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Roland Courteau
Question orale sans débat N° 691 au Ministère de la santé


Situation alarmante de la viticulture méridionale

Question soumise le 29 octobre 2009

M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation alarmante de la viticulture méridionale.

Il lui rappelle que la crise viticole qui frappe depuis plusieurs années des régions entières, vient de franchir un nouveau palier dans l'aggravation.

Il lui indique que dans un tel contexte de crise, à ce jour sans précédent, force est de constater qu'une large proportion de vignerons (80 % dans certaines zones) disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Il lui précise que dans certains départements, dans lesquels la viticulture constitue le secteur principal de l'activité agricole, l'évolution hors inflation du revenu net d'entreprise agricole est, selon AGRESTE – comptes régionaux de l'agriculture, très négative, par actif non salarié.

Cette baisse de revenus qui, entre 2004 et 2007 était de l'ordre de -13 % pour la région Languedoc Roussillon, avec des baisses de - 22 %, pour l'Aude ou -16 % pour le Gard, s'est considérablement accrue, entre 2007 et 2008, avec une chute de plus de 60 % pour l'ensemble de la région, dont - 88 % pour l'Aude, - 85 % pour l'Hérault, - 76 % pour le Gard et - 36 % pour les Pyrénées-Orientales.

Il lui fait remarquer que face à une telle situation, les arrachages se multiplient, en Languedoc Roussillon,
(30 000 hectares depuis 2005… et 11 000 hectares de prévus pour la campagne 2009-2010).

Dans un tel contexte et alors que ces régions ont accompli d'immenses efforts de qualité, il lui demande, d'une part, quelles mesures d'urgence, il compte mettre en œuvre (table ronde avec la grande distribution pour une répartition des marges plus juste… exonération de charges sociales, et d'impôts sur le foncier non-bâti…, aides à l'hectare… etc…) et d'autre part, quelles mesures il souhaite engager, à moyen terme, pour une véritable relance du secteur de la viticulture.

Réponse émise le 20 janvier 2010

M. Roland Courteau. Madame la ministre, j'ai eu l'occasion, lors d'une réunion de la commission de l'économie, de m'adresser à M. le ministre de l'agriculture le jour même et quasiment à l'heure exacte où une manifestation mobilisait à Montpellier environ 8 000 personnes qui voulaient crier la détresse d'une région face à une crise viticole sans précédent à la fois par son ampleur et par sa durée.

Ces 8 000 personnes, rassemblées « dans un silence de cathédrale », pour reprendre l'expression de l'un des leaders du monde viticole, entendaient attirer une fois encore l'attention des pouvoirs publics sur la situation dans laquelle l'effondrement des prix et la hausse des coûts de production ont placé les vignerons.

Ces derniers, dont une très large proportion, je le précise, dispose de ressources inférieures au seuil de pauvreté, manifestaient – de manière d'ailleurs très digne – pour rappeler que leur revenu, qui, entre 2004 et 2007, avait chuté de 13 % en moyenne, avec une diminution de 22 % pour le département de l'Aude, s'est encore dégradé entre 2007 et 2008 puisque la baisse a atteint 60 % en moyenne pour l'ensemble de la région Languedoc-Roussillon : 88 % pour l'Aude, 85 % pour l'Hérault, 76 % pour le Gard et 36 % pour les Pyrénées-Orientales. Mes collègues Marcel Rainaud et Robert Navarro, ici présents, pourraient, si nécessaire, confirmer ces chiffres.

Enfin, les manifestants souhaitaient indiquer aux pouvoirs publics que, en dépit de leurs immenses efforts de qualité, des pans entiers de l'économie de ces régions méridionales étaient en train de s'effondrer et que, l'arrachage aidant, les terres en friche se multipliant, la désolation était partout présente dans nos campagnes.

Bref, ils espéraient que les justes demandes qu'ils expriment feraient l'objet de la mise en œuvre en urgence d'un plan de soutien spécifique à la viticulture méridionale.

Peut-être me répondra-t-on une fois encore qu'un plan de soutien à l'agriculture en général a bien été mis en place et que les viticulteurs pourront bénéficier de certaines de ses mesures. Je ne sous-estime pas ce plan de soutien, qui peut certainement être utile à quelques secteurs de l'agriculture en crise, mais il n'est malheureusement pas adapté à la situation catastrophique dans laquelle sont plongés les vignerons méridionaux.

Je viens de vous citer les chiffres ; comment pourrais-je vous faire mieux comprendre la réalité qu'ils recouvrent ?

Ceux dont aujourd'hui je veux faire entendre la voix ici, au Sénat, sont ruinés, endettés, confrontés à des situations terribles. Et pour cause : les prix de leurs produits sont à leur niveau de 1988 ou de 1992, et cela dure depuis des années. Certains sont au RMI ou au RSA ; d'autres fréquentent les Restaurants du cœur ; la plupart croulent sous les dettes. Dès lors, comprenez qu'il faut plus que ce plan de soutien à l'agriculture pour les aider véritablement !

En fait, que demandent-ils ? Je résumerai en trois points.

Premièrement, ils souhaitent que l'on mette un peu d'ordre dans les pratiques de la grande distribution, qui réalise des marges énormes sur leur dos. En la matière, des mesures urgentes s'imposent.

Deuxièmement, ils demandent, pour pouvoir passer ce cap difficile, la mise en place d'une aide à l'hectare comparable à celle dont bénéficient avec les droits à paiement unique, les DPU, certains autres secteurs de l'agriculture. Eux-mêmes en sont privés faute de solidarité vraie, ce qui constitue une injustice. Au moins espèrent-ils que, au nom de l'équité, une solution sera trouvée dans le cadre de l'organisation commune du marché vitivinicole pour l'année 2011 à travers une aide à l'hectare, de 300 euros par exemple, qui serait accordée en fonction du niveau de revenu de chacun.

Enfin, troisièmement, en attendant 2011 et l'inscription de cette ligne budgétaire, une aide exceptionnelle est demandée pour 2010 sous la forme d'une aide directe spécifique à l'exploitation. Je souhaite que M. le ministre de l'agriculture sache que le conseil régional est prêt – son président, Georges Frêche, s'y est engagé – à apporter sa part de financements à cette aide à l'exploitation pour 2010, pour peu que l'État en fasse autant.

Bref, la clef du déblocage de la situation est entre les mains de M. le ministre de l'agriculture.

Je n'ai plus rien à ajouter, monsieur le président, si ce n'est qu'il s'agit de sauver des pans entiers de l'économie du Midi, de nombreuses exploitations, c'est-à-dire des familles, des hommes et des femmes qui aujourd'hui, en travaillant, perdent jusqu'à 1 000 euros par hectare.

J'espère, madame la ministre, que vous aurez compris la situation tout à fait particulière d'un grand nombre de nos vignerons, qui pourtant ne demandent qu'à vivre dignement du fruit de leur travail, ce que les prix terriblement bas actuellement pratiqués ne leur permettent pas de faire. D'où cet appel à la solidarité, auquel a déjà répondu le conseil régional du Languedoc-Roussillon.

Avec les sénateurs du Languedoc-Roussillon, en particulier Marcel Rainaud et Robert Navarro, je veux espérer que le Gouvernement n'y restera pas sourd.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je tiens en premier lieu à excuser M. Bruno Le Maire, qui préside actuellement les états généraux du sanitaire et qui m'a confié la mission de vous répondre – mission fort agréable pour moi qui suis également l'élue d'une région viticole.

La situation du marché du vin est en fait très contrastée. La faible récolte de l'année 2008 n'a pas permis la réduction significative des stocks du fait de la diminution de la consommation intérieure et des exportations. Les prix sont restés stables pour les vins de table et les vins de pays alors que ceux des vins d'appellation sont globalement en baisse.

La baisse des revenus induite par la baisse des cours n'a évidemment pas échappé au Gouvernement, en particulier à M. Bruno Le Maire, le ministre de l'agriculture.

Monsieur le sénateur, vous estimez que le plan de soutien n'est pas suffisant. Il existe néanmoins, et il n'est pas inutile de le rappeler. Ce plan de soutien massif, annoncé par M. le Président de la République le 27 octobre dernier, illustre bien l'attention que porte le Gouvernement à ce secteur. Il prévoit 1 milliard d'euros de prêts bancaires et un soutien de l'État à hauteur de 650 millions d'euros. Il contient des mesures correspondant aux besoins des exploitants viticoles, notamment la prise en charge de la taxe sur le foncier non bâti et des cotisations patronales dues au titre de l'emploi salarié.

Pour le moyen terme, que vous avez également évoqué dans votre question, monsieur le sénateur, le plan de relance et de modernisation de la viticulture française a été mis en place pour mener à bien une réforme structurelle de la filière. Vous avez insisté sur le fait qu'il fallait des réformes pérennes et que l'on ne pouvait pas se contenter de réformes d'urgence, même si celles-ci sont évidemment absolument nécessaires. La France a en particulier mobilisé les crédits de l'organisation commune du marché vitivinicole pour conduire des actions structurantes : restructuration du vignoble, investissements dans les entreprises de vinification et mise en marché, promotion sur les marchés des pays tiers. Une enveloppe de 227 millions d'euros sera mobilisable en 2010 au titre de l'enveloppe communautaire.

Il conviendra prochainement de mesurer les premiers effets du plan de relance et de modernisation et d'apprécier les évolutions nécessaires.

Par ailleurs, Bruno Le Maire vient de confier à Catherine Vautrin – élue, elle aussi, d'une grande région viticole – une mission sur les suites du plan de modernisation de la viticulture. Cette mission, qui porte en particulier sur l'offre vinicole française aux marchés extérieurs, sera lancée dans les tout prochains jours et doit permettre de déboucher rapidement sur des propositions concrètes.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je puis vous fournir, au nom de Bruno Le Maire.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je vous remercie, madame la ministre, de la réponse que vous m'avez apportée. Toutefois, il est clair que M. le ministre de l'agriculture n'a toujours pas véritablement compris la situation particulière des vignerons du Midi ni mesuré l'ampleur des drames qui sont en train de se nouer.

Pourtant, à plusieurs reprises, nous lui avons expliqué la spécificité de cette crise, soulignant, chiffres à l'appui, que les mesures annoncées sont insuffisantes et inadaptées à une situation gravissime.

J'ajoute que la profession viticole nous a récemment informés qu'elle dénombre jusqu'à vingt-cinq suicides dans la région du Languedoc-Roussillon. Peu de personnes en connaissent les raisons, mais le monde viticole, lui, les connaît !

J'avais déjà porté à la connaissance de M. le ministre de l'agriculture les trois principales revendications que j'ai présentées tout à l'heure. Il aurait donc pu y réfléchir. Or, je n'ai même pas obtenu, ce matin, un début de réponse à ces trois questions précises. J'en déduis que, sur toute la ligne, la réponse est négative.

Je le répète, le conseil régional du Languedoc-Roussillon est prêt à apporter des financements si l'État en fait autant. Dès lors, pourquoi refuser une telle proposition ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous ne l'avons pas refusée !

M. Roland Courteau. Voilà quelques mois, je me demandais si, en réalité, on ne voulait pas laisser la crise viticole faire le sale travail, c'est-à-dire rayer d'un trait ce qui fut la plus grande région viticole du monde. Je nourrissais alors encore quelques espoirs : franchement, aujourd'hui, je n'en ai hélas plus aucun !

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