M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur le devenir des activités ferroviaires en Dordogne.
En effet, malgré les engagements pris par la direction nationale de la SNCF en janvier 2010 au cours d'une réunion avec plusieurs élus départementaux, de récents éléments, notamment sur la question des effectifs, rendent toujours aussi incertain l'avenir de l'atelier de production situé sur la commune de Coulounieix-Chamiers. Ce dernier est destiné notamment à la fabrication d'appareils de voie et d'aiguillage.
Par ailleurs, les options envisagées ou prises à l'égard du fret ferroviaire sur les secteurs de Thiviers, Condat le Lardin ou encore du Buisson de Cadouin ne confortent en rien ce mode de transport de marchandises. Pourtant, celui-ci rentre pleinement dans le champ du développement durable.
Aussi, devant ce recul des activités ferroviaires en Dordogne, il lui demande si le Gouvernement souhaite réellement soutenir le maintien du site de Chamiers ainsi que le fret ferroviaire en Dordogne et s'il souhaite, ou non, faire du train un élément important du développement économique en Périgord.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la secrétaire d'État, développer l'attractivité des territoires ruraux est, vous le savez, nous le savons tous, une tâche des plus délicates. La mission devient insurmontable quand il faut en plus lutter, comme c'est le cas en Dordogne, contre le désengagement de l'État. Et, comme si cela ne suffisait pas, nous devons nous battre maintenant pour préserver l'activité de notre réseau ferré. C'est sur ce point précis que je souhaite vous interroger.
En effet, qu'il s'agisse du transport de passagers, du fret ou de ses propres ateliers, la SNCF déserte progressivement mais inéluctablement notre département. Jugez plutôt.
La situation des ateliers SNCF de Chamiers s'aggrave de jour en jour. Si la charge de travail est ponctuellement plus élevée aujourd'hui, c'est simplement parce que de nombreux postes ont encore été supprimés cette année.
J'en viens au fret, priorité environnementale, s'il en est. Là encore, le désengagement est patent. Une gare dédiée au transport du bois a par exemple été ouverte au Buisson-de-Cadouin en 2001 et fermée dès 2003 !
Dans la même veine, au Condat sur Lardin, le conseil général de la Dordogne et les papeteries de Condat, plus grosse activité industrielle de notre département, ont créé en 2003 un embranchement ferré spécialement conçu pour permettre l'expédition par le rail des produits de l'entreprise. Or les exigences de Réseau ferré de France et les hésitations de la SNCF ont rendu impossible tout accord avec l'entreprise. En conséquence, l'outil ferré reste désespérément inutilisé, tandis que l'entreprise s'oriente désormais vers le transport routier !
Et ce n'est pas tout ! Le désengagement ne vaut pas seulement pour le fret : il vaut aussi pour les usagers.
Aujourd'hui, malgré le contrat État-Région, c'est bien le conseil régional d'Aquitaine qui finance les deux tiers des investissements de modernisation des gares. De son côté, la SNCF tente de restreindre les horaires d'ouverture des guichets, comme hier à Thiviers ou aujourd'hui à Périgueux. À Mussidan, elle demande carrément que la commune lui rachète son terrain et démantèle elle-même les rails de l'ancienne voie ferrée !
Que dire enfin de la situation du bureau auxiliaire de Ribérac ? Le coût du terminal de vente que l'office du tourisme de la ville loue est tel que la seule réponse de la SNCF, pour retrouver l'équilibre, consiste à réduire l'amplitude d'ouverture du bureau !
Au total, nous sommes confrontés à une nouvelle contrainte : celle de voir la SNCF déserter méthodiquement notre territoire.
Alors que le rail devrait constituer une solution aux défis que nous avons à surmonter, il devient au contraire une nouvelle source de problème. C'est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'État, je vous demande ce que le M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, compte faire face à cette situation intenable.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, votre question me donne l'opportunité d'affirmer de nouveau la détermination du Gouvernement à tout mettre en œuvre pour assurer le développement du fret ferroviaire. Cet objectif est l'un des axes forts du Grenelle de l'environnement.
L'engagement national pour le fret ferroviaire, qui a été présenté par Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau le 16 septembre 2009 en conseil des ministres, représente un investissement de 7 milliards d'euros d'ici à 2020. Il traduit concrètement l'ambition du Grenelle de l'environnement de porter de 14 % à 25 % d'ici à l'horizon 2022 la part que les transports non routiers et aériens occupent dans l'ensemble du transport de fret.
En cohérence avec cet engagement national, la SNCF met en œuvre son schéma directeur pour un nouveau transport écologique de marchandises. Cela représente un investissement de 1 milliard d'euros d'ici à 2015.
Dans ce cadre, la branche fret de la SNCF a engagé une concertation avec l'ensemble de ses clients chargeurs avec l'objectif de finaliser des offres de transport conformes à leurs besoins, sur la base de propositions économiquement réalistes, dans un contexte de forte concurrence, tant intermodale qu'intramodale.
S'agissant de la Dordogne, la branche fret de la SNCF continue d'assurer des prestations de transport pour les principaux industriels, tels que les carrières de Thiviers et les papeteries de Condat. En revanche, les discussions et négociations entamées avec ses clients pour la poursuite de la desserte ferroviaire du site du Buisson-de-Cadouin ne lui permettent pas, à ce jour, de proposer une offre logistique ferroviaire compétitive par rapport au mode routier.
Une solution ferroviaire pourrait toutefois être trouvée au travers de l'un des axes structurants de l'engagement national qui concerne le développement d'opérateurs ferroviaires de proximité. La branche fret de la SNCF se met en situation de favoriser leur émergence. Ainsi, en région Aquitaine, elle participe aux réflexions menées actuellement par la cellule économique régionale des transports d'Aquitaine, lieu d'échanges et de partenariats entre les acteurs du transport et de la logistique, dont le but est de contribuer à la réussite d'un schéma ferroviaire innovant impliquant l'ensemble des acteurs économiques et institutionnels.
Par ailleurs, la Dordogne possède un établissement ferroviaire important avec l'atelier de Chamiers, qui est l'un des deux ateliers de la SNCF spécialisés dans la fabrication et la réparation des appareils de voie. Au cours des cinq dernières années, les besoins en matière d'appareils de voie ont enregistré une baisse de l'ordre de 20 %, ce qui a bien entendu affecté l'activité de ces deux ateliers. Même si le site de Chamiers a connu une réduction sensible de ses effectifs, aucun licenciement n'a été prononcé.
La SNCF adapte donc son outil de production à une demande en réduction mais également à un contexte en forte évolution, du fait notamment de l'intensification de la concurrence sur ce marché. Dans ce cadre difficile, elle a pris la décision de maintenir en service les deux ateliers dont elle dispose à l'échelon national, dont celui de Chamiers, en misant sur les résultats de ses efforts commerciaux.
Enfin, pour poursuivre sur une note optimiste, il convient de souligner que le marché serait susceptible d'enregistrer, à partir de 2012, une certaine croissance en raison de l'augmentation des besoins de régénération du réseau dans le cadre du contrat de performance entre l'État et RFF, des plans rail régionaux et du développement des lignes à grande vitesse.
Telles sont les informations que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la secrétaire d'État, je tiens à vous exprimer ma déception.
Vous évoquez la politique de fret qui est inscrite dans le Grenelle de l'environnement. Or, en Dordogne, ce que vous venez de dire est démenti par la réalité ! Certes, il aurait été possible de mettre en place une plate-forme sur le bois à Buisson-de-Cadouin, mais cela ne s'est pas fait, vous l'avez reconnu. Il en est de même pour les papeteries de Condat : aujourd'hui, – je vais vous démentir – cette entreprise ne travaille pas avec la SNCF, car aucun accord n'a pu être trouvé : Réseau Ferré de France a beaucoup tardé à donner sa réponse, la SNCF a tergiversé et, dans les faits, il y a une différence de trois euros à la tonne entre le transport par le rail et le transport par la route. Comme cette entreprise appartient à un grand groupe qui a été restructuré, celui-ci hésite fortement à revenir en arrière et continuera sans doute à privilégier la route.
La situation des ateliers SNCF de Chamiers mobilise l'attention des élus. Mon collègue Bernard Cazeau, le député de la circonscription, Pascal Deguilhem, et moi-même avons écrit à M. le secrétaire d'État chargé des transports. Si aujourd'hui le plan de charge a augmenté et est important, c'est simplement lié au fait que, tous les ans, le personnel a été « dégraissé ». Le savoir-faire disparaît. Aujourd'hui encore, douze à quatorze salariés ne sont pas remplacés. Certes, aucun licenciement n'a lieu, mais la capacité de production ne permet plus de faire face et il en résulte une perte de compétitivité.
Il s'agit d'un problème très important. Après la Société nationale des poudres et des explosifs de Bergerac, après Marbot-Bata, c'est un exemple type de désindustrialisation dans le département de la Dordogne.
Il est un sujet que vous n'avez pas abordé, madame la secrétaire d'État, c'est celui des passagers. Le conseil régional d'Aquitaine est contraint d'intervenir et de se substituer de plus en plus à la SNCF, notamment pour prendre en charge les travaux de rénovation des gares. J'ai cité l'exemple de Mussidan où il faut construire un nouveau parking. Non seulement la SNCF vend très cher ses terrains, mais elle demande de démanteler des rails pour améliorer la capacité d'accueil d'une gare !
À Ribérac, dont la gare a disparu depuis très longtemps, un point de vente a pu être maintenu et installé au syndicat d'initiative, sur proposition de la municipalité. Pour faire baisser les coûts prohibitifs de location, la SNCF répond qu'il faut diminuer les horaires de ce bureau !
Dans ces conditions, madame la secrétaire d'État, vous comprendrez que les réponses que vous venez de m'apporter ne me conviennent pas.
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