Mme Françoise Cartron. Ma question portera sur la carte scolaire, son assouplissement et les résultats aujourd'hui constatés.
Ces dernières années, les inégalités sociales se sont accentuées et, par effet de miroir, la carte scolaire les reflète, les cristallise, conduisant à une concentration des difficultés dans un certain nombre d'établissements scolaires. C'est pourquoi la sectorisation telle qu'elle existait connaissait des dysfonctionnements, avec par exemple les stratégies de contournement utilisées par certaines familles, inquiètes pour l'avenir de leurs enfants.
Devant ce constat, le Gouvernement a fait le choix de l'assouplissement de la sectorisation et de l'autorisation de son contournement, instituant ainsi les inégalités scolaires, ghettoïsant encore plus certains établissements. En effet, il ne suffit pas de « détricoter » l'existant, certes imparfait, pour mettre en place une politique plus juste. Il ne suffit pas non plus de quelques mesures censées aider les plus méritants pour permettre plus d'égalité.
L'enquête PISA de l'OCDE montre clairement que l'écart excessif entre établissements constitue un des éléments les plus défavorables à la performance du système éducatif français. De même, le rapport de la Cour des comptes de novembre 2009 indiquait que l'abandon de la carte scolaire s'est traduit par une plus grande concentration des facteurs d'inégalité dans les collèges classés en zones sensibles. Au nom du libre choix, c'est l'égal accès à l'éducation pour tous les jeunes qui est remis en cause.
Monsieur le ministre, allez-vous poursuivre cette politique de désectorisation de l'école, sacrifiant ainsi de nombreux enfants « captifs » de leur quartier, ou allez-vous mettre en œuvre une politique ambitieuse, dotée des moyens nécessaires pour permettre à tous ces établissements dits « sensibles » de devenir des lieux d'excellence pédagogique pour tous ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Luc Chatel, ministre. Madame la sénatrice, je ne crois pas que l'on sacrifie les élèves en assouplissant la carte scolaire. Vous-même avez d'ailleurs reconnu les limites d'un système qui a été instauré dans les années soixante. Il était alors considéré comme un outil de régulation nécessaire au regard d'une forte augmentation de la population et de la construction de villes nouvelles ou de quartiers périphériques.
Vous avez raison de dénoncer les effets pervers de pratiques de contournement qui avaient conduit à l'apparition d'un système à deux vitesses. Afin de remédier à cette dérive, nous avons assoupli, depuis 2007, la carte scolaire, en mettant en place des critères de priorité très rigoureux au bénéfice des élèves handicapés, boursiers, faisant l'objet d'une prise en charge médicale, devant suivre un parcours scolaire particulier ou concernés par un rapprochement de fratrie. Au regard de ces critères, deux demandes sur trois ont pu être satisfaites.
Notre objectif est d'aller plus loin, en évitant de retomber dans le phénomène de ghettoïsation qui caractérisait le système précédent. Nous devons donc maintenir les moyens dans les établissements qui pourraient être amenés à perdre des effectifs, de manière à donner aux équipes concernées la possibilité de mettre en place des projets pédagogiques attractifs. Comme je l'ai indiqué devant la commission des finances de votre assemblée, nous envisageons un traitement particulier pour les établissements des réseaux « ambition réussite », qui permettrait de recruter des enseignants sur profil, de mettre en œuvre de véritables projets pédagogiques et d'inciter, y compris financièrement, des enseignants à exercer dans ces établissements.
Nous travaillons donc dans cette direction, en menant une concertation avec les fédérations de parents d'élèves et les syndicats sur le sujet, avec la volonté de ne pas ghettoïser l'école et de remédier aux dérives de la carte scolaire que l'on a pu observer ces dernières années
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, l'intention est certes louable, mais les faits la contredisent. La désectorisation a ghettoïsé un peu plus certains établissements, comme le montre l'exemple des collèges des réseaux « ambition réussite », qui ont perdu plus de 10 % de leurs meilleurs élèves, pourcentage bien supérieur à celui que l'on observe dans d'autres collèges. Pour l'heure, la volonté que vous affichez n'a pas été suivie d'effet.
Plutôt que d'abolir la carte scolaire, il conviendrait à mon sens d'en redéfinir les contours. Ceux-ci ne sont pas intangibles ; il faut aujourd'hui prendre en considération des mutations de population, afin d'instaurer une véritable mixité sociale dans tous les établissements scolaires.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Très bien !
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