Mme Bernadette Bourzai appelle l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur l'incompréhension que suscite la restriction opposée depuis cet été aux urbanistes diplômés de l'université qui souhaitent s'inscrire au concours d'ingénieur territorial, mention urbanisme.
En application du décret n°2007-196 du 13 février 2007, ils doivent passer devant une commission d'équivalence de diplômes. Dans les faits, les deux tiers des dossiers seraient rejetés. Il y a lieu de s'étonner mais aussi de s'inquiéter. Jusqu'alors les candidats issus de formations universitaires réussissaient remarquablement bien le concours. Leur candidature au concours d'ingénieur territorial, mention urbanisme, est donc loin d'être incongrue. Au contraire, ils apportaient au statut que leur conférait le concours les compétences requises pour servir les collectivités recherchant des professionnels de l'analyse et de la prospective territoriale, de la conduite et du pilotage de projets urbains et de politique de la ville. À l'heure de l'intercommunalité, à l'heure des réflexions sur la cohérence territoriale depuis la loi SRU jusqu'au Grenelle de l'environnement, la restriction qui leur est opposée a un effet totalement contre-productif. Au nom des critères scientifiques et techniques devant définir le concours d'ingénieur, elle nie l'approche pluridisciplinaire et pratique que les collectivités territoriales recherchent en matière d'urbanisme. Cet empêchement de passer le concours est contraire à l'intérêt général. La source du problème semble se trouver dans la confusion et les crispations autour des notions de grade et de métier qui sont dignes des querelles les plus caricaturales de l'époque byzantine. Faut-il se priver de ce que ces urbanistes apportent au prétexte que leur accès au statut d'ingénieur froisse les tenants des catégories préétablies ? Pourquoi, sous prétexte que ses diplômes ne lui permettraient pas d'accéder au statut d'ingénieur, un étudiant en urbanisme devrait-il se spécialiser dans une fonction d'attaché alors que sa formation est transversale et que cela signe la spécificité des responsabilités auxquelles il se destine et auxquelles sont attachés ses futurs employeurs ? Un minimum de pragmatisme devrait permettre de prendre en compte le métier d'urbaniste – qui est relativement jeune, tout comme l'approche du fait urbain – tel qu'il est et tel qu'il est devenu en s'adaptant aux évolutions de la société dans la civilisation urbaine. L'État a reconnu la profession d'urbaniste il y a dix ans en participant à la mise en place de l'Office de qualification des urbanistes. Cette démarche accompagnait le mouvement de la décentralisation et de l'intercommunalité. Les problèmes relevant de la politique de la ville sont loin d'être réglés. Le décret du 13 février 2007, suivant en cela la directive européenne de 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, visait à faciliter l'accès aux concours en définissant des équivalences. Son application aux diplômes d'urbanisme a curieusement eu un effet inverse. Le Gouvernement compte-t-il revoir ou préciser ce décret afin que les collectivités territoriales continuent à disposer d'ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, ayant reçu la formation pluridisciplinaire et universitaire qu'elles apprécient sur le terrain ?
Mme Bernadette Bourzai. Ma question s'adressait à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, mais je vous remercie de bien vouloir y répondre, madame la ministre. J'espère qu'en vous désignant à cette fin, le Gouvernement a voulu montrer qu'il sait entendre les besoins des collectivités territoriales.
Ma question porte sur l'incompréhension que suscite la restriction opposée depuis cet été aux urbanistes diplômés de l'université souhaitant s'inscrire au concours d'ingénieur territorial, mention urbanisme. En application du décret n° 2007-196 du 13 février 2007, ces urbanistes doivent passer devant une commission d'équivalence de diplômes. Dans les faits, les deux tiers des dossiers seraient rejetés.
Ces diplômés en urbanisme, qui réussissaient remarquablement bien le concours, apportaient au statut d'ingénieur territorial qui leur était alors conféré les compétences requises pour servir les collectivités recherchant des professionnels de l'analyse et de la prospective territoriale, de la conduite et du pilotage de projets urbains et de politique de la ville. La transversalité de leur formation signe la spécificité des responsabilités auxquelles ils se destinent et auxquelles sont attachés leurs futurs employeurs.
Un minimum de pragmatisme devrait permettre de prendre en compte le métier d'urbaniste – certes relativement jeune, tout comme l'approche du fait urbain – tel qu'il est et tel qu'il est devenu en s'adaptant aux évolutions de la société dans la civilisation urbaine. Les problèmes relevant de la politique de la ville sont loin d'être réglés, tout le monde en convient.
Le Gouvernement compte-t-il revoir ou préciser le décret précité, afin que les collectivités territoriales continuent à disposer d'ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, ayant reçu la formation pluridisciplinaire et universitaire qu'elles apprécient sur le terrain ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame le sénateur, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, qui ne peut être présent ce matin.
Vous avez souhaité attirer l'attention de mon collègue sur l'accès des urbanistes diplômés d'université aux concours d'ingénieurs de la fonction publique territoriale.
Le décret portant statut particulier du cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux a été modifié par décret du 12 avril 2002. Depuis cette date, le diplôme permettant d'accéder au concours pour le recrutement doit sanctionner une « formation à caractère scientifique ou technique ».
Cette disposition a été prise pour corriger la distorsion constatée par les élus entre les profils des candidats et les besoins des collectivités locales. Elle a traduit les conclusions d'un groupe de travail associant les organisations syndicales et les employeurs territoriaux. C'est donc pour répondre à une demande de leur part, afin d'assurer une meilleure qualification technique des candidats, que la modification statutaire est intervenue.
Madame le sénateur, depuis son instauration en 2007, la commission d'équivalence de diplômes, placée auprès du Centre national de la fonction publique territoriale, veille au respect des qualifications exigées par les statuts de la fonction publique territoriale. S'agissant des ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, elle s'assure du caractère « scientifique et technique » du diplôme du candidat. Elle s'appuie en particulier sur la jurisprudence du Conseil d'État, qui, par de nombreux arrêts, a apprécié le caractère scientifique et technique pour confirmer des décisions de rejet de demandes de reconnaissance d'équivalence de diplômes pour l'accès au concours d'ingénieur territorial. Ainsi ont été écartés des candidats possédant le master de sciences humaines et sociales, spécialité géographie environnementale, ou détenant une maîtrise de sciences et techniques en développement économique régional et commerce international, ou encore titulaires d'un diplôme d'études supérieures spécialisées de relations publiques de l'environnement, au motif que ces diplômes « ne présentent pas un caractère scientifique et technique ».
En pratique, s'agissant du domaine de l'urbanisme, qui recouvre un concept transversal et pluridisciplinaire, les diplômes peuvent, selon leur contenu et les universités les délivrant, traduire l'acquisition soit de compétences techniques, soit de compétences plus généralistes. Dans le cas d'une formation véritablement scientifique et technique, les candidats peuvent se présenter au concours d'ingénieur territorial. Dans le cas d'une formation plus généraliste, ils doivent davantage être orientés vers le cadre d'emplois des attachés, spécialité « urbanisme et développement des territoires ».
Aussi, si l'on souhaite continuer à répondre à la demande exprimée par les employeurs territoriaux, qui a conduit à la réforme de 2002, il est nécessaire de maintenir la distinction entre, d'une part, les diplômes à caractère scientifique et technique et, d'autre part, les diplômes correspondant à des formations plus généralistes.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, que j'examinerai avec grand intérêt et beaucoup d'attention, dans la mesure où elle comporte un certain nombre d'éléments intéressants.
Je suis cependant un peu étonnée de constater que certains diplômes universitaires puissent ne pas avoir un caractère scientifique et/ou technique. Pour ce qui concerne le premier de ces qualificatifs, tout dépend de l'acception que l'on a du domaine des sciences. Mais, que je sache, les sciences humaines sont bien scientifiques. Écarter un candidat titulaire d'un master de géographie de l'environnement au prétexte que sa formation serait généraliste et non scientifique me paraît un peu byzantin.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.