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Thierry Repentin
Question orale sans débat N° 675 au Ministère de l'écologie


Contrat énergétique et politique industrielle en Maurienne

Question soumise le 22 octobre 2009

M. Thierry Repentin attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation de l'usine de production d'aluminium Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie. A l'occasion d'un comité central d'entreprise qui a eu lieu le 13 octobre 2009 ce groupe a annoncé la suppression de 320 emplois en France (dont 179 en Maurienne) dans le cadre du plan dit de « sauvegarde de la compétitivité de la société Aluminium Pechiney ». Ce site, qui comprend également une plate-forme d'essais et de démonstrations technologiques, emploie plus de 500 personnes ce qui génère environ 2 000 emplois indirects dans une vallée qui compte 40 000 habitants. C'est dire combien une telle décision concerne une vallée industrielle déjà très largement touchée par la crise économique. Si les industries électro-intensives sont touchées de plein fouet par la crise, notamment par une baisse considérable du prix de l'aluminium, les difficultés qu'elles auront à connaître s'accentueraient gravement si des mesures n'étaient pas prises pour diminuer le coût de l'énergie. En effet, l'avenir de la filière aluminium en France repose sur le coût de l'énergie électrique qui représente l'essentiel des coûts de production malgré les progrès technologiques imputables aux recherches entreprises par le laboratoire de recherches des fabrications à Saint-Jean-de-Maurienne. L'unité de Saint-Jean-de-Maurienne est une grande consommatrice d'électricité, facturée sur la base d'un contrat énergétique préférentiel.

En effet, Pechiney avait accepté d'aider EDF à investir dans le nucléaire en contrepartie d'un contrat énergétique préférentiel dont la durée est indexée sur la durée de vie théorique des centrales nucléaires, qui doit normalement prendre fin en 2012, avec pour conséquence un fort renchérissement du coût de l'énergie.

La direction de Rio Tinto Alcan a entamé des négociations afin d'obtenir la prolongation de ce contrat dès 2006 et, devant l'absence d'avancée significative, a assigné EDF devant le tribunal de commerce de Paris mi-2007. Il apparaît en effet logique, puisque les centrales nucléaires dans lesquelles Pechiney a investi, initialement prévues pour durer trente ans vont être prolongées au-delà de quarante, que le tarif préférentiel pour Rio Tinto Alcan soit prolongé d'autant. Le dispositif mis en place avec d'autres grosses industries dit « Exceltium », ne répond que partiellement aux attentes puisqu'il se traduit néanmoins par une augmentation du prix de 50 % par rapport au prix initial. Il souhaite donc connaître quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de trouver une solution « euro-compatible » permettant d'assurer à cette industrie des coûts de l'énergie compétitifs.

Au-delà du coût de l'énergie qui conditionne le maintien sur site de la production d'aluminium, avait été également évoquée la création d'un pôle de recyclage des déchets d'aluminium susceptible de constituer une activité de remplacement à un éventuel désengagement de Rio Tinto.

Il souhaite connaître quelles sont les intentions du Gouvernement pour contraindre Rio Tinto soit à moderniser les cuves actuelles, soit à envisager un projet de reconversion industrielle permettant le maintien de l'emploi, en sachant que dans ce dossier l'avenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne mais plus largement de la filière aluminium en France est lié en partie à une décision d'une grande entreprise publique -EDF- au capital de laquelle l'État reste majoritaire et donc décideur.

Réponse émise le 18 novembre 2009

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 675, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Thierry Repentin. Ma question porte sur la situation de l'usine de production d'aluminium Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie.

À l'occasion du comité central d'entreprise qui s'est tenu le 13 octobre dernier, ce groupe a annoncé la suppression de 320 emplois en France, dont 179 en Maurienne, dans le cadre du plan dit de « sauvegarde de la compétitivité de la société Aluminium Pechiney ». Le site en question, qui comprend également une plateforme d'essais et de démonstration technologique, emploie quelque 700 personnes, ce qui engendre environ 3 000 emplois indirects dans une vallée forte de 40 000 habitants. C'est dire combien une telle décision touche une région industrielle déjà très durement éprouvée par la crise économique.

Si les industries électro-intensives sont frappées de plein fouet par la crise, notamment en raison d'une baisse considérable du prix de l'aluminium, les difficultés qu'elles auront à connaître s'accentueraient gravement si des mesures n'étaient pas prises pour diminuer le coût de l'énergie. En effet, l'avenir de la filière aluminium en France repose sur le coût de l'énergie électrique, qui représente l'essentiel des coûts de production, malgré les progrès technologiques imputables aux recherches entreprises par le laboratoire de recherche et des fabrications situé à Saint-Jean-de-Maurienne.

Cette industrie de l'aluminium, forte consommatrice d'énergie, a aussi été gravement touchée par la baisse du prix de l'aluminium, lequel, il faut le rappeler, est fixé par le London metal exchange. Bien que l'on observe aujourd'hui une timide reprise, ce prix reste fort éloigné de ce qu'il était ces dernières années.

Par conséquent, si des mesures n'étaient pas prises pour diminuer le coût de l'énergie, qui intervient pour plus de 30 % dans le prix du métal, c'est toute la filière française qui risquerait d'être condamnée.

Or cette industrie est tout à fait stratégique, ne serait-ce que pour la fabrication des Airbus. Au fil des OPA et des restructurations, il ne reste plus, rappelons-le, que deux sites en France : l'un se trouve à Dunkerque et l'autre à Saint-Jean-de-Maurienne. Ce dernier, grâce à son laboratoire de recherche et des fabrications, est à l'origine de toutes les économies énergétiques et de l'essentiel des progrès technologiques réalisés, nécessaires à la fabrication des cuves d'électrolyse modernes, qui équipent près de 80 % des sites de production au monde.

L'unité de Saint-Jean-de-Maurienne est, certes, une grosse consommatrice d'énergie, mais elle avait bénéficié, lors de sa modernisation en 1983, d'un contrat énergétique préférentiel.

En effet, Pechiney avait accepté d'aider EDF à investir dans le nucléaire, en contrepartie d'un contrat énergétique préférentiel dont la durée est indexée sur la durée de vie théorique des centrales nucléaires. Celui-ci doit normalement prendre fin en 2012, avec pour conséquence un fort renchérissement du coût de l'énergie.

La direction de Rio Tinto Alcan a entamé des négociations, afin d'obtenir la prolongation de ce contrat dès 2006 et, devant l'absence d'avancées significatives, a assigné EDF devant le tribunal de commerce de Paris en 2007. Il paraît en effet logique, puisque la durée de vie des centrales nucléaires dans lesquelles Pechiney a investi, initialement de trente ans, sera portée à quarante ans et plus, que le tarif préférentiel pour Rio Tinto Alcan soit prolongé d'autant.

Le dispositif dit « Exceltium », mis en place avec d'autres grosses industries, ne répond que partiellement aux attentes, puisqu'il se traduit par une augmentation de 50 % du prix de l'électricité par rapport au prix initial.

Je souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour trouver une solution « euro-compatible » permettant d'assurer à cette industrie des coûts compétitifs en matière d'énergie.

Au lieu d'insister ou de contraindre, ne pourrait-on imaginer un contrat gagnant-gagnant avec le groupe Rio Tinto Alcan ? La France pourrait s'engager à fournir à ce dernier une électricité à un coût compétitif dans un marché très mondialisé. En retour, l'entreprise prendrait l'engagement d'investir et de maintenir les emplois. Je rappelle que les Québécois ont réussi à signer un tel contrat, liant conditions de vente de l'énergie et quantification des emplois.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, le Gouvernement accorde à l'industrie en général et à l'industrie métallurgique en particulier une très grande attention, et souhaite vivement son maintien et son développement sur notre territoire.

La possibilité de disposer d'un approvisionnement électrique à des conditions de prix compétitives et prévisibles est un enjeu majeur pour l'industrie métallurgique, comme d'ailleurs pour toutes les industries dites « électro-intensives ».

La mise en place prochaine d'Exceltium, que le Gouvernement appelle de ses vœux, constitue à cet égard une partie de la réponse, puisque, en vertu de cet accord industriel entre EDF et des entreprises électro-intensives, les industriels pourront disposer sur une longue période d'une électricité à un tarif reflétant la compétitivité du nucléaire.

La mise en œuvre d'une nouvelle organisation du marché électrique complète ce dispositif. En effet, celle-ci, pour laquelle le Gouvernement a obtenu de la Commission européenne une reconnaissance de principe, garantira sur le long terme que les prix payés par les consommateurs français soient le strict reflet du parc électrique national, en étant donc fondés sur la réalité des coûts du nucléaire.

En ce qui concerne la société Rio Tinto Alcan, le Gouvernement sera vigilant quant aux décisions qui seront prises, dans un contexte manifestement difficile pour l'industrie de l'aluminium. Conscient de l'impact des prix de l'énergie sur le développement futur de l'entreprise, notamment sur les sites de Dunkerque, Gardanne et Saint-Jean-de-Maurienne, le Gouvernement encourage la société Rio Tinto Alcan et les fournisseurs d'énergie français à identifier les moyens juridiques et économiques permettant la signature d'accords d'intérêt mutuels, au service de l'industrie de ce pays.

S'agissant plus spécifiquement du site de Saint-Jean-de Maurienne, le Gouvernement a reçu l'assurance de Rio Tinto Alcan qu'une fermeture n'est pas à l'ordre du jour. C'est d'autant plus essentiel que ce site joue un rôle-clé en tant que plateforme de démonstration pour les innovations développées en Rhône-Alpes. La recherche et développement et l'innovation sont donc des enjeux cruciaux pour son avenir. Le site bénéficie par ailleurs à plein de la réforme du crédit d'impôt recherche mise en œuvre par le Gouvernement l'an dernier.

Bien évidemment, je rendrai compte de vos propositions et préconisations à M. Borloo, pour ce qui concerne les évolutions et les perspectives qui pourraient être envisagées.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des éléments d'information que vous avez bien voulu me donner.

Puisque vous vous proposez de vous faire notre interprète auprès de M. Borloo, je tiens à souligner de nouveau que le dispositif Exceltium ne constitue qu'une partie de la réponse, car sa mise en place se traduirait de toute manière par une augmentation de 50 % du coût de l'électricité.

Or l'électricité intervenant à hauteur de 30 % dans le coût de production, la filière aluminium française, tout à fait spécifique au sein de l'industrie métallurgique, forte de ses deux sites de Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne, disparaîtrait à terme.

Vous avez indiqué avoir obtenu de Rio Tinto Alcan l'engagement de ne pas fermer le site de Saint-Jean-de-Maurienne. C'est bien, et sans doute vrai à court terme. M'inscrivant pour ma part dans une perspective plus longue, je vous rappelle que cette industrie nécessite des investissements immédiats et réguliers. Or Rio Tinto Alcan ne s'engage pas aujourd'hui dans la rénovation du site, ne sachant pas quelles seront les conditions de livraison de l'électricité après 2012.

Me fondant sur la volonté du Gouvernement de maintenir une filière aluminium dans notre pays, je vous propose, madame la secrétaire d'État, d'organiser tout simplement une table ronde, qui réunirait à la fois le fournisseur d'électricité EDF et la société Rio Tinto Alcan, permettant ainsi à chacun d'abattre ses cartes.

Il s'agit de faire en sorte que la France puisse continuer demain à produire de l'aluminium. Dans cette perspective, nous devons assurer à cette industrie une fourniture de l'électricité à un tarif attractif, afin de préserver l'emploi et l'investissement, notamment en considération de l'importance des cuves d'électrolyse.

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