M. Michel Billout. Comme cela vient d'être évoqué, l'examen de la loi de finances pour 2011 a été l'occasion de dénoncer les lacunes et le manque de cohérence de la politique gouvernementale en matière d'énergies renouvelables, plus particulièrement en ce qui concerne la production d'énergie photovoltaïque.
Avec la publication, le 9 décembre dernier, d'un décret suspendant l'obligation d'achat d'électricité pour certaines installations utilisant l'énergie radiative solaire, le Gouvernement essaie de gagner du temps pour endiguer les effets d'aubaine des mesures de défiscalisation et d'obligation d'achat. En effet, force est de constater que le Gouvernement n'a pas su encourager la recherche fondamentale et appliquée dans le secteur, pas plus qu'il n'a su mettre en place une filière industrielle de production et de recyclage.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Michel Billout. Ainsi, dans le rapport Charpin sur le photovoltaïque, fait au nom de l'Inspection générale des finances, il est constaté que 80 % des panneaux installés en France sont importés de Chine. Cette situation conduit à un déficit de la balance commerciale, mais le bilan environnemental est également préoccupant. Vous venez de le déplorer de nouveau, madame la ministre, ces panneaux produisent par leur utilisation et leur fabrication 80 % de CO2 de plus que les panneaux français !
Enfin, la question du recyclage des matériels en fin de vie n'est pas suffisamment prise en compte par les autorités publiques. La filière du photovoltaïque est récente et le déchet correspondant n'est pas encore produit. Il le sera dans dix ou dans quinze ans, lors de la fin de vie des premières installations. Or aujourd'hui le photovoltaïque n'est pas inclus dans la directive sur les déchets d'équipements électriques et électroniques, les DEEE.
L'accord volontaire de collecte et de recyclage des panneaux solaires photovoltaïques usagés, signé par plus de trente producteurs internationaux, n'est pas suffisant. Il est important que les autorités publiques ne se désengagent pas de cette question et assurent, notamment, un contrôle strict et une traçabilité irréprochable des produits.
Vous avez annoncé, madame la ministre, qu'une concertation sur le sujet aboutirait fin mars.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Michel Billout. Pouvez-vous nous dire dès à présent quelles mesures concrètes vous prévoyez pour assurer un traitement optimum des déchets à venir et garantir la responsabilité sociale des entreprises de la filière sans pour autant amoindrir le contrôle de l'État ? Dans ce cadre, êtes-vous favorable à une application de la directive sur les DEEE à la filière photovoltaïque ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Roland Courteau applaudit également.)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le sénateur, je suis d'accord avec vous sur beaucoup de points, notamment en ce qui concerne le recyclage. Je reconnais que ce qui est aujourd'hui prévu en la matière est insuffisant.
Les panneaux photovoltaïques sont soumis au droit commun pour le recyclage et ne sont intégrés dans aucune des catégories prévues de déchets spéciaux qui font l'objet de traitements particuliers.
Cette difficulté sera prise en compte lors de la concertation, car elle est très importante même si les médias s'en font peu l'écho. Je vous remercie donc d'avoir soulevé le problème. J'avancerai des propositions dès le mois de mars en même temps que nous remettrons en place le système de soutien de la filière. Il s'agit d'un tout : nous voulons atteindre nos objectifs en termes de volume, d'environnement – y compris en matière de recyclage – et d'emplois. Au mois de mars, je proposerai avec mes collègues du Gouvernement un cadre global qui nous permettra d'atteindre dans un même mouvement ces trois cibles.
M. Roland Courteau. Nous serons vigilants !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je ne sais pas encore si nous appliquerons la directive sur les DEEE à la filière photovoltaïque, car la question mérite plus d'expertise. Nous travaillons actuellement sur le sujet et je ne peux prendre d'engagement précis à ce stade de notre réflexion. Vous le savez comme moi, appliquer cette directive présente des inconvénients et des avantages. Il faut se poser la question de savoir si le photovoltaïque doit faire l'objet d'un système particulier ou s'il peut être intégré dans une filière de ce type.
Pour conclure, j'ajouterai un mot à l'intention de M. Ladislas Poniatowski. Les objectifs fixés pour 2012 et 2020 ont vocation, suivant son souhait, à être équitablement répartis entre les projets sur toitures résidentielles, les projets sur grandes toitures et les centrales au sol. Par conséquent, l'idée d'instituer un quota et de garantir un équilibre entre les différents types de projets sera bien envisagée.
M. Roland Courteau. C'est une bonne idée !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour la réplique.
M. Michel Billout. Madame la ministre, permettez-moi d'insister sur quelques points.
Dans la lettre de mission accompagnant la création de la mission relative à la régulation et au développement de la filière photovoltaïque en France, votre prédécesseur, M. Borloo, demandait d'identifier « un développement pertinent et raisonné de l'énergie photovoltaïque qui permette notamment l'émergence de nouvelles filières industrielles créatrices d'emplois ». Cette demande est intervenue fort tardivement alors que l'obligation d'achat d'EDF existait depuis 2002 ! Elle est intervenue alors que le Gouvernement n'a eu de cesse de fragiliser les investissements productifs dans le secteur énergétique, que ce soit au travers de la privatisation de GDF ou de l'obligation faite à EDF de vendre à bas prix à ses concurrents une partie de sa production d'électricité d'origine nucléaire.
Au lieu de promouvoir une politique énergétique harmonieuse qui assure un mixe énergétique cohérent et efficace, le Gouvernement a mis en place, à coups d'incitations fiscales et commerciales, un système qui coûte cher à nos concitoyens.
La réflexion qui va s'engager sur le photovoltaïque de manière très sectorielle ne réglera rien si vous n'optez pas pour la mise en œuvre d'une politique énergétique d'ampleur ne tournant pas le dos à son industrie, à sa recherche et à l'intérêt général.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
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