de mixité sociale.
Sa suppression pure et simple à la rentrée 2010, telle que l'envisageait Xavier Darcos, ne ferait qu'accroître le phénomène d'évitement et menacerait ainsi la pérennité de certains établissements, qui se trouveraient alors engagés dans un mécanisme infernal, celui de la réduction des moyens éducatifs et pédagogiques accordés par l'État, réduction justifiée par la baisse des effectifs, elle-même consécutive à la fin de la sectorisation !
Si cela se produisait, tous les efforts engagés par les départements en faveur d'un maillage équilibré et équitable des collèges sur le territoire seraient réduits à néant.
Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner à l'assouplissement de la carte scolaire et selon quel calendrier ? Surtout, quelles dispositions comptez-vous mettre en œuvre pour répondre à trois enjeux majeurs, que vous partagez, j'en suis sûr : garantir une présence éducative de proximité, assurer le maintien d'une offre éducative et pédagogique de qualité, enfin, favoriser la mixité sociale, enjeu, pour nous, le plus important ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie à nouveau d'excuser Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, qui ne peut vous répondre ce matin puisqu'il est aux côtés du Président de la République pour présenter la réforme des lycées.
Créée en 1963, la carte scolaire a été un outil de régulation des flux dans un contexte d'explosion de la démographie scolaire. Quarante-cinq ans après, la France a profondément changé. Plus nombreuses sont les familles qui veulent choisir l'établissement de leur enfant, éventuellement hors du secteur.
En 2007, l'éducation nationale a engagé l'assouplissement de la carte scolaire en accordant aux familles une liberté de choix. Cet assouplissement s'est poursuivi en 2008 et en 2009.
Des critères de priorité très rigoureux ont été fixés, notamment pour favoriser la mixité au sein des établissements. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que la mixité sociale doit être un objectif partagé par tous les acteurs – État et collectivités territoriales. Les critères choisis offrent de la transparence.
Auparavant, les familles les moins informées, souvent les plus défavorisées, étaient pour ainsi dire « condamnées » à respecter la sectorisation scolaire, tandis que les familles culturellement mieux informées trouvaient des stratégies pour y échapper – on se souvenait soudain de la cousine, de la grand-mère ou de la grand-tante qui habitait au bon endroit !
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que l'éducation nationale a pris l'engagement de garantir le maintien des moyens dans des établissements susceptibles d'être moins fréquentés pour mieux accompagner les élèves et remettre les établissements dans une dynamique porteuse de réussite.
Ainsi, les établissements qui perdent des élèves voient leur dotation maintenue pendant trois ans, ce qui leur permet d'accroître leur taux d'encadrement, d'engager des projets innovants et, en fin de compte, d'obtenir des résultats qui vont les rendre à nouveau attractifs pour la population, et c'est bien ce que tout le monde recherche !
L'assouplissement de la carte scolaire ne signifie en aucun cas l'abandon des établissements qui perdent des élèves.
En 2008, 88 % des demandes de dérogation ont été satisfaites et 72 % l'ont été en 2009. Cette mesure rencontre une large adhésion des familles.
Je ne dispose pas de chiffres globaux, mais, dans mon département par exemple, il y a eu 1 700 demandes de dérogation pour 63 000 collégiens, ce qui est assez peu.
Là où la carte scolaire a été supprimée, comme à Paris, on constate que jamais autant d'élèves boursiers ne sont entrés dans des lycées prestigieux. Pour s'en tenir aux lycées proches du Sénat, à l'évidence, les chances pour un élève habitant un quartier lointain d'y être scolarisé seraient très minces avec une carte scolaire !
Luc Chatel a demandé une évaluation du dispositif. Cependant, s'il veut suivre de prêt sa mise en application, le Gouvernement ne reviendra pas sur cette mesure phare qui laisse le choix aux familles : le Gouvernement, monsieur le sénateur, a pris des engagements et il les tient, l'objectif étant d'assurer tant la réussite que la mixité sociale, gages d'avenir pour les élèves.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre engagement de ne pas abandonner les établissements qui verraient leurs effectifs diminuer pour cause de modification ou d'abandon de la carte scolaire.
Je retiens aussi l'engagement du Gouvernement d'être vigilant pour préserver la mixité sociale, qui, vous l'avez souligné, est un élément d'équilibre majeur dans nos territoires et, en effet, nous devons absolument veiller, comme l'ensemble des acteurs, à sa pleine réalisation.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, et, en ce qui me concerne, je serai attentif au maintien, dans les années qui viennent, de cet élément d'équilibre.
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