M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les menaces qui pèsent sur l'ouverture des bureaux de poste en zones rurales.
Alors que les Français ont été très nombreux à s'exprimer le 3 octobre dernier contre le changement de statut de La Poste, il s'étonne des mesures insidieuses visant à raréfier l'offre de services postaux dans les zones rurales. En effet, il apparaît que plusieurs communes de Dordogne se sont d'ores et déjà vues signifier une réduction des horaires d'ouverture des bureaux de poste situées sur leur territoire.
Alors que les Français rejettent catégoriquement toute privatisation de ce service public, il s'étonne de voir des mécanismes rampants de privatisation mis en œuvre, et ce dans des communes rurales où La Poste est souvent un des ultimes services publics encore présent.
Il lui demande par conséquent de préciser les raisons stratégiques justifiant cette décision de réduire les horaires d'ouverture des bureaux de poste, ainsi que les conséquences qui en sont attendues en termes financiers, humains et sociaux. Il l'interroge enfin plus globalement sur les raisons qui poussent son ministère à persévérer dans une logique de marchandisation et d'ouverture au marché de La Poste à laquelle, à l'évidence, les Périgourdins et, plus généralement, les Français, ne veulent pas souscrire.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 654, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de suppléer à l'absence de Mme la ministre…
La discussion du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a débuté hier au Sénat. Le débat a porté essentiellement sur les nécessités qui justifient, selon le Gouvernement, le changement de statut.
Le moins que l'on puisse dire est que votre ambition est loin de rejoindre celle des Français !
Les 2,4 millions de personnes qui ont participé à la votation citoyenne du 3 octobre dernier ont pourtant exprimé un vote sans appel. Cela montre bien que les Français sont farouchement opposés à une marchandisation de La Poste et sont viscéralement attachés à leurs services publics.
Or le changement de statut de La Poste annonce, quoique vous en disiez, sa privatisation à terme.
Il pose, entre autres questions, celle du maintien de la présence postale, notamment en milieu rural.
Je suis élu d'un département rural, la Dordogne, et je constate que plusieurs maires de ce département sont confrontés à un véritable jeu de dupes de la part de la direction de La Poste : soit ils acceptent de passer en agence postale, voire en « points poste », en prenant donc en charge financièrement la gestion du service postal, soit ils voient leur bureau de poste diminuer leurs horaires d'ouverture.
C'est le cas notamment pour les communes, dont je tiens à citer le nom, de Bourdeilles, Saussignac, Saint-Antoine-de-Breuilh, Saint-Pierre-de-Côle ou Villars.
Pis, des communes importantes à la démographie stable ou dont la population est en croissance, comme Périgueux et Razac-sur-l'Isle, « perdent », elles aussi, des heures d'ouverture.
La première voit le bureau du Gour-de-l'Arche, quartier sensible qui fait l'objet d'un contrat urbain de cohésion sociale, désormais fermé le samedi matin.
La seconde voit son bureau de poste fermé le mercredi après-midi après qu'il a été question de supprimer une demi-heure d'ouverture par jour, et cela entre seize heures trente et dix-sept heures, moment de la sortie des classes pendant lequel il y a une très forte affluence du public !
Comme si cela ne suffisait pas, ce mouvement de réduction des horaires d'ouverture des guichets s'accompagne de la fin de la gestion du courrier départemental sur le site de Marsac-sur-l'Isle au profit de la plateforme industrielle du courrier de Cestas, en Gironde.
Dans la même logique, on assiste à la suppression de postes d'encadrement. Un cas a ainsi été porté tout dernièrement à ma connaissance, celui du bureau de poste de Sigoulès, la gestion de la distribution étant désormais centralisée à Bergerac.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : que comptez-vous faire pour remédier à cette situation et pouvez-vous nous dire en quoi le changement de statut de La Poste permettra de régler les graves problèmes existants ?
Allez-vous enfin entendre les habitants des communes rurales, qui en ont assez d'être abandonnés par l'État et, je le dis tout net, d'être considérés comme des citoyens de seconde zone ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, nous n'allons pas polémiquer ici sur les termes : vous le savez, le projet de loi que présente le Gouvernement ne traite absolument pas de la privatisation de La Poste, comme le disent à loisir certains. J'en viens donc à ce qui fait le fond de votre question, à savoir le problème de la présence postale territoriale, notamment dans votre département.
En ce qui concerne la présence postale à proprement parler, la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales fixe une règle précise pour permettre à La Poste d'assurer la couverture du territoire en services postaux de proximité.
Cette règle d'accessibilité prévoit que, « sauf circonstances exceptionnelles, 90 % de la population du département ne peut se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile dans les conditions de circulation du territoire concerné des plus proches points de contact de La Poste ».
Avec 17 000 points de contact, La Poste satisfait cette obligation dans la plupart des départements et aucune diminution du réseau n'est envisagée.
Le niveau d'accessibilité est de 92 % en Dordogne.
Il est d'ailleurs à signaler que dans le cadre du projet de loi en cours sur La Poste, la commission de l'économie du Sénat a adopté un amendement prévoyant le maintien dans la loi des 17 000 points de contacts, ce qui est une garantie forte pour ceux qui craignent une moindre présence de La Poste en milieu rural notamment. On ne voit pas en effet comme ce nombre pourrait ensuite baisser.
En ce qui concerne les horaires d'ouverture ensuite, La Poste répond aux exigences du service public en adaptant ses points de contact à l'évolution des modes de vie et de consommation des clients sous des formes diversifiées, par exemple sur la base de conventions de partenariat avec les collectivités locales sous la forme d'agence postale communale ou bien encore de partenariat avec les commerçants sous la forme des relais Poste.
Ces formules concourent au maintien de la présence postale en milieu rural. Une enquête effectuée par La Poste montre d'ailleurs que 90 % des clients et 87% des élus bénéficiant d'un point de contact en partenariat s'en déclarent satisfaits.
Toute évolution en partenariat ne se fait qu'avec l'accord des élus concernés. Les responsables locaux de La Poste présentent ainsi au maire des communes concernées un diagnostic de leur bureau. Cette concertation entre la municipalité et les représentants de La Poste permet de faire le point sur les évolutions de la population et des activités, et sur leurs conséquences quant à l'évolution prévisible de la demande postale.
Si toutefois la solution partenariale proposée ne reçoit pas l'accord du conseil municipal, La Poste peut adapter les horaires d'ouverture du bureau aux activités postales effectivement réalisées.
C'est en particulier dans les commissions départementales de présence postale territoriales, les CDPPT, où sont représentés les élus, l'État et La Poste, que s'effectue cette concertation. En Dordogne, en 2009, cette instance s'est déjà réunie deux fois, les 26 mars et 25 juin dernier. Une troisième réunion est prévue pour le 10 décembre prochain. Le président de cette commission est par ailleurs régulièrement tenu informé des évolutions envisagées dans le département.
Par ailleurs, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, un amendement du rapporteur Pierre Hérisson prévoyant que le contrat de présence postale territoriale fixe les conditions des points de contacts, notamment en termes d'horaires d'ouverture, a été adopté.
Au final, grâce au projet de loi en cours d'adoption, la présence postale en milieu rural sera confortée, avec l'inscription des 17 000 points de contacts dans la loi et parce que le contrat de présence postale territoriale, signé entre l'État, La Poste et l'Association des maires de France, prévoira les conditions minimales d'ouverture des points de contacts.
L'ensemble de ces évolutions sont, je crois, de nature à vous rassurer.
Mme Nathalie Goulet. Inch Allah !
(Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Vous ne me rassurez pas du tout, monsieur le secrétaire d'État !
La question que je vous pose, au-delà du débat sur le statut de La Poste, porte en effet sur la réalité de la présence postale en milieu rural.
Vous avez décrit le dispositif. Je tiens à faire quelques remarques à cet égard.
Tout d'abord, la création des agences postales ou des points de contacts revient à transférer une partie des charges et de l'exercice du service public postal aux collectivités territoriales. Au moment où nous nous apprêtons à aborder le débat sur les collectivités territoriales, celles-ci seront donc encore davantage étranglées.
Ensuite, sur le terrain, nous observons qu'une pression est exercée sur les communes, en dépit de la présence des commissions départementales. On cherche en effet à démontrer, en mettant en place des horaires inadaptés, que la fréquentation des bureaux de poste est faible. Je pense à la commune de Razac-sur-l'Isle, qui compte 1 500 habitants, et dans laquelle on a décidé de fermer le bureau de poste, situé en plein centre du village, à l'heure de la sortie des classes, c'est-à-dire celle où ce guichet connaît la plus forte affluence. C'est aberrant !
Des décisions tout aussi aberrantes concernant les horaires d'ouverture des bureaux de poste sont prises dans plusieurs communes, dans le but de prouver que les clients ne sont pas assez nombreux. Ce dispositif est donc très dangereux.
Enfin, vous n'avez pas répondu à ma question portant sur la suppression du site de Marsac-sur-l'Isle, qui emploie actuellement plus d'une centaine de salariés, et qui perdra la moitié de ses effectifs lorsque la gestion du courrier départemental sera transférée vers la plate-forme industrielle de Cestas.
On assiste donc, de façon générale, à une régression du service public de La Poste et de sa présence sur le terrain, surtout en milieu rural ; la problématique est en effet tout à fait différente en milieu urbain.
Loin de m'avoir rassuré, monsieur le secrétaire d'État, vous m'avez convaincu de la justesse de notre combat pour La Poste, tout au moins sur ces travées.
(L'orateur montre les travées de gauche.)
Mme Nathalie Goulet. Pas seulement !
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