M. Alain Fauconnier attire l'attention de à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat sur le problème posé par le renouvellement des concessions de barrages hydrauliques, dès cette année pour certains, en 2011, 2012 ou 2014 pour d'autres, ce qui pourrait avoir pour conséquence qu'EDF, au terme de la procédure actuellement prévue, en perde un certain nombre, puisque sa transformation en société anonyme a fait que la réglementation prévoit désormais la mise en concurrence des entreprises intéressées. Considérant cependant que le renouvellement des concessions se fera toujours « dans le cadre de la délégation de service public », il lui demande de quelle manière l'État compte, d'une part, prendre l'avis des collectivités locales et territoriales concernées et, d'autre part, s'assurer de la compétence des sociétés choisies tant en ce qui concerne l'entretien des barrages et des berges que la sécurité des zones situées aux alentours desdits barrages, ainsi que le respect de toutes les autres contraintes environnementales, les circulaires, sur ce sujet, étant pour nombre d'observateurs, d'une évidente « fragilité ».
M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la récente transformation d'EDF en société anonyme va engendrer un certain nombre de conséquences, dont l'une des principales est, en matière de renouvellement des concessions hydrauliques, la mise en concurrence des entreprises intéressées, aiguisant désormais l'appétit de certains. Jusque-là, EDF, premier producteur hydroélectrique européen, gérait seul les barrages. À l'avenir, qui le fera, et surtout comment, si l'entreprise nationale n'est pas retenue ou si, dans certains cas, elle n'est pas candidate, malgré son expérience et son savoir-faire reconnu dans le monde entier ?
Telle est la double question que se posent les élus de mon département, légitimement inquiets pour l'avenir du secteur hydroélectrique, dont je rappelle qu'il est, dans notre pays, la première source renouvelable d'électricité et la plus propre.
Pour autant, les choses sont-elles claires ? Force est de constater que non ! En effet, le décret 2008-1009 du 28 septembre 2008 qui a trait à la mise en concurrence des concessions et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique me paraît particulièrement flou, malgré le développement des huit étapes principales qui détaillent le processus de la mise en concurrence. Du reste, plusieurs arrêtés ministériels doivent compléter ce décret, et une circulaire à l'usage des DRIRE est actuellement en cours de rédaction.
Considérant que le renouvellement des concessions se fera toujours, assure-t-on, « dans le cadre de la délégation de service public », je me demande de quelle manière ce principe pourra être respecté si EDF n'est pas retenue. Monsieur le secrétaire d'État, cela m'amène à vous poser les questions suivantes.
Comment le Gouvernement compte-t-il prendre l'avis des collectivités territoriales concernées pour mieux cerner leurs besoins et leurs aspirations, en particulier en veillant au développement économique local et social ?
Comment le Gouvernement compte-t-il s'assurer de la compétence des sociétés choisies pour garantir l'efficacité énergétique de l'exploitation des chutes d'eau, en matière aussi bien de projets nouveaux que de rénovations des barrages – certains sont anciens –, et contribuer ainsi à la sécurité des berges, des ouvrages et des zones situées aux alentours desdits barrages ?
Compte tenu des compétences reconnues à EDF – contrôle systématique de l'état et de la sûreté des ouvrages, conduite des aménagements en période de crue, mesures destinées à assurer la sécurité du grand public, expertises ingénierie, ajustement en permanence de la production aux variations de la demande d'électricité, amélioration des performances –, qu'en sera-t-il avec ses concurrents ?
Comment le Gouvernement compte-t-il s'assurer du respect de toutes les autres contraintes environnementales, c'est-à-dire effectuer une gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques, notamment par la mise à disposition de millions de mètres cubes d'eau pour soutenir les débits de nos rivières ? Les barrages de la Truyère, par exemple, sont essentiels aux débits de la Garonne.
Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il préserver les emplois distants, au nombre de 4 700 à ce jour ? On ne sait s'ils seront conservés si les nouveaux objectifs recherchés relèvent exclusivement de la seule logique du profit, comme c'est généralement le cas de certaines sociétés étrangères.
Les barrages français appartiennent non pas à EDF, mais à la nation. De ce fait, ils constituent une partie du patrimoine économique national. C'est pourquoi l'évidente « fragilité » du décret cité plus haut, pour ne pas parler des « zones d'ombre » qui entourent les procédures techniques du futur renouvellement des concessions hydrauliques, me conduit à m'interroger sur ses véritables motifs. Cette mise en concurrence ne cache-t-elle pas une privatisation qui n'ose pas dire son nom, avec tout ce que cela implique, notamment en matière de sécurité ?
Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que votre réponse est attendue avec intérêt par les nombreux élus des collectivités territoriales des zones de montagne et de semi-montagne, parmi lesquels ceux de l'Aveyron, département où les seize aménagements hydro-électriques d'EDF produisent, chaque année, l'équivalent de la consommation d'un million d'habitants, évitant ainsi la consommation de 200 000 tonnes de pétrole et donc un rejet massif de CO2 dans l'atmosphère.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, la transformation d'EDF d'établissement public industriel et commercial en société anonyme ainsi que la suppression du « droit de préférence » ont mis fin à la reconduction systématique du concessionnaire. Ainsi, le principe est désormais la mise en concurrence des concessions hydroélectriques lors de leur renouvellement.
Le Gouvernement a donc réformé en profondeur le système d'attribution des délégations de service public, avec un triple objectif : énergétique, environnemental et patrimonial. Cette réforme est intervenue avec la publication du décret du 26 septembre 2008. Avec le droit communautaire et la loi Sapin, c'est ce texte qui régit désormais, en France, la mise en concurrence des concessions hydroélectriques.
La consultation des collectivités territoriales s'effectuera en deux temps distincts lors du renouvellement des concessions.
Elle s'effectuera d'abord avant l'appel à concurrence, à l'occasion de l'élaboration par le préfet du document relatif aux enjeux liés à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau concernée par le projet. Ce document a vocation à informer l'État concédant et les candidats potentiels des positions des différents acteurs concernés par le dossier.
Par ailleurs, et plus classiquement, cette consultation sera renouvelée et actualisée lors de la procédure d'enquête publique à laquelle sera soumis le dossier du pétitionnaire retenu.
La compétence technique des sociétés sera un préalable à leur admission à concourir qu'elles devront démontrer. À cet égard, l'État sera particulièrement vigilant quant à la vérification de cette capacité et, en ce qui concerne le pétitionnaire choisi, à son maintien durant la concession. Toute défaillance en ce domaine fonderait l'État à déchoir le concessionnaire sans hésitation.
Il convient de préciser, si besoin était, que la sécurité des ouvrages et des tiers ne peut en aucun cas être un élément de « concurrence » dans l'attribution des concessions hydroélectriques ; c'est un principe s'appuyant sur un corpus réglementaire propre. Dans ce nouveau dispositif, l'État veillera à son respect avec la même rigueur qu'auparavant.
Enfin, le processus de mise en concurrence n'affaiblira pas l'exigence du respect des contraintes environnementales, bien au contraire, puisque l'intégralité des normes applicables en ce domaine devra être respectée dans les dossiers de candidature et par le futur concessionnaire. À défaut, celui-ci sera passible des sanctions prévues non seulement par le code de l'environnement, mais aussi par le droit commun des délégations de service public, comme la déchéance du contrat de concession, par exemple.
Par ailleurs, la procédure de mise en concurrence permettra une prise en compte accrue des enjeux environnementaux spécifiques à la rivière concernée, puisqu'ils constituent, à côté du critère énergétique et du critère financier, le troisième des critères sur lesquels les candidatures des pétitionnaires seront jugées par le concédant.
Dès la publication de l'appel public à concurrence, l'État fera connaître les exigences environnementales spécifiques au cours d'eau qu'il entend voir inclure dans le cahier des charges de la concession.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je constate finalement que, dans mon département, le réseau Truyère va essuyer les plâtres, et je ne suis donc pas tellement rassuré par ce que vous venez d'indiquer !
Je suis le porte-parole des élus. Ils connaissent leur opérateur historique et ont établi un lien de proximité avec EDF.
Aujourd'hui, selon les diverses rumeurs qui circulent, des opérateurs norvégiens, italiens, voire quelques opérateurs en dehors du champ de l'Europe, seraient assez friands de reprises de concessions !
La crainte des élus porte sur l'absence de proximité. En effet, ces barrages-là ont une vocation non pas simplement énergétique, mais aussi touristique, voire agricole, par les lâchers d'eau. Les élus sont d'autant plus soucieux qu'ils s'imaginent que les grandes sociétés qui reprendront ce marché-là, plutôt guidées dans leurs choix par des enjeux financiers, se préoccuperont très peu de la Truyère ; ils ne savent probablement même pas où cela se situe !
Monsieur le secrétaire d'État, alors que l'on commémorait, voilà quelques jours, la rupture du barrage de Malpasset, nous, les élus, ne voudrions pas que, cinquante ans plus tard, des vallées connaissent un tel préjudice.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous non plus !
M. Alain Fauconnier. A priori, je vous fais confiance. Mais, autant je suis rassuré lorsque je sais qu'EDF est sur les lieux, autant je suis inquiet à la perspective de voir je ne sais quel norvégien venir éventuellement s'occuper du barrage de Sarrans !
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