M. Christian Cambon attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur les difficultés budgétaires particulièrement lourdes de nombreuses communes qui comprennent un important habitat pavillonnaire et n'ont pas de terrains disponibles pour permettre la réalisation des 20 % de logements sociaux imposés par l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Il en est ainsi de la commune d'Ormesson-sur-Marne. Malgré une politique d'achat et de portage de terrains en vue de la réalisation de logements sociaux, engagée dès les années 90, la ville s'est trouvée, lors de la promulgation de la loi SRU, sans logements éligibles à son titre, les logements sociaux construits antérieurement ayant tous été acquis par leurs occupants. Elle a donc été redevable d'un prélèvement de quelque 95 000 € annuels, majoré à 180 000 € à compter du 1er janvier 2009. Pour deux nouveaux programmes de logements sociaux, les subventions communales ont été reconnues en compensation du prélèvement. Or, la loi SRU ne le permet qu'avec un décalage de deux ans et, en cas d'excédent de subvention, il ne peut être reporté que d'une année. Pour le lancement d'un troisième programme de 42 logements sociaux, la seule solution a été de vendre le terrain à sa pleine valeur en 2009, et de réduire la charge foncière de plus de la moitié de sa valeur par subventions à l'organisme HLM, échelonnées sur les années 2009 à 2012, période prévue pour la réalisation du programme, cette formule permettant la compensation du prélèvement de 2011 à 2015. Actuellement, un projet de construction d'un EHPAD de 84 lits sur un terrain appartenant à la commune, estimé à 1,8 M€, a été retenu. L'application d'un prélèvement majoré à partir de 2016, rapproché du don envisagé du terrain de l'EHPAD par la commune, apparaîtrait donc comme une « double peine » infligée à la commune. Il lui demande s'il ne serait pas envisageable soit d'annuler la majoration, voire le prélèvement lui-même, jusqu'à compensation du don du terrain de l'EHPAD, soit un aménagement de la loi SRU permettant la compensation des prélèvements par des contributions communales à la réalisation de logements sociaux dès l'année suivante et sans limite de durée jusqu'à épuisement.
M. Christian Cambon. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés financières particulièrement lourdes que rencontrent de nombreuses communes, petites et moyennes, qui comprennent un important habitat pavillonnaire et n'ont pas de terrains disponibles pour réaliser les 20 % de logements sociaux imposés par l'article 55 de la loi relative à solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Je note du reste, ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx s'apprêtant à poser une question allant dans le même sens, qu'une fois de plus des parlementaires soulignent la difficulté de la mise en œuvre de cette loi pour nombre de nos communes, communes qui ne remettent pas en cause ni ne contestent l'obligation qui s'impose à elles, mais qui se trouvent néanmoins confrontées à la rigueur du texte et à l'interprétation trop stricte et trop sévère qu'en font les préfets.
Pour illustrer cette difficulté, je prendrai l'exemple d'une des nombreuses communes du Val-de-Marne – Périgny-sur-Yerres, Le Perreux-sur-Marne, Vincennes… –, celui d'Ormesson-sur-Marne, petite commune de 10 000 habitants.
Malgré une politique d'achat et de portage de terrains en vue de la réalisation de logements sociaux, engagée dès les années quatre-vingt-dix, la ville s'est trouvée, lors de la promulgation de la loi SRU, sans aucun logement éligible à ce titre, les logements sociaux construits antérieurement ayant tous été acquis par leurs occupants, conformément à la politique qui était encouragée à l'époque.
La ville d'Ormesson-sur-Marne a donc été redevable d'un prélèvement de quelque 95 000 euros annuels, porté à 180 000 euros annuels à compter du 1er janvier 2009.
Pour deux nouveaux programmes de logements sociaux, les subventions communales ont été acceptées en compensation, mais la loi SRU ne permet une telle compensation qu'avec un décalage de deux ans et, en cas d'excédent de subvention, d'une seule année.
Pour le lancement d'un troisième programme de quarante-deux logements sociaux, la seule solution permettant la compensation du prélèvement de 2011 à 2015 a été de vendre le terrain à sa pleine valeur en 2009 et de réduire la charge foncière de plus de la moitié de sa valeur par subventions à l'organisme HLM, échelonnées sur les années 2009 à 2012.
Actuellement, la ville entreprend un nouvel effort pour se mettre en conformité avec la loi : le projet de construction d'un établissement hospitalier de quatre-vingt-quatre lits, accueillant des malades de longue durée, sur un terrain lui appartenant et estimé – tout de même ! – à 1,8 million d'euros dont elle va faire don pour que l'opération soit menée à bien.
L'application d'un prélèvement majoré à partir de 2016 s'ajoutant au don de ce terrain apparaîtrait donc comme une « double peine » infligée à Ormesson-sur-Marne.
Il est indéniable que cette commune, comme bien d'autres, fait des efforts notables pour remplir ses obligations en termes de logements sociaux, dans la mesure des terrains disponibles dans une région où, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, le foncier public est plus difficile à identifier que dans d'autres.
Dans le même temps, une ville beaucoup plus importante du Val-de-Marne, Vincennes, a vu diminuer de 20 % l'objectif triennal de logements sociaux à construire pour la période 2008-2010 afin que soient prises en compte ses particularités.
Les maires ont donc le sentiment que des traitements très différenciés s'appliquent selon les villes, ce qui, en l'occurrence – de manière assez déplaisante, car les maires ne cherchent jamais à ouvrir des contentieux –, a conduit récemment le maire d'Ormesson-sur-Marne à saisir le tribunal administratif de Melun en déposant un recours contentieux pour défaut de base légale.
Ce maire fonde son action sur l'illégalité de la décision de doublement de la majoration, laquelle interviendrait en contradiction avec la position de la commission départementale, qui, très souvent, porte un jugement beaucoup plus nuancé sur l'application des pénalités.
Monsieur le secrétaire d'État, ne serait-t-il pas envisageable soit d'annuler la majoration, voire le prélèvement lui-même, jusqu'à compensation du don du terrain à l'établissement hospitalier, soit de prévoir un aménagement de la loi SRU permettant la compensation des prélèvements par des contributions communales à la réalisation de logements sociaux dès l'année suivante et sans limite de durée jusqu'à épuisement ?
Pour de petites et moyennes communes, dont, hélas ! Ormesson-sur-Marne n'est pas le seul exemple, c'est tout l'équilibre budgétaire qui est en jeu.
Tous les maires, vous le savez, sont d'accord pour participer à l'effort de solidarité en matière de logement social, dont nul ne conteste le bien-fondé, pourvu que la spécificité des communes, et notamment leur histoire, soit prise en compte et que soit mesuré l'effort qu'elles accomplissent pour se mettre en conformité avec la loi.
Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses, que j'espère encourageantes, que vous pourrez apporter à ces maires en difficulté.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Benoist Apparu, qui ne peut être présent ce matin mais qui m'a chargé de vous faire part de la réponse préparée à votre intention.
Vous évoquez les difficultés rencontrées par de nombreuses communes pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre du fameux l'article 55 de la loi SRU, notamment par celle d'Ormesson-sur-Marne, dont l'exemple est en effet significatif.
Cette commune, qui compte aujourd'hui 0,8 % de logements sociaux, a rempli son obligation triennale, pour la période 2005-2007, à hauteur de 11 %, ce qui a conduit à une majoration de son prélèvement de 85 %.
Vous soulignez que cette commune n'a pas de terrain disponible – c'est un problème auquel plusieurs communes de ma région sont également confrontées – pour permettre la réalisation de logements sociaux.
Mais, selon Benoist Apparu, la construction n'est pas la seule solution. Il est également possible d'agir via l'acquisition-amélioration de bâtiments et d'en faire des logements sociaux.
Il existe de nombreux outils dans le domaine de l'urbanisme qui permettent d'augmenter le stock de logements sociaux. Ainsi, le plan local d'urbanisme, le PLU, peut prévoir différents dispositifs en ce sens. D'ailleurs, le compte rendu de la commission départementale qui s'est réunie en juillet 2008 prévoyait de réviser le PLU afin d'introduire des emplacements réservés et de majorer le coefficient d'occupation des sols, le COS, pour faciliter la production de logement social.
Enfin, le droit de préemption urbain renforcé peut aussi être mis en œuvre.
Deux autres dispositifs existent. Ormesson-sur-Marne fait partie de la communauté d'agglomération du Haut Val-de-Marne, qui a adopté son programme local de l'habitat, le PLH, en octobre 2007, pour la période 2008-2013. Ce document doit permettre de préciser, sur une période de six ans, les objectifs de réalisation de la commune et la typologie des logements qui y seront réalisés. En outre, le PLH permet la mutualisation des objectifs d'une commune et peut donc aider la commune d'Ormesson-sur-Marne, le temps pour elle de remplir ses obligations, si les autres communes membres de l'EPCI en sont d'accord.
Il faut ajouter que la commission départementale précisait qu'un contrat de mixité sociale devait être signé. Ce contrat doit définir les actions et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre l'objectif de la période triennale en cours, 2008-2010, et accompagner la commune dans sa recherche de solutions.
Vous évoquez le report des dépenses déductibles et indiquez qu'un excédent de subvention « ne peut être reporté que d'une année ». Les conditions de report du surplus des dépenses déductibles ont été revues en 2007. Désormais, le report sur plus d'une année est possible. Je vous invite donc à vous rapprocher des services territoriaux de l'État afin qu'ils vous apportent des explications détaillées.
Le Gouvernement souhaite que, dans la mise en œuvre de l'article 55 de la loi SRU, l'État soit inflexible, mais qu'il soit également un partenaire et un facilitateur, afin d'aider les collectivités locales à mettre en place une réelle mixité sociale. Pour ce faire, il faudra jouer intelligemment entre les dispositifs existants, les mesures souhaitables et celles qui sont effectivement réalisables, le droit existant et l'ensemble des subtilités juridiques que je viens d'évoquer.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions. Il est vrai qu'un certain nombre de dispositifs permettent à la fois de mettre en œuvre les objectifs de la loi et d'en alléger les rigueurs.
Je me permets d'insister sur ce problème, qui reste très important, notamment en région parisienne : dès qu'un maire propose d'augmenter le COS ou prend une décision de densification, des recours sont immédiatement introduits, ce qui fait parfois perdre des mois, voire des années. Des maires dont la bonne volonté est établie, comme ceux de Périgny et du Perreux-sur-Marne, se trouvent alors pénalisés.
Vous avez également évoqué les possibilités d'aménagement des dispositifs de reprise et d'étalement des charges dans le temps. Je souhaite que l'État soit attentif non seulement à punir mais aussi à conseiller, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le département du Val-de-Marne. J'espère que M. Benoist Apparu donnera des consignes pour que ses services adoptent l'état d'esprit que vous évoquez, celui d'un État partenaire, qui ne se contente pas de sanctionner les communes, pour lesquelles cette obligation est très lourde.
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