Mme Catherine Procaccia attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique sur le statut des adresses électroniques des élus pour la constitution de bases de données des adresses électroniques d'élus.
Si l'article L. 34-5 du code des postes et communications électroniques pose comme principe l'interdiction de l'utilisation de l'adresse électronique d'une personne physique si celle-ci n'a pas « exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen », il prévoit également une exception dans le cadre d'un usage « professionnel », lorsque les données ont été recueillies loyalement.
Les messageries des parlementaires sont envahies de mails ayant pour corps de message un contenu strictement identique et non personnalisé car certains sites Internet proposent aux internautes de signer des pétitions en ligne. Pour ce faire, il suffit aux internautes de remplir un formulaire et au choix soit d'envoyer le message type à tous les parlementaires ou alors de sélectionner une région ou un département et le message est automatiquement transmis aux parlementaires concernés.
De plus, certains sites précisent clairement que la base de données qui regroupe les coordonnées électroniques des parlementaires utilisée pour ce type d'envoi a été constituée via les sites des assemblées. L'existence des adresses électroniques sur ces sites institutionnels peut-elle être assimilée à un consentement préalable ou alors ces adresses sont-elles considérées comme étant d'un usage professionnel ?
Elle lui demande si la constitution bases de données d'adresses électroniques institutionnelles et publiques d'élus nationaux ou locaux, puis, leur mise à disposition et leur utilisation via des sites Internet pour faire « remonter » des pétitions à ces élus, entre dans le champ de l'exception au principe du consentement préalable.
Elle souhaite savoir si le Gouvernement entend trouver une solution afin que l'utilisation de ce type de fichier soit règlementée de manière à permettre aux élus de connaître les demandes des citoyens, sans pour autant « paralyser » les messageries électroniques concernées, et si la CNIL doit autoriser préalablement l'existence de ce type de base de données.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le statut des adresses électroniques des élus pour la constitution de base de données par des pétitionnaires. Elle nous concerne tous.
Si l'article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques pose comme principe l'interdiction de l'utilisation de l'adresse électronique d'une personne physique si cette dernière n'a pas « exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen », il prévoit cependant une exception dans le cadre d'un usage « professionnel », lorsque les données ont été recueillies loyalement.
Nous constatons tous que nos messageries parlementaires sont envahies de mails ayant pour corps un message dont le contenu est strictement identique et non personnalisé. En cherchant la raison pour laquelle je recevais des mails relatifs à des pétitions qui ne me concernaient absolument pas, j'ai découvert que certains sites internet proposaient aux internautes de signer des pétitions en ligne. Pour ce faire, il leur suffit de remplir un formulaire et d'envoyer le message type au choix à tous les parlementaires, soit plus de 900 personnes, ou à ceux d'une région ou d'un département sélectionné, sans connaître le nom des élus. Par un seul clic, le message est automatiquement transmis aux parlementaires concernés.
Certains sites précisaient clairement que leurs bases de données avaient été constituées via les portails officiels des assemblées…
Dans ces conditions, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si l'utilisation pour des envois de courriers non personnalisés d'adresses électroniques trouvées sur des sites institutionnels, qu'il s'agisse de ceux des assemblées parlementaires ou de ceux des collectivités territoriales, peut être considérée comme un usage professionnel ou si elle nécessite un consentement préalable ? La constitution de fichiers d'adresses électroniques institutionnelles et publiques des élus nationaux ou locaux, puis leur mise à disposition via des sites internet destinés à diffuser des pétitions entrent-elles dans le champ de l'exception au principe du consentement préalable ?
Enfin, le Gouvernement entend-il trouver une solution pour réglementer l'utilisation de ce type de fichiers, de manière à permettre aux élus de connaître les demandes réelles des citoyens sans que leurs messageries électroniques se trouvent paralysées ? Pouvons-nous saisir la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, pour que celle-ci autorise préalablement, à l'avenir, l'existence de ce type de bases de données ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, à travers la question que vous avez adressée à Mme Kosciusko-Morizet, qui ne pouvait être présente ce matin, vous soulignez la difficulté de trouver un équilibre, dans l'utilisation du courrier électronique, entre le droit légitime des citoyens de s'adresser à leurs élus et l'abus qui peut parfois résulter du recours à de tels messages pour envoyer des pétitions.
À ma connaissance, ce problème n'a pas donné lieu à jurisprudence, mais des pistes existent.
Toutefois, l'article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, que vous avez cité, vise à encadrer la prospection commerciale, c'est-à-dire l'offre de biens ou de services. Il ne constitue donc pas une base juridique applicable aux pétitions en ligne, sur lesquelles porte votre question et qui n'ont pas un but commercial.
En outre, concernant cet article, la CNIL a estimé, lors de sa séance du 17 février 2005, qui a donné lieu à un communiqué en date du 2 mars 2005, que « des personnes physiques peuvent être prospectées par courrier électronique à leur adresse électronique professionnelle […] sans leur consentement préalable », si le message leur est envoyé « au titre de la fonction qu'elles exercent dans l'organisme privé ou public qui leur a attribué cette adresse ».
Or les adresses électroniques des parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat sont bien de nature professionnelle, et recevoir une pétition envoyée par un citoyen entre pleinement dans le cadre de la fonction d'un élu, même si cette pétition n'est pas personnalisée. On peut également considérer que le parlementaire, en communiquant sa biographie et son adresse électronique pour qu'elles soient mises en ligne, a consenti à leur utilisation par les électeurs.
Pour conclure, diffuser une pétition par voie électronique à partir des adresses des parlementaires collectées sur les sites des assemblées me semble parfaitement légal. Néanmoins, comme vous le soulignez, madame la sénatrice, cette pratique peut aboutir à encombrer la messagerie des élus et à entraver leur travail. Il est nécessaire de trouver une solution, qui pourra être sinon juridique, du moins organisationnelle.
Par exemple, il est peut-être envisageable d'encadrer le processus de pétition, en créant sur les sites des deux assemblées une fonctionnalité ad hoc reliée à une application spécifique qui dépouillerait les courriers électroniques et présenterait à l'élu un résultat global, car c'est le nombre de pétitionnaires qui importe.
En prenant ainsi l'initiative de développer la procédure de pétition, les assemblées donneraient un nouvel exemple de leur engagement en faveur de la participation des citoyens à la démocratie et au débat public.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse sur ce sujet, qui vous concerne indirectement. J'apprécie qu'elle comporte des pistes de solutions. Il conviendra de nous tourner vers les assemblées pour créer la fonctionnalité que vous avez évoquée, mais aussi, éventuellement, d'intervenir de nouveau auprès de ces sites qui, sans scrupules, proposent aux internautes d'envoyer un message à quelque mille élus, sans vérifier d'ailleurs qu'une même personne ne signe pas plusieurs fois la pétition proposée !
Je le répète, c'est notre travail de parlementaires qui est en jeu ici : à cause de ce type de pratiques, les messages importants ou personnels que nous recevons ne sont plus visibles, noyés qu'ils sont dans quatre cents ou cinq cents courriers ! Je m'adresserai donc aux autorités du Sénat pour que soit mis en place un dispositif permettant d'assurer à la fois le respect du droit de pétition et celui du travail parlementaire.
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