Mme Muguette Dini. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale et porte sur la protection de l'enfance, sur la protection de ces très jeunes filles bosniaques, âgées de dix à seize ans, qui sont arrêtées pour des vols à la tire, en particulier dans le métro parisien et sur les sites touristiques.
Madame la ministre, nous connaissons peu de chose de la vie de ces très jeunes filles, pour certaines des fillettes, sinon que, pour la plupart, elles ont été achetées ou arrachées à leur famille par un réseau mafieux.
On leur a appris à voler en bande et inculqué quelques mots de français leur permettant de répondre ce qu'il faut à la police, en cas d'interpellation. En garde à vue, face aux policiers de la brigade des mineurs, leur discours est en effet bien rodé. Elles déclinent la même fausse identité et refusent tout relevé d'empreintes digitales, prélèvement d'ADN ou examen osseux, ce qui ne permet aucune identification concernant leur âge, leur identité, leur adresse.
Ensuite, elles sont généralement placées dans un foyer, d'où elles s'enfuient dans les heures qui suivent. Elles retrouvent aussitôt la rue et leurs activités délinquantes, parce qu'elles ont un contrat d'objectifs à respecter : on sait que chaque jeune fille doit rapporter 300 euros par jour à ses « employeurs ». À défaut, elle sera frappée à main nue, à l'arme blanche, elle subira des actes de torture, des viols.
Madame la ministre, comment peut-on, en toute connaissance de cause, tolérer que, sur notre sol, des mineures soient exploitées et maltraitées tant psychiquement que physiquement ? Comment le Gouvernement entend-il faire respecter le droit de l'enfant à être protégé, comme le prévoit notre loi ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame Dini, vous appelez l'attention du Gouvernement sur un sujet particulièrement grave concernant la protection de l'enfance.
En effet, depuis le début des années quatre-vingt-dix arrivent sur notre sol des mineurs, non seulement bosniaques mais aussi d'autres nationalités, pour se livrer, en bande ou isolément, à des actes de délinquance, avec parfois la complicité de leurs parents.
Le Gouvernement – et tout particulièrement le ministère dont j'ai la responsabilité – soutient un certain nombre de dispositifs, en particulier le dispositif Versini, qui a pour objet, dans les grandes villes, de repérer et de mettre à l'abri ces mineurs.
Évidemment, la justice ne reste pas inactive : outre les actions du parquet des mineurs, les juges sont amenés à ordonner le placement provisoire de ces mineurs délinquants dans un établissement pour enfants ou dans une famille d'accueil. Cependant, comme vous l'avez fait remarquer, les fugues sont fréquentes, ce qui constitue un obstacle à leur remise à un parent de confiance ou à l'aide sociale à l'enfance, et même à leur retour au pays.
C'est pourquoi le démantèlement de ces réseaux mafieux est très important pour assurer une réelle protection de ces enfants. Croyez bien que le ministère de l'intérieur s'y emploie.
Il n'en demeure pas moins que nous voulons aller plus loin. C'est ainsi que, sur la proposition de votre collègue Isabelle Debré, nous sommes en train d'expertiser un dispositif interministériel placé sous la responsabilité de la protection judiciaire de la jeunesse.
En matière de coopération internationale, en particulier avec les autorités bosniaques, la France déploie ses efforts au sein du Conseil de l'Europe. Dans cette optique, en 2008, notre pays a ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, à laquelle la Bosnie a également adhéré.
J'ajoute que c'est un officier de gendarmerie français, Nicolas Le Coz, qui vient d'être porté à la tête du GRETA, le groupe d'experts sur la traite des êtres humains, lequel s'est réuni à Strasbourg voilà quelques jours.
Voilà, madame la sénatrice, l'ensemble des actions que mène la France en faveur de la protection des mineurs étrangers, qu'il s'agisse de dispositifs expérimentaux ou d'initiatives au niveau international.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
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