Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Président de la République ne manque pas une occasion d'afficher son ambition d'une France présente dans le concert des nations, présente aussi à l'intérieur de la zone euro, grâce à une politique industrielle ambitieuse capable de résister aux sirènes des délocalisations comme au désengagement des capitaux de la sphère productive au profit de la tyrannie financière.
C'est ainsi qu'il fixait, lors de son déplacement du 4 mars dernier dans mon département, les objectifs de sa nouvelle politique industrielle : augmentation de 25 % de la production industrielle d'ici à la fin de l'année 2015 ; pérennisation de l'emploi industriel sur le long terme ; soutien au retour d'une balance commerciale excédentaire en cinq ans ; augmentation de 2 % de la part française dans la valeur ajoutée industrielle européenne.
Les Marseillais ont sous les yeux une tout autre réalité en ce qui concerne la politique industrielle menée dans notre pays. Legré-Mante, une entreprise de fabrication d'acide tartrique implantée sur la commune depuis deux siècles et unique producteur en Europe, a fermé, dans l'indifférence des pouvoirs publics, maintes fois sollicités, mais en vain.
Le silence du préfet a laissé carte blanche à la famille Margnat, propriétaire de l'usine, qui a ainsi pu s'exonérer de tout plan social, a découragé les repreneurs potentiels, a vendu l'outillage et les machines à une entreprise du Vaucluse dans laquelle elle possède des intérêts et s'apprête à faire une juteuse opération foncière sur le littoral marseillais – on parle de plusieurs dizaines de millions d'euros !
Aujourd'hui, les ex-salariés de Legré-Mante, privés d'emploi et d'avenir, entendent avec amertume les discours de ce gouvernement.
Je vous pose donc la question, madame la secrétaire d'État : laisserez-vous détruire un à un tous les emplois industriels de mon département, de la chimie au raffinage en passant par la sidérurgie ou la construction d'hélicoptères,…
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Isabelle Pasquet. … avant de prendre les mesures indispensables contre les prédateurs qui accumulent les profits avant de laisser aux collectivités des sites pollués, des travailleurs sans emploi et des territoires sinistrés ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Un mot, d'abord, à Mme Pasquet concernant l'entreprise Legré-Mante, qu'elle a citée. Comme vous le savez, c'est la justice qui a prononcé, il y a près d'un an, la liquidation judiciaire de cette entreprise. Comme il s'agit d'une décision de justice, il n'appartient évidemment pas au Gouvernement de la commenter.
Je souhaiterais aussi revenir sur les objectifs que le Président de la République a fixés en matière de politique industrielle. On assiste – chacun, je crois, le ressent – au retour d'une véritable volonté industrielle, qui doit évidemment rattraper le retard de compétitivité pris depuis le début des années deux mille, notamment par rapport à notre principal concurrent, l'Allemagne, comme chacun sait.
Avant le Président de la République, avait-on parlé de relocalisation et créé une prime en la matière ? Bien entendu, la réponse est non : c'est lui qui a lancé cette nouvelle politique. Avait-on avant travaillé sur les filières, de manière particulièrement pragmatique, en nommant, par exemple, un médiateur de la sous-traitance à l'intérieur du pays, médiateur auquel je compte d'ailleurs bien avoir recours pour ma part aussi pour la sous-traitance à l'international ? Non, là encore, il s'agit d'une innovation impulsée par le Président de la République, qui a demandé à Christian Estrosi de la mettre en œuvre.
Même si le travail est de longue haleine, et que les objectifs fixés par le Président de la République s'inscrivent évidemment dans le moyen et le long terme, c'est-à-dire à plusieurs années devant nous – pensons, par exemple, aux avances remboursables pour la réindustrialisation : il faudra du temps avant que l'argent revienne ! –, nous sommes d'ores et déjà réconfortés par certains chiffres qui viennent de paraître, notamment ceux de la production industrielle et ceux des exportations. Ils sont dans les deux cas encourageants depuis le début de l'année, signe que la nouvelle énergie française commence à nous faire gagner des points.
(M. Alain Gournac applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La recherche et développement est l'une des clés d'une politique industrielle innovante.
Dans ce domaine, l'explosion du crédit d'impôt recherche ne peut pallier les manques en R&D des entreprises privées, qui y voient surtout une manne financière. En vérité, depuis vingt ans, la recherche de rentabilité financière nous tient lieu de politique industrielle.
Voici le bilan des délocalisations massives : 25 000 emplois perdus chaque mois depuis 2009, et près de 300 000 menacés au début de 2010 !
De plus, alors que la formation devrait être le pilier d'une nouvelle politique industrielle, la voie technologique voit ses options spécialisées diminuer pour cause de RGPP. Les filières professionnelles et agricoles, on le sait, sont elles aussi malmenées par les suppressions de postes, alors qu'il s'agit de filières d'excellence, essentielles pour l'insertion des jeunes et le besoin de main-d'œuvre de nos industries.
Madame la secrétaire d'État, le secteur industriel innovant, diversifié, relevant le défi d'un développement durable, a besoin d'emplois qualifiés : cela nécessite d'impulser une véritable politique de formation.
(M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
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