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Marie-France Beaufils
Question orale sans débat N° 930 au Ministère de l'outre-mer


Rétablissement des crédits des zones d'éducation prioritaire

Question soumise le 20 mai 2010

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la décision prise par l'inspecteur d'académie d'Indre-et-Loire « de faire une pause » en supprimant les crédits ZEP (zones d'éducation prioritaire) pour l'année 2010 au prétexte que des factures, selon toute vraisemblance hors crédits ZEP, ont été envoyées en retard et qu'elles auraient créé un déficit de 40 000 euros.

Elle rappelle que les crédits alloués à ces quartiers prioritaires, pour accompagner des actions pédagogiques culturelles ou sportives, ne peuvent souffrir une quelconque pause. Elle pense que ces actions n'ont d'intérêt que dans la continuité et veut faire savoir que les élèves comme les enseignants ne comprennent pas une telle sanction financière.

Elle lui demande ce qu'il compte faire pour rétablir dans ces quartiers ces mesures qui contribuent à maintenir des actions en faveur d'élèves de familles plus que modestes.

Réponse émise le 7 juillet 2010

Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, une fois de plus, c'est vous qui allez me répondre, dans un domaine qui ne relève pas de votre compétence ! La dernière fois, ma question s'adressait en effet au ministre de l'agriculture. J'aurais évidemment préféré que M. le ministre de l'éducation nationale soit présent aujourd'hui, alors que je m'interroge sur la suppression des crédits dans les zones d'éducation prioritaires, les ZEP.

En novembre 2005, le président de l'UMP, qui n'était autre que Nicolas Sarkozy, devenu depuis Président de la République, proposait de « déposer le bilan des ZEP » en affirmant que « cette politique a échoué ».

Les zones d'éducation prioritaires ont été créées en 1982 afin d'accorder des moyens éducatifs renforcés aux secteurs défavorisés. L'objectif était bien de « donner plus » à ceux qui ont moins.

Ce dispositif de traitement préférentiel concernait 362 zones prioritaires en 1982 et 876 en 1997. En 2006, on est passé à 249 réseaux ambition réussite, soit une réduction de près de deux tiers, supposée limiter le saupoudrage des moyens.

Le responsable national du syndicat enseignant FSU déclarait alors : « Les moyens supplémentaires qui devraient être là pour les zones d'éducation prioritaires, les ZEP, on ne les voit pas. Il y a un manque d'encadrement éducatif, on a supprimé des postes ces dernières années ».

Cette situation s'est largement dégradée, 62 000 emplois d'enseignants ayant été supprimés depuis 2003. Au moment où l'on débat de la baisse des dépenses publiques, un rapport du ministère de l'éducation nationale vient d'ailleurs de confirmer que la part du coût de l'éducation dans le produit intérieur brut continue de baisser, celle-ci étant passée de 7,6 % en 1995 à seulement 6,6 % en 2008.

Aujourd'hui, les populations des quartiers des zones urbaines sensibles, les ZUS, au sein desquelles on trouve un nombre important de ZEP, sont davantage touchées par l'accroissement du chômage, dont on connaît les conséquences sur la vie des familles.

Alors que les besoins sont encore plus importants, c'est le moment que choisit l'inspecteur d'académie d'Indre-et-Loire pour supprimer les crédits ZEP aux écoles de notre département pour l'année 2010. Vous admettrez, madame la ministre, que cette suppression brutale est à la fois incompréhensible et inacceptable.

En réponse à mon questionnement, l'inspecteur d'académie a avancé l'argument de factures envoyées en retard. J'ai vérifié auprès des principaux responsables et je puis vous assurer que toutes les factures relatives aux ZEP ont été envoyées à temps.

L'inspecteur d'académie ajoute que c'est aussi à cause d'une diminution des crédits affectés au programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » qu'il a été amené à « réétudier les priorités ». Sur ce point-là, je veux bien le croire. Mais je ne puis accepter qu'une fois de plus cette réduction des moyens se fasse au détriment des plus fragiles. Pourquoi s'en prendre ainsi aux classes des écoles des quartiers les plus défavorisés ?

Les enseignants s'accordent à dire que ces crédits sont bénéfiques pour les élèves. Un professeur de ma commune déclare ainsi : « Depuis onze ans, tout le projet pédagogique de l'école passe par le théâtre. Les crédits ZEP nous permettaient de payer les dix heures d'intervention d'un comédien en classe. » Un responsable syndical ajoute : « C'est un moyen d'amener des projets culturels et sportifs dans les quartiers, et ça disparaît ! » Avec cette décision, la continuité d'actions va être compromise, les inégalités scolaires vont être aggravées.

Ces décisions locales de restrictions budgétaires s'inscrivent dans la droite ligne des orientations qui ont été prises au niveau national. Elles en sont la conséquence, comme l'inspecteur d'académie l'indique lui-même dans sa lettre.

Pour la prochaine période, vous voulez aller au-delà, avec l'augmentation du nombre d'élèves par classe, le recours à des non-titulaires pour les remplacements et la suppression partielle ou totale des postes d'enseignants pour les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, spécialisés contre l'échec scolaire. La punition est la même pour le collège, punition à laquelle vous ajoutez la fermeture ou le regroupement des petits établissements.

Et nous venons très récemment d'apprendre que vous auriez l'intention de mettre fin aux ZEP pour les remplacer par le projet CLAIR – collèges, lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite –, qui n'est autre que le démantèlement du service public de l'éducation. Ce programme « a vocation à se substituer aux dispositifs d'éducation prioritaires s'il fait la preuve de son efficacité », déclarait M. le ministre de l'éducation nationale le 26 juin dernier à Marseille. Serait-ce la confirmation de ce que disait M. Sarkozy en 2005 ?

Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour ne pas aggraver davantage encore la situation des élèves les plus en difficultés dans les zones d'éducation prioritaires de notre département d'Indre-et-Loire ?

Il faut d'urgence rétablir les moyens financiers pour ces établissements, conformément aux souhaits des enseignants sur le terrain.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Vous interrogez le Gouvernement sur la « pause » qu'a décidée l'inspecteur d'académie d'Indre-et-Loire dans le versement des crédits dédiés aux établissements scolaires des zones d'éducation prioritaires.

L'inspecteur d'académie a en effet dû procéder à des réajustements budgétaires.

Cela ne signifie pas pour autant que l'éducation dans ces zones prioritaires ait été abandonnée. Bien au contraire, des efforts significatifs ont été fournis pour pallier ces problèmes budgétaires. Une grande partie de l'enveloppe dont disposait l'inspecteur d'académie a en effet été dédiée à de nombreuses actions spécifiquement orientées vers l'éducation prioritaire, comme l'organisation de stages de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances scolaires, ou encore l'accompagnement éducatif, auquel on a consacré une enveloppe d'un montant deux fois plus élevé que celle qui était allouée aux autres départements. Grâce à cette action, 59,7 % des élèves en réseaux de réussite scolaire ou en réseaux ambition réussite ont pu bénéficier d'activités d'aide aux apprentissages et à la pratique des langues vivantes, ainsi que d'activités culturelles et sportives. Je rappelle que la moyenne des élèves concernés au niveau académique est de 28,3 % ; j'espère que vous apprécierez la différence, madame le sénateur.

Des stages ont également été proposés aux professeurs des écoles et des collèges des réseaux de réussite scolaire : chaque école qui le demandait a ainsi pu bénéficier d'un temps de formation. Cet effort très significatif sera d'ailleurs encore développé dans le plan de formation 2010-2011.

Enfin, permettez-moi de vous rappeler qu'un demi-poste d'enseignant supplémentaire a été maintenu pour la commune de Saint-Pierre-des-Corps afin d'intervenir dans les écoles en réseau de réussite scolaire.

Les projets d'école arrivent aujourd'hui à échéance ; les nouveaux seront validés en octobre 2010. Soyez assurée que ceux qui seront proposés par les écoles des réseaux de réussite scolaire et des réseaux ambition réussite seront étudiés et accompagnés en priorité.

Madame le sénateur, il n'est pas et il n'a jamais été question pour le ministère de l'éducation nationale de faire une « pause » dans le soutien à l'éducation prioritaire. Jamais la volonté de rétablir les conditions d'une réelle égalité des chances n'a même été à ce point au cœur de la politique de l'éducation nationale. Pour mettre en œuvre efficacement ce principe, il convient de mieux répartir les moyens et de donner plus à ceux qui ont moins : c'est ce que préconise la Cour des comptes dans son rapport de mai 2010 intitulé L'éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves. C'est précisément notre démarche, afin d'offrir à chaque élève toutes les chances de réussir.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Les crédits alloués relatifs aux zones d'éducation prioritaires répondent à un objectif spécifique : apporter une contribution sous forme de moyens spécifiques aux ZEP. Or, la formation des enseignants ne relève pas de ces crédits : elle ressortit à la responsabilité directe du ministère de l'éducation nationale, la moindre des choses étant que le ministère la finance sur ses propres crédits.

J'ai bien entendu vos remarques sur l'aide aux apprentissages, madame la ministre. En ce qui concerne l'aide aux ZEP, la réponse que j'ai reçue de l'inspecteur d'académie n'était toutefois pas aussi nette. Il semble en effet que ces crédits aient été utilisés sur l'ensemble du département, et non ciblés sur les ZEP, ce qui tendrait à prouver que l'inspecteur d'académie ne disposait pas de suffisamment de moyens pour répondre à la fois aux besoins des ZEP et des autres secteurs.

Quant au rapport de la Cour des comptes que vous avez cité, je n'en fais pas exactement la même lecture que vous. La Cour souligne en effet que, faute de moyens suffisants, on a perdu en efficacité, particulièrement au niveau de l'école maternelle et élémentaire.

Je rappelle que les taux d'encadrement pour les classes de maternelle sont en chute libre, en particulier la prise en charge des enfants de moins de trois ans. L'on sait pourtant que, dans ces secteurs d'enseignement prioritaire, c'est dès l'école maternelle qu'il faut commencer à redresser la situation pour les enfants en grande difficulté.

Tel est le sens de mon interrogation, qui concerne non pas seulement ma commune, mais bien l'ensemble des ZEP de mon département.

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