M. Serge Lagauche demande à M. le ministre de la culture et de la communication de préciser la politique envisagée en matière de numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Compte tenu de la nécessité d'améliorer l'offre légale dans les meilleurs délais et sur l'ensemble des supports de diffusion, il souhaite savoir si le Gouvernement consacrera les moyens nécessaires au développement d'un partenariat entre l'État et les partenaires privés, afin de mobiliser les fonds nécessaires à la numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Il souhaite que le ministre lui précise si le Gouvernement a conscience du caractère stratégique de ce projet pour l'avenir des filières culturelles et s'il compte inscrire cet objectif au titre des investissements financés au moyen du grand emprunt qui sera prochainement lancé.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la question n° 650, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'ensemble des moyens de diffusion, qu'il s'agisse des salles de cinéma, de la télévision ou d'internet, entrent dans l'ère de la numérisation. Ce fait entraîne une très forte croissance du nombre d'œuvres et soulève donc la question de leur conservation et de leur accès par le public le plus large.
Plus d'un siècle après la naissance de la pellicule cinématographique et à l'heure du numérique, les cinémathèques du monde entier se trouvent aujourd'hui à un tournant crucial et inéluctable. Les défis en termes de formation, de diffusion et de conservation liés à cette nouvelle technologie s'annoncent considérables.
Par ailleurs, nous le savons, la lutte contre le piratage des œuvres cinématographiques et audiovisuelles ne pourra produire ses effets à l'égard des professionnels de la culture que si, parallèlement, l'offre légale de ces œuvres se développe dans de bonnes conditions, notamment en termes de qualité, de coût et d'accessibilité. C'est d'ailleurs dans cet esprit que le Sénat a adopté les deux lois dites « HADOPI 1 » et « HADOPI 2 ».
Grâce à son héritage culturel, à la qualité des nombreux professionnels agissant dans ces secteurs et à la vigueur de la politique publique conduite sans faille depuis des décennies, notre pays dispose d'un patrimoine très riche d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Il appartient aux pouvoirs publics de veiller à ce qu'il fasse l'objet d'un plan de numérisation à la hauteur des enjeux.
M. le ministre de la culture et de la communication connaît les inquiétudes de notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication dans ces domaines. Nous avons évoqué la semaine dernière avec lui le dossier essentiel de la numérisation du livre et de l'imprimé. Je souhaite aujourd'hui attirer l'attention du Gouvernement sur l'importance, tout aussi cruciale, de la numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Je pense aux œuvres patrimoniales, mais aussi, bien entendu, à la production récente.
Dans ce domaine, un soutien public semble nécessaire, si l'on veut que le plan de numérisation se déroule sur une durée qui ne soit pas trop longue. Sur cinq ans, le coût global d'un tel plan est évalué à 35 millions d'euros.
Dans ces conditions, pouvez-vous m'assurer, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement consacrera les moyens adéquats au développement d'un partenariat entre l'État et les partenaires privés, afin de mobiliser les fonds nécessaires à un tel plan de numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles ?
Ce projet étant stratégique pour l'avenir de l'ensemble des filières culturelles concernées, pouvez-vous me préciser si le Gouvernement compte inscrire cet objectif au titre des investissements financés au moyen du grand emprunt qui sera prochainement lancé, et, dans l'affirmative, quel est le niveau de l'engagement financier envisagé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Mitterrand, qui m'a demandé de répondre à sa place à votre question relative à la numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
À l'heure où les enjeux culturels, désormais reconnus comme stratégiques à l'échelon mondial, sont confrontés à la numérisation de la diffusion, la question que vous posez – les voies et moyens de la présence des œuvres françaises sur les réseaux de diffusion numérique, dans un double objectif économique et culturel – est fondamentale.
Cette ambition concerne non seulement la création contemporaine, mais aussi le patrimoine exceptionnel de la France en la matière.
Pour ce qui concerne le cinéma, le basculement vers le numérique du parc français des salles cinématographiques oblige à la numérisation de la production selon des normes de diffusion adaptées.
L'industrie audiovisuelle, quant à elle, doit répondre aux évolutions des marchés qui partout dans le monde doivent satisfaire à la demande croissante de programmes numérisés, notamment depuis le développement de la télévision numérique terrestre, ou TNT.
Enfin, sur les réseaux internet, les besoins d'images, sans cesse croissants, requièrent une offre attractive et abondante pour assurer une présence culturelle forte sur ce média de masse.
Au moment où se manifestent les intérêts privés commerciaux d'entreprises multinationales pour la numérisation massive de l'ensemble des biens culturels, il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'apporter sans tarder une réponse adaptée dans les domaines du cinéma et de l'audiovisuel, pour favoriser une offre légale riche et de qualité sur tous les réseaux.
Pour réussir à affirmer la présence de notre création sur les nouveaux réseaux, le ministre de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, a donc proposé un vaste plan de numérisation dans le cadre du grand emprunt, afin d'accompagner les opérateurs privés dans ce chantier stratégique.
Ce plan doit être suffisamment attractif pour mobiliser massivement les détenteurs privés des catalogues – producteurs, éditeurs, distributeurs –, qui seront les moteurs de l'initiative et des choix de la numérisation. Ce partenariat aura la double vertu de permettre l'exploitation des films et des programmes aujourd'hui inexploités et d'apporter une offre commerciale rapide et efficace sur l'ensemble des supports de diffusion.
Monsieur Lagauche, afin de répondre à votre question, je vous précise que le projet du Gouvernement repose sur une prise en charge publique, évaluée à 35 millions d'euros par an pendant cinq ans, des deux tiers des dépenses liées à la numérisation des œuvres, un tiers de ces dépenses restant à la charge des détenteurs de droits, soit un plan total de 255 millions d'euros, dont 175 millions d'euros proviendront de financements publics.
Outre son enjeu culturel, ce plan aura un impact économique déterminant pour le secteur, en facilitant l'exportation des programmes numérisés – en particulier en haute définition pour la télévision –, en permettant l'accélération de la numérisation du parc des salles de cinéma, en soutenant la modernisation des industries techniques. C'est ainsi toute une filière professionnelle qui se trouvera directement placée au cœur du XXIe siècle.
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