M. Jean-René Lecerf. Madame le ministre d'État, je souhaiterais faire le point sur la mise en œuvre de la loi pénitentiaire et, par conséquent, sur la publication des textes nécessaires à son application.
Si l'assignation à résidence avec surveillance électronique, qui permettra de limiter le recours à la détention provisoire, a fait l'objet d'un décret le 10 avril dernier, qu'en est-il de l'obligation d'activité, l'une des mesures phares de cette loi, qui suppose la prise d'initiatives en vue d'offrir des occasions renouvelées de travail ou de formation professionnelle en milieu carcéral ?
Je le rappelle, cette obligation d'activité, qui comporte une consultation des personnes détenues, s'accompagne en contrepartie d'une aide en nature ou en numéraire aux personnes indigentes.
Dans le cadre du développement du travail carcéral, les représentants du Gouvernement s'étaient engagés, lors des débats parlementaires, à mettre en chantier une réforme du code des marchés publics permettant d'attribuer un droit de préférence, à équivalence d'offres, aux entreprises donnant du travail aux personnes détenues ou au service pénitentiaire de l'emploi : où en sommes-nous ?
De même, beaucoup d'espoirs reposent sur l'élaboration de règlements intérieurs-cadres pour chaque catégorie d'établissements pénitentiaires – maisons d'arrêt, centres de détention, maisons centrales –, qui permettraient d'apporter enfin une solution globale à des problèmes quotidiens particulièrement sensibles, concernant notamment le coût des cantines et celui de la location de téléviseurs, ou d'inciter à l'usage de formules classiques de politesse et au vouvoiement.
Enfin, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a exprimé devant la commission des lois de notre assemblée son souci de voir respecter la confidentialité des courriers qu'il échange avec les personnes détenues. Qu'en est-il aujourd'hui sur ce point ?
Nous sommes nombreux à être convaincus d'avoir voté un texte fondateur en adoptant la loi pénitentiaire. Il convient que, avec l'aide du Gouvernement et de l'administration pénitentiaire, il puisse s'appliquer dans son intégralité le plus rapidement possible. Je sais que vous y veillez, madame le ministre d'État, et je vous en remercie.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Lecerf, ma première responsabilité est de mettre en œuvre la loi pénitentiaire telle que le Parlement l'a votée.
J'ai moi-même souhaité que chaque détenu puisse bénéficier de cinq heures d'activité par jour. En effet, c'est un facteur très important de réinsertion, et donc de lutte contre la récidive. Cela permet sans doute aussi de faire reculer la violence au sein des établissements pénitentiaires.
Il est vrai que la mise en place de ces dispositions s'inscrit dans un difficile contexte de crise. C'est pourquoi j'ai réactivé un certain nombre de contacts afin de fournir de l'activité aux personnes détenues.
Ainsi, j'inaugurerai dans quelques semaines un troisième centre d'appel à la prison pour femmes de Versailles. J'ai également relancé le partenariat avec le MEDEF et signé avec la fondation M6, voilà une quinzaine de jours, une convention relative au développement des activités culturelles en prison, et ce pour des montants non négligeables.
Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations, après trois expériences réussies d'implantation de cyberbases destinées à donner aux jeunes le goût de l'école par le biais de l'outil multimédia, financera de nouveaux projets dans chacune des régions pénitentiaires.
En outre, en application de l'article 9 de la loi pénitentiaire, cinq régions françaises s'engagent dans l'expérimentation d'actions de formation professionnelle continue des personnes détenues sur leur territoire.
Concernant le droit de préférence, je vous confirme, monsieur le sénateur, que j'ai obtenu l'accord du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi pour introduire une modification du code des marchés publics dans le sens que vous indiquez.
Quant aux dispositions relatives à l'élaboration des règlements intérieurs, le décret d'application sera publié prochainement. Il couvre tous les aspects de la vie en détention.
Enfin, j'ai décidé d'étendre aux communications téléphoniques les mesures garantissant la confidentialité des correspondances adressées au contrôleur général des lieux de privation de liberté et j'ai rappelé très fermement aux directeurs des établissements les consignes en vigueur sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour la réplique.
M. Jean-René Lecerf. Madame le ministre d'État, je vous remercie de ces informations très utiles.
J'aurais pu aussi vous interroger sur la mise en place de l'Observatoire national de la délinquance, de la réserve civile pénitentiaire ou des nouvelles commissions de discipline, mais mon propos ne visait pas à l'exhaustivité. Mon objectif était simplement de rappeler que la loi pénitentiaire représente aux yeux des parlementaires un texte fondateur, qui impose un changement de culture, de façon que la prison ne soit jamais plus ce qu'elle était encore en 2000, c'est-à-dire une « humiliation pour la République ». C'est là notre préoccupation fondamentale.
En conclusion, je forme le vœu que l'administration pénitentiaire fasse davantage preuve de transparence. En particulier, il conviendrait qu'elle donne plus volontiers une suite favorable aux demandes de visite présentées par ceux qui ont pour mission d'informer les citoyens. Pour que les Français se réapproprient les prisons de la République, il faut qu'ils sachent très précisément ce qui s'y passe.
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