M. Louis Pinton interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur le niveau géographique le plus pertinent pour l'implantation des éoliennes terrestres et pour leur fiscalité. Une approche nationale serait à son sens plus rationnelle et équitable que les logiques territoriales actuelles. La loi « Grenelle II » soumettra certainement l'implantation des fermes éoliennes à des contraintes de géographie. L'idée va dans le bon sens : celui d'implantations mieux maîtrisées. Mais les « schémas régionaux de l'éolien » préfectoraux, tels que les préconise le rapport Ollier, cantonnent l'approche au territoire régional. Cela ne peut qu'engendrer avec les régions voisines des ruptures aberrantes, dues à la discontinuité entre des schémas élaborés sans concertation. Il prend le cas d'une zone traversée par un couloir de vent propice à l'implantation d'installations éoliennes, et couvrant en un point donné les confins de deux, voire de trois régions différentes, dotées chacune de leur schéma d'implantation distinct, sachant qu'en ce point de rencontre, une ou deux des régions pourraient avoir établi sur leur territoire respectif des zones de protection paysagère prohibant les implantations. Ce cas de figure est réaliste, comme le montre un exemple concret dans le sud de l'Indre, à la limite de la Creuse et de la Haute-Vienne. La situation est alors la suivante : celle des régions contiguës sans zone de protection paysagère, et bien décidée à tirer parti du couloir de vent, pourra délivrer des autorisations pour des fermes éoliennes comportant, pour certaines, un nombre élevé de machines de grande hauteur, et ce à la lisière même de zones d'interdiction situées dans les régions voisines. Pour peu qu'à cet endroit, le territoire de la région équipée forme une saillie sur celui des régions contiguës, la zone de protection décrétée dans ce secteur par ces dernières se trouve vidée de son sens. On voit ici les limites de la territorialisation des schémas d'implantation. Afin de prévenir ces phénomènes de distorsions, il lui demande s'il ne serait pas souhaitable de substituer aux schémas régionaux un schéma national unique d'implantation ? Les données géographiques et physiques pertinentes seraient recensées dans le cadre de la totalité du territoire national, et sur cette base serait établie une carte nationale des autorisations d'implantations, respectueuse en tout point du territoire des données et exigences naturelles. Au lieu d'un « saupoudrage » mal maîtrisé et non concerté, cette approche mettrait un terme à l'empilement stérile et contre-productif des documents de planification et serait en outre plus en phase avec des objectifs nationaux de production énergétique éolienne mieux pris en compte. S'agissant de la fiscalité, le fait que l'implantation des sites éoliens relève de la décision des régions n'est pas cohérent avec la fixation au niveau national des taux de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Là encore, il se demande si une approche nationale d'ensemble n'introduirait pas plus de clarté et de justice dans le système ? La collecte et la répartition de la fraction « éoliennes terrestres » de l'IFER pourrait se faire au niveau national, avec une ventilation équitable du produit de la taxe entre tous les départements, dotés ou non de sites éoliens. Cela serait plus juste que de cantonner le bénéfice de cette ressource aux seules communes et départements dotées d'installations et inciterait les collectivités à plus de discernement dans leurs décisions d'implantation.
M. Louis Pinton. Madame la secrétaire d'État, la présence des éoliennes sur les territoires est désormais soumise à des schémas régionaux d'implantation. Cette situation entraîne des incohérences aux frontières des régions.
Pour prendre un exemple précis, la région Centre considère, à juste titre, que la partie sud de son territoire doit être protégée. La région Limousin, contiguë et située au sud de la région Centre, autorise quant à elle l'implantation d'éoliennes dans la partie nord de son territoire. Autrement dit, à la frontière des deux régions, les éoliennes sont interdites d'un côté et autorisées de l'autre.
De plus, le tracé de la limite entre les deux régions étant dentelé, il y a des intrications des deux territoires régionaux l'un dans l'autre. Dans ces enclaves contiguës, on peut donc implanter des éoliennes d'un côté et pas de l'autre, ce qui est incohérent puisque la nature des paysages ignore la fantaisie des découpages administratifs. Cela est cause de troubles parmi les élus, voire parmi les populations.
Ne pensez-vous pas qu'un schéma national, élaboré avec logique et dans la concertation, serait une façon plus cohérente d'organiser la présence des éoliennes sur notre territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, le Gouvernement soutient un développement de l'énergie éolienne à haute qualité environnementale, réalisé de manière ordonnée, afin de prévenir les atteintes aux paysages, au patrimoine et à la qualité de vie des riverains. Ces orientations ont été confirmées par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement du 3 août 2009, notamment par son article 19, ainsi que par le projet de loi portant engagement national pour l'environnement adopté hier par le Sénat, en particulier dans ses articles 23 et 34.
Ainsi, le schéma régional éolien, annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, définira les zones du territoire régional où pourront être créées les nouvelles zones de développement de l'éolien, les ZDE. Les modalités d'élaboration de ces schémas seront précisées par décret dans les semaines à venir. Elles prendront notamment en compte les intérêts des communes concernées par les délimitations territoriales introduites par le schéma régional éolien.
Dans l'état actuel du droit, lors de toute création de ZDE, le préfet recueille déjà les avis des communes limitrophes de celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l'éolien, et ce quelle que soit la subdivision administrative dont dépendent ces communes. Ces procédures garantissent ainsi la bonne prise en compte des enjeux paysagers, y compris, le cas échéant, hors du périmètre régional.
L'un des enjeux des schémas – il est nécessaire de le rappeler – est leur appropriation par les acteurs locaux. Pour cette raison, le pilotage de leur élaboration a été confié conjointement aux préfets de région et aux présidents de conseil régional. C'est aussi à ce niveau, plus qu'au niveau national, que peut se réaliser l'adaptation aux réalités locales, notamment paysagères.
Le schéma régional éolien a vocation à désigner, dans une logique coopérative État-région, les zones favorables susceptibles d'accueillir les nouvelles ZDE. Il ne préjuge aucunement l'issue de l'instruction d'une demande de ZDE localisée au sein d'une zone favorable. La décision de création de ZDE, sur proposition d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale, relève de la seule compétence du préfet. Il en est de même de l'autorisation d'implantation d'une installation éolienne.
S'agissant de la fiscalité, il est compréhensible que, au titre de l'équité de traitement sur le territoire, les taux d'imposition soient fixés au niveau national. En revanche, la contribution économique territoriale et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux matérialisent le lien entre une activité économique et le territoire qui l'accueille. En ce sens, il ne serait pas fructueux – ce serait même contreproductif – de rompre ce lien, alors que le cadre largement concerté des schémas éoliens contribue fortement à la transparence et à la rationalité des choix finaux.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.
M. le président. La parole est à M. Louis Pinton.
M. Louis Pinton. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de la clarté de votre réponse.
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