Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le fossé entre les espoirs suscités par l'ambition des assises qu'il vient de lancer sur l'enseignement agricole public et la forte déception provoquée suite aux annonces du budget 2010.
Elle lui rappelle qu'il ne suffit pas d'affirmer qu'il faut « connaître et reconnaître l'enseignement agricole » et parallèlement prévoir dans le budget 2010 de nouvelles restrictions. Elle souhaiterait lui rappeler la forte inquiétude des personnels, des parents et des élèves de l'enseignement agricole public qui s'est particulièrement manifestée à la fin de l'année scolaire 2008/2009 et qui est toujours vive aujourd'hui.
Elle lui demande si les 132 postes qui avaient été précédemment rétablis ainsi que les 60 équivalents temps plein promis en août dernier, seront bien confirmés et rétablis de façon pérenne. Elle lui demande aussi quelles mesures il compte prendre pour « épargner le plus possible » l'enseignement agricole public et clarifier les répartitions budgétaires entre le public et le privé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 669, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, j'ai été amenée, à maintes reprises, à porter dans cette enceinte la voix des personnels enseignants et administratifs, des parents d'élèves, ainsi que des élèves de l'enseignement agricole public. Je souhaite, une fois de plus, alerter le Gouvernement – car il ne les a toujours pas entendus ! – sur leurs conditions de travail et d'études, qui ne font que s'aggraver au fil des ans.
Suppressions d'emplois, fermetures de classes et, maintenant, fermetures de sites en milieu rural, tel est le programme que M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche propose à ce secteur.
Le moratoire sur les suppressions d'emplois qui a été demandé n'a pas été pris en compte, et ce malgré les multiples actions menées sous des formes diverses, manifestations, rétention de notes et blocage de centres de correction.
Le désarroi des personnels, des familles et des élèves, que M. le ministre reconnaît lui-même, est aujourd'hui à son comble.
Or nous pouvons dire à ce jour que le Gouvernement ne tient guère compte de leurs demandes. Je le regrette d'autant plus qu'il leur avait semblé que M. le ministre s'était positionné de façon plutôt positive, dès son arrivée à la tête de ce ministère, sur l'avenir de cet enseignement.
L'annonce de la tenue d'assises laissait d'ailleurs entendre qu'il admettait que l'enseignement agricole public était en crise et qu'il comptait lui redonner un nouvel élan.
Les 60 emplois promis pour améliorer la rentrée scolaire de 2009 pouvaient susciter quelque espoir. Mais, à la lecture du budget prévu pour 2010, tous les intéressés constatent que la réalité des chiffres contredit les différents engagements pris précédemment.
La seule réponse claire, c'est la suppression de 221 emplois d'enseignant. Est-ce là la seule façon de « répondre de la manière la plus concrète possible », pour reprendre les termes employés ici même par M. le ministre, en juillet dernier ?
Vous comprendrez aisément que cette annonce soit très mal acceptée. La colère gronde dans les établissements. De plus, aucune information n'a été donnée à ce jour sur la répartition de ces suppressions entre le public et le privé.
La défense du service public menée par les parents d'élèves et les personnels des établissements de notre région a permis de maintenir l'offre d'options facultatives, malgré une décision tardive. Comment le Gouvernement compte-t-il faire, avec 221 postes en moins, pour les maintenir et les rétablir sur l'ensemble des lycées de notre territoire ?
M. le ministre est-il prêt à s'engager devant la représentation nationale à rétablir le droit de chaque élève à être accueilli dans l'enseignement agricole public en mettant fin aux plafonnements arbitraires des effectifs ? À mon avis, ce serait un acte fort.
En supprimant de nouveau des emplois, le Gouvernement va accroître « le désarroi des agents comme des usagers de l'enseignement agricole public », dont le ministre disait, pourtant, avoir « pris la mesure ». Ainsi, s'en trouvera plus encore aggravée la situation de nos territoires ruraux, celle du monde agricole, qui n'a vraiment pas besoin de connaître la précarité en plus de la crise qu'il subit actuellement.
Tout investissement dans la formation est un investissement pour l'avenir, madame la ministre.
L'État se désengage, et les inégalités se renforcent entre nos territoires et nos citoyens. La disparition des services publics participe au renforcement de ces inégalités, et le coup porté à l'enseignement agricole public est assurément un élément aggravant.
La semaine dernière, le syndicat national de l'enseignement technique agricole a transmis vingt et une propositions, que nous faisons nôtres et que nous demandons à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, de considérer avec sérieux.
Il est temps de renverser la tendance. On doit, me semble-t-il, répondre de façon concrète à la demande de moratoire sur les suppressions d'emplois ; c'est un impératif pour sauver l'enseignement agricole public.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui m'a chargée de vous répondre, souhaite garantir dans les années à venir l'identité et la force de l'enseignement agricole, notamment public.
C'est pourquoi il a ouvert, le 10 septembre 2009, les assises nationales de l'enseignement agricole public afin de définir collectivement les objectifs et les missions que le Gouvernement souhaite lui assigner en termes d'ambitions pédagogiques, de répartition sur le territoire de l'offre de formation et d'organisation.
Ces assises ont pour objet de créer une nouvelle dynamique et de mettre en exergue l'adaptabilité de l'enseignement agricole qui constitue le gage de son succès, en mobilisant l'ensemble de ses partenaires, en vue de créer un avenir en adéquation toujours plus fine avec les réalités et l'évolution de la société, de la ruralité et de l'agriculture.
Le plafond d'emplois pour 2010 tient bien évidemment compte des besoins exprimés par l'enseignement agricole au cours de l'année 2009. Ces besoins ont conduit le Gouvernement à dégager les 132 emplois que vous évoquez dans votre question, madame la sénatrice.
Afin d'améliorer les conditions de la rentrée scolaire, le ministre a obtenu et mis en œuvre des moyens supplémentaires, à hauteur de 60 équivalents temps plein pour les établissements d'enseignement agricole publics.
Ces emplois ont permis d'accueillir près de 400 élèves supplémentaires placés sur listes d'attente et d'améliorer les conditions de remplacement des personnels.
Les efforts budgétaires consentis par l'enseignement public au titre de l'année scolaire 2009 devront être pris en compte dans la répartition de l'effort pour 2010 entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir préciser à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche que cette réponse ne m'a pas du tout rassurée.
Vous venez de dire que le Gouvernement tiendrait compte des efforts budgétaires consentis au titre de l'année scolaire 2009 pour répartir les efforts pour 2010, ce qui laisse supposer, du moins est-ce mon interprétation, que l'enseignement agricole public paiera un lourd tribut et supportera une large part de la suppression des 221 postes.
Si 60 postes ont été rétablis à la rentrée de septembre 2009, c'est simplement parce que, du fait de politiques continues, l'on en avait trop supprimé auparavant ! Ce n'est certainement pas un « plus » pour ces établissements !
Dans ces conditions, je ne peux qu'être inquiète. Les assises nationales ont permis d'identifier l'apport de l'enseignement agricole public aux jeunes adolescents, qui en ont besoin sur le terrain, et de formuler des propositions en la matière. Ceux qui les ont portées se rendront malheureusement vite compte que la réponse du Gouvernement n'est pas à la hauteur de leurs attentes, et je le regrette.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.