M. le président. Nous avons le temps d'aborder une dernière question. Je donne donc la parole à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre d'État, que l'on considère Copenhague comme un demi-succès ou comme un demi-échec, notre déception est à la hauteur des attentes qu'avait suscitées la préparation de ce Sommet.
Il est temps de tenir un langage de vérité sur l'environnement, me semble-t-il : les négociations internationales sur le climat mettent en jeu des intérêts nationaux, qui peuvent paraître négligeables au regard du temps long et à l'échelle de la planète, mais que les négociateurs ne sont pas prêts à sacrifier à court et à moyen terme.
Si notre pays considère qu'une politique ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre est incontournable et nécessaire, comme je le crois, il doit cesser de délocaliser ses pollutions et consentir aux efforts de mise en valeur de ses propres ressources.
En dehors de tout accord global et juridiquement contraignant à l'issue de Copenhague, et alors que le marché des quotas de C02 n'est pas sérieusement régulé, que fait la France, en tant qu'acteur important de l'Union européenne, pour s'opposer aux importations de produits fabriqués et acheminés dans des conditions plus défavorables, en termes de bilan carbone, qu'ils ne le seraient en Europe, hormis, je vous l'accorde, monsieur le ministre d'État, défendre les engagements d'aide que vous avez cités ? Et que fait-elle sur son propre territoire ?
Je pense en particulier à l'engagement du Président de la République de tripler le tarif d'achat de l'électricité produite à partir de la biomasse. Cet objectif s'est traduit par un arrêté tarifaire qui pose des conditions si restrictives, notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts, que, dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, qui sont pourtant proches des ressources du terrain et les mieux à même de mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d'électricité de proximité favorisant le développement local, perdent le bénéfice de cette annonce, qui est dès lors réservé aux seuls grands groupes des secteurs du papier ou de la chimie !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Madame la sénatrice, vous avez posé deux questions.
J'aborderai tout d'abord les négociations internationales. Je le répète, Copenhague constitue une étape sur le chemin du post-Kyoto. Le week-end dernier, les représentants des grands pays émergents réunis à New Delhi ont déclaré qu'ils soutiendraient et amplifieraient Copenhague.
Dans trois jours, à Addis-Abeba, cinquante-quatre pays africains, menés, vous le savez, par le Premier ministre éthiopien, M. Meles Zenawi, et le ministre de l'environnement algérien, M. Chérif Rahmani, demanderont, du moins je le pense, que le processus de Copenhague soit confirmé et amplifié.
Ainsi, en quelques semaines, avant le 31 janvier prochain, les pays souhaitant confirmer, soutenir et amplifier Copenhague seront passés de 28 à 130 ou 140 ! Notre problème, à présent, est d'engager des actions concrètes et de mettre en œuvre, notamment, le plan « justice-climat ».
J'en viens à la politique que nous menons dans le cadre national. Je vous remercie, madame la sénatrice, d'avoir évoqué brièvement la biomasse. Vous le savez, nous avons élaboré un plan ambitieux en la matière. La semaine dernière, nous avons d'ailleurs sélectionné, dans le cadre d'un appel d'offres, trente-deux centrales de biomasse.
Le point particulier que vous évoquez fait partie de nos contradictions, et celles-ci sont habituelles en pareille matière : nous devons concilier le développement de la biomasse avec les dispositions du plan « santé-environnement » relatives aux particules.
Vous le savez, les entreprises qui produisent plus de 5 mégawatts, et qui bénéficient donc de tarifs plus élevés, puisque ceux-ci ont été triplés conformément aux engagements, possèdent des filtres à particules. En dessous de ce seuil, elles n'en disposent pas. Or, pour l'instant, nous ne souhaitons pas un développement massif de la biomasse produite sans filtres à particules. Ce point fait partie des difficultés que nous rencontrons, mais j'espère que nous surmonterons bientôt cette contradiction.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour la réplique.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre d'État, nous pourrions en effet considérer que le demi-échec de Copenhague n'empêchera pas d'arriver un jour à un traité global.
Toutefois, ce qui est certain, c'est que l'idée que l'on puisse fixer un prix mondial pour le carbone a reculé à Copenhague. Nous sommes donc au pied du mur, et nous attendons des États, et surtout de l'Union européenne, qu'ils fixent un cadre aux agents économiques privés, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages, pour que ceux-ci s'organisent en vue de la transition énergétique.
Or, depuis les années 1990, l'Union européenne a tout misé sur le marché du carbone, puisqu'elle a refusé en son temps une taxation européenne de ces émissions.
Dès lors, soit nous continuons de privilégier le marché, et alors donnons-nous les moyens de le réguler et de le superviser, soit, et cette idée revient aujourd'hui en force, nous nous dotons d'une fiscalité – je n'évoque pas la taxe aux frontières, qui constitue un mécanisme de protection –, ce qui suppose que les États membres de l'Union européenne soient unanimes, et donc que nous soyons capables de convaincre !
En tout cas, nous devrons accomplir ce travail, d'autant qu'il nous faudra, à partir de 2012, fixer les enchères pour le marché des quotas, car, à 13 euros la tonne, celui-ci ne peut fixer le prix du carbone ni à l'échelle de l'Europe ni à celle du monde !
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