M. Jacques Berthou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le département de l'Ain avait connu depuis plusieurs décennies une évolution qui le plaçait parmi les tout premiers départements français pour la part de l'industrie dans l'emploi total.
Aussi, les conséquences de la désindustrialisation de notre pays sont d'autant plus désastreuses dans l'Ain, où le nombre d'emplois dans l'industrie ne cesse de se dégrader. Les perspectives sont inquiétantes : les chiffres d'affaires de nos industriels sont nettement inférieurs en 2009 à ce qu'ils étaient en 2008, et les difficultés de trésorerie, après deux années de sous-activité, accroissent les incertitudes et freinent toute dynamique et toute reprise.
Des secteurs majeurs sont en grande difficulté. La plasturgie, dans le bassin d'Oyonnax, subit de plein fouet la crise automobile, tout comme l'industrie des métaux, dont les chiffres d'affaires sont en baisse de 50 % ; je citerai également la crise sévère que traverse actuellement l'activité du bois.
Géographiquement, des secteurs sont particulièrement atteints. C'est le cas du bassin d'Oyonnax, que je viens de citer, mais aussi du bassin bellegardien, où 170 emplois ont été supprimés, et du bassin burgien, donc au chef-lieu du département, où près de 1 500 emplois l'ont été depuis quelques années. En particulier, la baisse de 50 % de l'activité de Renault Trucks, à Bourg-en-Bresse, a des conséquences importantes sur les entreprises sous-traitantes.
Je vous signale, madame la secrétaire d'État, que, la semaine dernière, une délégation des parlementaires de l'Ain intervenait auprès de M. Wauquiez, secrétaire d'État à l'emploi, pour défendre les 138 emplois que la société Lejaby s'apprête à supprimer dans notre département en ayant choisi de délocaliser sa production.
Madame la secrétaire d'État, la situation préoccupante de mon département est aussi celle de la France ! D'ailleurs, je voudrais bien comprendre comment notre balance commerciale a pu s'effondrer aussi vite en quelques années, et pourquoi le ratio des exportations françaises sur les exportations allemandes, en matière de produits manufacturés, est passé de 56 % en 2000 à 37 % en 2008.
C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'État, ce que vous comptez faire pour redresser notre activité industrielle.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Sur ce point, un certain nombre de considérations générales pourraient être évoquées. Elles l'ont déjà été, soit par M. Chatillon lui-même, soit à travers les éléments de réponse que je lui ai fournis en ce qui concerne le financement, l'innovation, la recherche, les pôles de compétitivité et, de manière générale, le travail mené sous l'impulsion de Christian Estrosi dans le cadre des états généraux de l'industrie.
Je pense qu'il vous sera plus utile encore de disposer de quelques éléments de réponse concernant tout particulièrement les secteurs que vous avez évoqués, notamment la plasturgie.
Dans ce secteur, la France est au cinquième rang mondial et au deuxième rang européen. Oyonnax, dans votre département, est bien l'un des pôles majeurs, avec notamment Plastics Vallée. C'est l'un des pôles sur lesquels nous comptons – en considération du nombre d'entreprises, petites et grandes, et de la capacité d'innovation – pour faire rayonner nos compétences et notre efficacité en la matière.
Plusieurs projets, et même plusieurs dizaines de projets ont déjà été financés au titre de ces pôles de compétitivité.
Je voudrais également vous indiquer que, dans le cadre du neuvième appel à projets de mars 2010, deux projets de plasturgie sont ou seront de nouveau financés par le fonds unique interministériel, et ce pour plus d'un million et demi d'euros.
Je voudrais aussi dire un mot sur l'entreprise Lejaby. J'ai déjà répondu ce matin, au nom de Laurent Wauquiez et de Christian Estrosi, à l'un de vos collègues députés à l'Assemblée nationale sur ce sujet. Outre les dispositions générales qu'il a prises pour soutenir la filière du textile et de l'habillement, le ministre chargé de l'industrie a bien l'intention d'être à la disposition de l'ensemble des élus et des responsables de l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Après l'intervention de Jacques Berthou, on ne peut que constater l'ampleur de la désindustrialisation.
Il s'agit en effet d'un phénomène de très grande ampleur, ce qui a amené le groupe socialiste à demander au Sénat, à son président et à son bureau, la création d'une mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires.
Cette création était de droit, et nous l'avons obtenue.
À nous à présent de faire en sorte que cette mission commune fonctionne et réalise un diagnostic complet du phénomène dans toute son ampleur, étant rappelé que la désindustrialisation conduit des dizaines de milliers de personnes au chômage, sans emploi, et amène des TPE et des PME à connaître des difficultés d'accès au crédit, voire parfois à fermer leurs portes.
Ce qui manque, assurément, c'est une stratégie industrielle axée sur les filières !
J'ai bien entendu l'ensemble des interventions, et la réponse de Mme la secrétaire d'État. Ce qui compte aujourd'hui, c'est effectivement d'avoir des résultats. Nous sommes convaincus que la situation actuelle est d'une gravité telle qu'il nous faut trouver, dans les mois qui viennent, des axes d'action pour essayer de retrouver un dynamisme industriel que nous avons perdu.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Cette mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires, que vous présidez, monsieur Bourquin, et dont le rapporteur est notre collègue Alain Chatillon, auteur de la question, rassemble des sénateurs de toutes sensibilités. Sachez que le Sénat examinera avec beaucoup d'attention ses conclusions, pour les faire ensuite partager.
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